L’Iran passé maître dans l’art de manipuler la faiblesse américaine

L'ancien secrétaire d'État américain Mike Pompeo a parlé, dans une interview exclusive avec Arab News, de la menace sérieuse que représente le régime iranien. (Photo Arab News/ capture d'écran)
L'ancien secrétaire d'État américain Mike Pompeo a parlé, dans une interview exclusive avec Arab News, de la menace sérieuse que représente le régime iranien. (Photo Arab News/ capture d'écran)
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Publié le Jeudi 11 mars 2021

L’Iran passé maître dans l’art de manipuler la faiblesse américaine

  • L’ancien secrétaire d’État estime que protéger les soldats américains au Moyen-Orient nécessite une réponse américaine ferme à l’Iran
  • Refuser aux Saoudiens «le droit de se défendre est tout simplement de la folie, et pourtant, c’est bien la direction que semble prendre cette administration»

RIYAD : L'administration américaine a la responsabilité de s’opposer aux efforts qui tentent d’affaiblir l'Arabie saoudite, a déclaré l'ancien Secrétaire d'État américain Mike Pompeo dans une interview exclusive à Arab News. Il ajoute que refuser aux Saoudiens «le droit de se défendre est tout simplement de la folie, et pourtant, c’est bien la direction que semble prendre cette administration».

Il a affirmé que «les dirigeants iraniens savent comment tirer profit de la faiblesse américaine» et que pour dissuader le régime, il faudra «un message cohérent et solide» et «la volonté de lui en faire payer le prix».

Pompeo s’oppose fermement au retrait de la désignation de terroriste à la milice yéménite Houthi par l’administration Biden. Il rappelle que «personne ne conteste le fait que les Houthis soit des terroristes, et personne ne conteste non plus le fait que les Iraniens les soutiennent».

Au cours de l'interview, l’ancien secrétaire a abordé un certain nombre de questions importantes, notamment la montée en flèche des attaques contre les zones peuplées et les infrastructures pétrolières saoudiennes, la perception iranienne des mesures de politique étrangère de l'administration Biden, le rôle des Houthis dans l'aggravation de la crise humanitaire au Yémen, et la gestion par l'administration Trump des relations américano-saoudiennes.

«En fin de compte, les dirigeants iraniens, le (guide suprême) l'ayatollah (Ali Khamenei) et son entourage comprennent une chose: ils comprennent le langage de la force. Et quand ils agissent, et qu'ils voient des faiblesses ou qu'ils voient un apaisement ou qu'ils s'attendent à ce qu'il y ait un apaisement, ils vont continuer à agir», a déclaré Pompeo.

Tirant la sonnette d’alarme, il a précisé: «Donc, que ce soit par les frappes de missiles que (les Iraniens) ont entreprises, ou les efforts qu'ils ont déployés pour continuer à faire pression sur l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) pour réfuter ce que nous savons tous, leur programme clandestin, les sites clandestins où ils détenaient des armes de destruction massive qui n'ont pas été déclarées - voilà le genre de choses que nous continuerons de constater, jusqu’à ce que le monde, pas uniquement les États-Unis, mais le monde entier, l'E3 (Royaume-Uni, France, Allemagne) inclus, dise que «cela suffit, nous n'allons plus permettre que cela se produise.»

Pompeo, originaire du Kansas, était membre du Congrès. Il a ensuite été directeur de la CIA sous la présidence de Donald Trump, avant d'être nommé et confirmé comme Secrétaire d'État en 2018. Sous sa direction, les États-Unis ont adopté une campagne de «pression maximale» pour isoler le régime iranien, tout en gardant ouverte l'option d'une frappe militaire pour «assurer la sécurité des Américains».

Depuis son départ en janvier, Pompeo a continué à prendre la parole et a refusé d'exclure une éventuelle candidature à la présidentielle de 2024 si son ancien patron, Trump, ne se présente pas. En plus de nous faire part de ses projets d’aider les Républicains et de militer pour les conservateurs, Pompeo a critiqué la nouvelle administration américaine pour avoir refusé de donner la priorité à l'Amérique, en particulier dans le contexte du Moyen-Orient.

Pompeo assure à Arab News que ce qui le préoccupe, ce ne sont pas seulement les «messages envoyés par l'administration (Biden); mais l’orientation politique qu’elle dit avoir l’intention de suivre».

