PARIS: Ce n’est plus un secret que l’expansionnisme turc du président Erdogan en Méditerranée - de la Libye à la Grèce - inquiète profondément le président français Emmanuel Macron.
L’intervention turque en Libye, via des milices syriennes islamistes envoyées par Erdogan à Tripoli - des mercenaires utilisés pour contrer l’avance des troupes du maréchal Haftar et soutenir le gouvernement de Tripoli de Fayez Sarraj - est considérée par la France comme une violation des décisions prises lors de la Conférence de Berlin sur la Libye en janvier, qui avait appelé à la fin de toutes les ingérences dans le conflit armé. Une conférence lors de laquelle le président turc s’était engagé à ne plus intervenir en Libye.
Par ailleurs, les tensions entre la Grèce et la Turquie préoccupent Emmanuel Macron qui a appelé mercredi la Grèce et la Turquie à se concerter davantage pour apaiser les tensions en Méditerranée orientale. Au cours d’un entretien téléphonique avec le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, il a exprimé son inquiétude vis-à-vis des actions unilatérales de la Turquie, qui n’a pas mis fin à ses ambitions de procéder à des explorations pétrolières dans une zone disputée en Méditerranée orientale.
Mais que veut donc Erdogan ? Ambitionne-t-il dans sa folie des grandeurs, de faire renaître l’Empire ottoman, ou veut-il propager en Méditerranée l’islamisme des Frères musulmans en Libye, à travers son aventurisme ? Jusqu’où ira-t-il dans son ambition de dominer la Méditerranée ? Aurait-t-il les velléités de faire comme le régime iranien afin de disposer de proxys locaux dans plusieurs pays européens autour de la Méditerranée ?
Sa décision de transformer la basilique de Sainte Sophie en mosquée a provoqué un tollé international. Erdogan, à bien des égards, liquide l’héritage laïc de Mustapha Kemal. En Syrie, il a établi un protectorat dans le nord du pays avec la bénédiction de Poutine et de Trump, en chassant les Kurdes qui ont aidé les Américains à éliminer Daesh.
Face à une telle attitude, Paris a dénoncé moult fois les actions unilatérales d’Ankara, et a annoncé jeudi avoir renforcé sa présence militaire en Méditerranée orientale, avec l’envoi des deux Rafales et deux navires de guerre, faisant fi des déclarations d’Erdogan qui avait qualifié la récente visite d’Emmanuel Macron au Liban de « colonialisme » et de « spectacle ».
Dans son affrontement avec Erdogan, Emmanuel Macron se sent toutefois un peu seul. Les Allemands soutiennent timidement la position française sur la Libye, ligotés par la présente d’une forte population turque en Allemagne, même si c’est Berlin qui a organisé la conférence internationale sur la Libye.
La Turquie étant membre de l ‘Otan, la France manque également d’appui au sein de l’Alliance atlantique dans sa volonté de stopper l’expansionnisme turc qui menace la Grèce et Chypre d’une part, mais aussi toute l’Europe voisine de la Libye. Le continent s’inquiète réellement de la présence de mercenaires syriens islamistes importés par Erdogan en Libye, à même de pénétrer les frontières européennes. Mais la France seule ne peut arrêter la folie d’Erdogan. Une politique européenne sur la Turquie est nécessaire pour protéger deux pays européens - la Grèce et Chypre – mais aussi tout le reste de l’Europe.