TUNIS : Le président français, Emmanuel Macron, a décidé de faciliter l'accès aux archives de la guerre d'Algérie classifiées "secret défense", tel que préconisé par le rapport de l'historien français Benjamin Stora pour la réconciliation des mémoires entre les deux pays.
Pour l'historien algérien et spécialiste reconnu des archives Fouad Soufi, il s'agit d’un important "acquis" même si cette "déclassification ne se fera pas du jour au lendemain".
En quoi la décision d'Emmanuel Macron est-elle significative?
En France, une loi de 2008 donne accès aux archives après 50 ans, mais en 2011, une instruction interministérielle a allongé le délai de non communicabilité de ces documents.
Ainsi, la décision de Macron est une sorte de rappel à la loi, mais elle ne signifie pas que toutes les archives seront ouvertes. On risque de rester sur un système de feuille par feuille au lieu d'une déclassification au "carton" (comme autorisé par la présidence française), car c'est du +secret défense+, donc on est obligé d'être précis.
Il y a un principe acquis en faveur des historiens, quels qu'ils soient. Ils peuvent émettre des avis sur les documents à ouvrir. Il ne s'agit pas seulement des documents de la guerre, mais de l'ensemble des documents +secret défense+. Cela donnera surtout accès à des archives militaires, à des procès verbaux d'interrogatoires par exemple s'ils n'ont pas été détruits.
Mais les archives des essais nucléaires ne seront pas rendues publiques.
C’est un gros acquis, mais la déclassification ne va pas se faire du jour au lendemain. Une fois un document déclassifié, il devient toutefois accessible à tout le monde.
Les historiens demandent que le travail sur les archives soit aussi fait du côté algérien. Qu’en est-il des archives nationales de l’Algérie?
Le président Macron a donné une grande leçon de gestion de l'Etat. Le minimum qu'on puisse faire maintenant en Algérie, c'est de rouvrir les archives. Elles ont été petit à petit fermées au cours des dernières années et le sont complètement aujourd’hui.
Pour y remédier, les chercheurs algériens vont à Aix-en-Provence (pour consulter les archives nationales d'Outre-mer) ou à Vincennes (où est basé le Service historique du ministère de la Défense).
Cela est très certainement dû à l’ignorance du métier, à la peur de divulguer quelque chose d'important, mais aussi à l'abus de certains responsables algériens.
Pour ce qui est de la rapatriement des archives, je suis pour le principe de partage, je le maintiens. C'est une question de principe: toutes ces archives n'appartiennent pas à la France et il ne peut pas y avoir une mainmise de la partie française sur ces documents.
Toutefois, exiger le retour de toutes les archives comme le demande Abdelmadjid Chikhi (le directeur général des Archives nationales algériennes) est une position très simpliste. Il sait que ce n'est pas faisable.
Le rapport Stora, cible de vives critiques aussi bien en Algérie qu'en France, a-t-il réussi à relancer la dynamique de la réconciliation mémorielle entre les deux pays ?
Il a ouvert un débat chez nous et les dernières décisions du président Macron font bouger les lignes en Algérie. C'est une politique des petits pas que fait la France, mais c'est quand même le deuxième petit pas en un mois.
En préconisant la reconnaissance de l’assassinat du nationaliste algérien Ali Boumendjel, entérinée par l'Elysée début mars, Benjamin Stora a voulu choisir un symbole et montrer que les militaires français ont assassiné un avocat. C'est un choix judicieux.
Pour ce qui est des critiques, il faut se rappeler que c'est le rapport d'un expert français à un président français et à l'opinion publique française. Il parle de nous mais il ne nous est pas destiné.