«L’administration Biden a clairement indiqué qu’elle préfère s’engager à nouveau des négociations étroitement liées au PAGC de 2015», a-t-il déclaré, faisant référence au Plan d’action global conjoint, communément appelé «accord nucléaire iranien».

L'accord a été conclu en juillet 2015 entre l'Iran et le P5 + 1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, plus l'Allemagne) ainsi que l'Union Européenne. L'administration Trump a retiré les États-Unis du PAGC en mai 2018, invoquant les failles de son caractère temporaire, son manque de contrôle sur le programme de missiles balistiques de l'Iran et le «comportement malveillant» de l'Iran en Syrie et ailleurs au Moyen-Orient.

«Examinons les actions. Jusqu'à présent, l'administration a retiré de la liste une organisation terroriste. Personne ne conteste, personne ne conteste le fait que les Houthis sont des terroristes. Et personne ne conteste le fait que les Iraniens les soutiennent», a affirmé Pompeo.

«Cette administration dit: «Nous allons les retirer de la liste. «Cette administration a travaillé aux côtés de l'AIEA pour dire: «Non, nous n'allons pas publier de rapport sur ce matériel qui a été (trouvé) dans des endroits non déclarés».

«Ils vont maintenant permettre à l'argent du FMI et de la République de Corée d’affluer dans les coffres iraniens. C’est ce genre de concessions avant qu’il n’y ait eu de discussions sur la possibilité même d’entrer dans une négociation. Cela fait montre de faiblesse et, je vous en assure, les dirigeants iraniens savent comment tirer profit de la faiblesse américaine».

Décrivant l'Arabie saoudite comme «un important partenaire de sécurité» pour les États-Unis, Pompeo a déclaré: «Pendant très longtemps, je pense que nous avons négligé ce fait. Lorsque nous y parviendrons, nous pourrons envoyer un nombre moins important de nos jeunes hommes et femmes, jeunes hommes et femmes américains, au Moyen-Orient, confrontés à des risques, et nous pourrons les soutenir.

Expliquant comment cela pourrait être réalisé, il a précisé: «Cela commence toujours par un engagement, un engagement diplomatique, un engagement du président des États-Unis, qui affirme que nous comprenons que vous, en Arabie saoudite, avez le droit de vous défendre alors que des missiles sont lancés contre votre pays. Leur ôter le droit de se défendre est tout simplement de la folie, et pourtant, c’est bien la direction que semble prendre cette administration».

«Deuxièmement, nous avons travaillé avec le Royaume d'Arabie saoudite sur un plus large éventail de questions, notamment la vente d'armes, éléments visant à la sécurité de la population du Royaume d'Arabie saoudite», rappelle-t-il.

Pompeo a rejeté les critiques selon lesquelles l'administration Trump a bafoué les droits de l’homme dans le processus. «Rien ne pourrait être plus loin de la vérité», a-t-il dit. «Nous avons soutenu le Royaume d'Arabie saoudite alors qu'il commençait à s'ouvrir de l'intérieur, pour permettre aux femmes d'être plus actives et de s’adonner à des activités qui leur étaient interdites depuis très longtemps. De réels progrès ont été réalisés».

Il a fait valoir que l'administration Trump a adressé des remontrances aux Royaume lorsque des erreurs s’étaient produites. Dans le dossier de l’assassinat de Jamal Khashoggi, l'administration a sanctionné les agents impliqués dans l’affaire.

À l'époque, le Royaume avait admis qu'en 2018, un certain nombre d'agents avaient outrepassé leur autorité et fini par tuer le journaliste au consulat saoudien à Istanbul, en Turquie. Un procès a vu cinq Saoudiens ont condamnés à mort, et trois autres à des peines de prison, à la suite de cet assassinat.

Néanmoins, Pompeo a réitéré le fait qu'avoir une «relation de sécurité approfondie avec le Royaume était lié à la sécurité de l'Amérique et à la sécurité de tout le Moyen-Orient».

Il a établi un contraste saisissant entre la politique de Trump au Moyen-Orient et celle de son successeur. «Nous avions trois principaux axes d'efforts. Le premier était de mettre en place une coalition contre le plus grand État commanditaire du terrorisme au monde, le régime iranien. Et nous l'avons fait», a déclaré Pompeo.

«Nous avons mis en place une coalition comprenant Arabes et Israéliens. Elle comprenait également d'autres pays qui étaient prêts à nous aider à patrouiller dans le détroit d'Ormuz. Nous avons bâti une véritable coalition mondiale contre l'Iran pour le dissuader d’effectuer des attaques militaires».

«En second lieu, nous avons exercé une énorme pression économique sur le régime iranien. Nous l’avons sanctionné; nous nous sommes assurés que les Iraniens ne pourraient pas vendre leur pétrole brut dans le monde - toutes choses qui forceraient le régime iranien à prendre des décisions difficiles sur la façon de dépenser ses ressources.»

«Si vous voulez financer le Hezbollah, vous allez avoir moins d’argent pour nourrir votre peuple et en prendre soin. Si vous voulez soutenir les milices irakiennes, si vous voulez aider le régime d'Assad en Syrie... Nous avons imposé de lourdes contraintes financières, dans l'espoir qu'ils en tireraient la conclusion que réaliser leur programme nucléaire et leur programme de missiles n’est pas dans le meilleur intérêt de leur pays».

Pompeo a poursuivi: «La troisième chose que nous avons faite, est d’avoir soutenu le peuple iranien. C'est différent de ce que l'administration Obama a fait. Nous étions conscients du fait que le peuple iranien lui-même souhaitait vivre une vie qui ne soit pas très différente de celle que vivent les gens du monde entier - et que les théocrates, les kleptocrates au pouvoir en Iran aujourd'hui, pouvaient avoir les systèmes d'armement, mais pas les cœurs et l’esprit du peuple iranien.

«Nous avons donc fait tout notre possible pour soutenir le peuple iranien. Ces trois piliers clés de notre politique marquaient la bonne direction. Ils représentaient le meilleur moyen de dissuader l’Iran d’attaquer les pays arabes, de sorte que l’intention déclarée par l’Iran de rayer Israël de la carte ne se concrétise pas.»

Pompeo affirme qu’il n’y a aucune raison de remettre en question l’état d’esprit du régime iranien. «Ils ont clairement indiqué qu’ils étaient prêts à faire des choses dans le monde entier, avec ce qu’ils considéraient comme étant la garantie de leurs droits dans le monde», a-t-il déclaré à Arab News.

«Lorsque j'étais Secrétaire d'État, j'ai beaucoup parlé de leurs efforts pour mener des campagnes d'assassinats dans toute l'Europe».

«Certains de leurs agents ont été arrêtés et emprisonnés en Europe. Cela m’a toujours déconcerté de voir l’E3 continuer à se rapprocher des Iraniens et de l’accord du PAGC pour dire «Non, c’est la bonne direction», alors qu’en fait, les Iraniens essayaient de tuer des gens à l’intérieur de chacun de leurs pays».

«Nous le constatons également ici aux États-Unis. N'oublions pas qu'il n'y a pas si longtemps, les Iraniens avaient comploté pour tuer l'ambassadeur saoudien ici même, pas très loin de l'endroit où je suis assis aujourd'hui, à Washington D.C.

«Ils ont une campagne mondiale, une campagne mondiale d’espionnage, un effort mondial d’assassinats, le tout pour défendre une poignée de hauts dirigeants à l’intérieur de l’Iran, qui siphonnent les fonds restants à la disposition des Iraniens. Nous ne pouvons pas continuer à souscrire à cela.»

«Nous ne pouvons pas lever ces sanctions tant que l’Iran n’a pas libéré tous les prisonniers américains, tant que l’Iran n’a pas compris qu’il est inacceptable de se livrer à ce genre de comportement. Nous ne pouvons pas récompenser ça, les récompenser avec des ressources financières, les inciter à continuer à agir ainsi et leur fournir les capitaux nécessaires pour poursuivre ces programmes.»

S'agissant de sa décision de désigner les Houthis comme une «organisation terroriste étrangère», Pompeo a affirmé à Arab News: «Bien sûr. C'était une simple mesure qui a été appliquée par l'administration (Trump). C'était simple. Il n’a pas fallu beaucoup de travail pour y parvenir».

«Mais, voyez-vous, l’administration (Biden) ne peut pas nier qu’il s’agit de terroristes, bien qu’elle affirme maintenant que les Houthis n’étaient pas des terroristes. Je comprends les préoccupations du monde face aux défis humanitaires au Yémen. L’administration Trump a effectivement dépensé une grande partie de l’argent des contribuables américains pour faire en sorte que les citoyens ordinaires du Yémen ne souffrent pas de la famine, et nous avons convaincu les Saoudiens et les Émiratis de faire de même».

«Nous avons travaillé très sur ce sujet. Nous nous sommes assurés, du mieux que nous le pouvions, que la nourriture entre dans ce pays. Mais les personnes qui empêchaient l'aide mondiale d'atteindre ceux qui avaient réellement besoin de cette nourriture et de ces médicaments étaient, en fait, les Houthis.

Faisant allusion à la décision du président Joe Biden de retirer la qualification de «terroriste» de la milice, il a déclaré: «Les Houthis ont maintenant démontré que si vous continuez à bloquer les routes de transit, si vous continuez à menacer les ports, si vous continuez à tenter de gagner du terrain, comme ils essaient de le faire à Marib aujourd'hui, s'ils continuent dans cette voie, ils seront récompensés par un allégement des sanctions. C’est la mauvaise direction. Ils ne comprennent que le langage de la force. Nous avons maintenant démontré que nous sommes prêts à leur donner quelque chose, alors qu’en fait, ils n’ont fait aucune concession.»

La semaine dernière, les cours à terme sur le Brent ont bondi au-dessus de 70 dollars pour la première fois en plus d'un an, après que les installations pétrolières saoudiennes ont été ciblées par des missiles et des drones. Un parc de réservoirs de pétrole dans l'un des plus grands ports de transport de pétrole au monde a été attaqué par un drone, tandis qu'un missile balistique ciblait les installations de Saudi Aramco, selon l'agence de presse officielle SPA. Les éclats du missile intercepté sont tombés près des zones résidentielles de la ville de Dhahran.

«Souvenez-vous que lorsque l’installation de Saudi Aramco a été prise pour cible durant notre administration, j’ai indiqué très clairement la provenance de ces missiles. Ils ne venaient pas du Yémen. C'étaient des missiles iraniens lancés par les Iraniens», a précisé Pompeo à Arab News.

«Cet effort continu pour déstabiliser le Royaume d'Arabie saoudite et pour menacer les gens, qu'ils soient à Dhahran - où se trouvent beaucoup, beaucoup d'Américains - ou à Riyad, constitue une menace réelle pour la stabilité dans tout le Moyen-Orient. Notre administration ici en Amérique, les administrations de toute l'Europe, ont la responsabilité de lutter contre cela et de faire payer aux Iraniens le prix de ce genre d’inconduite. Il est vraiment étrange que, d’une certaine façon, le lancement de missiles iraniens soit devenu, du moins pour cette administration, quelque chose qui n’est pas considéré comme exigeant une réponse directe», insiste-t-il.

«Il y a peu d'endroits dans le monde où cela serait autorisé sans une réaction sérieuse du monde occidental, et cela supposerait une réponse sérieuse, au moins pour la forme, de la part de l'ONU. J'espère que cela aura lieu». Pompeo dit qu’il est «difficile de savoir au jour le jour» si le risque aujourd'hui est plus élevé qu'il ne l’était il y a une semaine ou deux. Nous le savons: dissuader le régime iranien nécessite un message cohérent et solide et une volonté d’imposer un coût aux dirigeants iraniens.»

Alors, que pense Pompeo des frappes militaires américaines en Syrie le mois dernier, sur un site utilisé par deux milices irakiennes soutenues par l'Iran, apparemment en réponse à des attaques à la roquette contre les forces américaines en Irak? Le président Biden a décrit la frappe comme un message à l’Iran: «Vous ne pouvez pas agir en toute impunité, faites attention».

Pompeo a affirmé que «si la réponse à l'agression iranienne était de lancer des missiles dans le désert, ou de frapper un bâtiment d'approvisionnement en Syrie, ce qui n'a pratiquement pas d’effet sur le régime iranien lui-même, si ce sont là les réponses, alors il est peu probable de pouvoir établir des moyens de dissuasion pour protéger et défendre nos soldats qui sont stationnés dans tout le Moyen-Orient, pas seulement en Arabie saoudite, mais dans tout le Moyen-Orient».

De son point de vue, «nous avons l’obligation de bien faire les choses et il faudra une forte réponse américaine pour les dissuader d’agir de cette façon».

Encouragés peut-être par la campagne réussie visant à amener Biden à retirer la désignation de «terroriste» appliquée aux Houthis durant l'ère Trump, certains dirigeants religieux, politiques, et humanitaires, ont récemment signé une lettre appelant le président américain à lever les sanctions économiques contre la Syrie. Mais Pompeo considère que la loi César sur la protection des civils en Syrie est «vraiment importante».

«La bonne nouvelle est que c'était un effort émanant des deux partis, ce n'était pas seulement l'administration Trump», a-t-il précisé à Arab News. «Cela m'a donné le pouvoir, en tant que Secrétaire d'État à ce moment, de prendre des mesures concrètes et de répondre sous l'autorité de la loi César. C'était très efficace. Cela a mis la pression sur les hommes d'affaires syriens qui avaient des liens étroits avec l'Iran. Cela a mis la pression sur le Hezbollah et les hommes d'affaires qui soutenaient le Hezbollah.»

«C'était incroyablement efficace. J'espère que la loi César et son application par l'administration se poursuivront».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com   


Le Hezbollah dit recourir à de nouvelles armes dans ses attaques contre Israël

Des roquettes tirées depuis le sud du Liban sont interceptées par le système de défense aérienne israélien Iron Dome au-dessus du plateau du Golan annexé par Israël, le 17 mai 2024, alors que des affrontements transfrontaliers se poursuivent entre les troupes israéliennes et les combattants du Hezbollah. (Photo Jalaa Marey AFP)
Des roquettes tirées depuis le sud du Liban sont interceptées par le système de défense aérienne israélien Iron Dome au-dessus du plateau du Golan annexé par Israël, le 17 mai 2024, alors que des affrontements transfrontaliers se poursuivent entre les troupes israéliennes et les combattants du Hezbollah. (Photo Jalaa Marey AFP)
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  • Le Hezbollah, selon l'analyste militaire Khalil Helou, est capable d'envoyer «des drones qu'il peut contrôler facilement et qui volent lentement à basse altitude sans être détectés par les radars»
  • Jeudi, le Hezbollah a annoncé avoir mené une attaque à l'aide d'un drone équipé de deux missiles «S5», généralement tirés depuis des avions, contre un site militaire à Metoulla dans le nord d'Israël

BEYROUTH, Liban : Le puissant Hezbollah libanais a eu recours ces dernières semaines à de nouvelles armes dans son conflit avec Israël, dont un drone capable de lancer des missiles avant d'exploser en attaquant ses cibles.

Depuis le début de la guerre à Gaza entre Israël et le Hamas le 7 octobre, le Hezbollah armé et financé par l'Iran affirme attaquer des objectifs militaires principalement dans le nord d'Israël à partir du sud du Liban, où il est fortement implanté, pour soutenir le mouvement islamiste palestinien.

- Drones et missiles -

Jeudi, le Hezbollah a annoncé avoir mené une attaque à l'aide d'un drone équipé de deux missiles «S5», généralement tirés depuis des avions, contre un site militaire à Metoulla dans le nord d'Israël.

Il a publié une vidéo montrant le drone volant vers un site où se trouvent des chars, avant de lancer deux missiles puis d'exploser contre sa cible.

C'est la première fois que le mouvement annonce l'utilisation d'une telle arme depuis le début des échanges de tirs transfrontaliers.

L'armée israélienne a déclaré que trois soldats avaient été blessés dans l’explosion d'un drone à Metoulla.

Selon le Hezbollah, la charge explosive du drone pèse entre 25 et 30 kilos.

L'importance de cette arme, explique à l'AFP l'analyste militaire Khalil Helou, un général de brigade à la retraite, réside dans sa capacité à lancer l'attaque depuis l'intérieur du territoire israélien.

Le Hezbollah, selon lui, est capable d'envoyer «des drones qu'il peut contrôler facilement et qui volent lentement à basse altitude sans être détectés par les radars».

- Missiles iraniens -

Mercredi, le mouvement libanais a annoncé avoir lancé des «drones d'attaque» contre une base militaire proche de Tibériade dans le nord d'Israël, à environ 30 kilomètres de la frontière avec le Liban.

C'est la première fois selon des experts qu'il cible un objectif en profondeur du territoire israélien.

Ces dernières semaines, le Hezbollah a aussi annoncé avoir utilisé simultanément dans une seule attaque contre des sites ou des convois militaires israéliens, des drones explosifs et des missiles guidés.

Il a aussi eu recours à des «missiles guidés» et à des missiles iraniens de type Burkan, Almas et Jihad Moughniyé, du nom d'un commandant du Hezbollah tué par Israël en 2015 en Syrie.

Mais, dit M. Helou, le Hezbollah continue d'utiliser en premier lieu dans ses attaques, des missiles antichars Kornet, qui ont une portée entre 5 et 8 kilomètres.

Le missile antichars russe Konkurs fait également partie de son arsenal et peut échapper au système de défense antimissiles israélien Dôme de fer.

- «Guerre d'usure» -

Le Hezbollah, qui possède un énorme arsenal, a maintes fois annoncé disposer de plusieurs armes et missiles avancés capables d'atteindre Israël en profondeur.

Le 5 avril, son secrétaire général Hassan Nasrallah avait affirmé que le mouvement n'avait «pas encore employé ses principales armes» dans la bataille.

Depuis octobre 2023, le Hezbollah et Israël testent leurs méthodes d'attaque et leurs tactiques militaires, estiment des analystes.

Mais selon M. Helou, le mouvement libanais «ne veut pas élargir le cercle de la guerre. Il s'agit d'une guerre d'usure» dans laquelle il tente de pousser l'armée israélienne à mobiliser davantage de soldats à sa frontière nord et de la dissuader de «lancer une attaque d'envergure au Liban».

 


Israël: tiraillements au sommet de l'Etat sur fond de «bataille décisive» à Rafah

Cette photo diffusée par l'armée israélienne le 7 mai 2024 montre le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant avec des soldats près d'un obusier d'artillerie automoteur lors d'une visite à une position le long de la frontière avec la bande de Gaza près de Rafah. (Photo de l'armée israélienne / AFP)
Cette photo diffusée par l'armée israélienne le 7 mai 2024 montre le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant avec des soldats près d'un obusier d'artillerie automoteur lors d'une visite à une position le long de la frontière avec la bande de Gaza près de Rafah. (Photo de l'armée israélienne / AFP)
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  • La bataille de Rafah à peine lancée, le ministre de la Défense Yoav Gallant a le 15 mai pressé Benjamin Netanyahu de préparer l'après-Hamas, soulignant que «la fin de la campagne militaire doit s'accompagner d'une action politique»
  • Faute de trouver un remplaçant au Hamas qu'Israël considère comme terroriste, celui-ci ne pourra être vaincu, avertissent les experts

JÉRUSALEM : Des dissensions sont apparues au sommet de l'Etat israélien autour du scénario de l'après-guerre dans la bande de Gaza, au moment où le gouvernement affirme y mener la «bataille décisive» pour anéantir le mouvement palestinien Hamas.

En entrant dans le 8e mois de guerre, l'armée israélienne a lancé le 7 mai des opérations au sol à Rafah, localité adossée à la frontière égyptienne à la lisière sud de la bande de Gaza, où se cachent, selon elle, les derniers bataillons du Hamas.

Mais, la bataille à peine lancée, le ministre de la Défense Yoav Gallant a le 15 mai pressé Benjamin Netanyahu de préparer l'après-Hamas, soulignant que «la fin de la campagne militaire doit s'accompagner d'une action politique», s'opposant publiquement au Premier ministre qui peu avant avait écarté «toute discussion sur l'avenir de la bande de Gaza» avant que «le Hamas soit anéanti».

«Une alternative gouvernementale au Hamas va être préparée immédiatement», a martelé M. Gallant, indiquant clairement qu'il s'opposerait à ce que la bande de Gaza soit placée sous administration civile ou militaire israélienne et sommant M. Netanyahu de déclarer que ce ne sera pas le cas.

Ces propos ont suscité la colère de ministres du gouvernement, parmi lesquels les ministres des Finances Bezalel Smotrich et de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, chefs de deux petits partis d'extrême-droite, acteurs-clé de la coalition gouvernementale, qui ont appelé au départ de Gallant.

- «Prix à payer» -

«Avec les critiques de Gallant (...) des réelles fissures sont apparues au sein du cabinet de guerre israélien», estime sur X Colin P. Clarke, directeur de recherche au centre de réflexion Soufan Group.

Et, avertissent les experts, faute de trouver un remplaçant au Hamas qu'Israël considère comme terroriste, celui-ci ne pourra être vaincu.

«Sans alternative pour remplir le vide, le Hamas continuera de prospérer», indique à l'AFP Mairav Zonszein, analyste de l'International Crisis Group (ICG).

«Si le Hamas est laissé seul dans Gaza, bien sûr, il apparaîtra ici et là et l'armée israélienne sera contrainte de courir partout», abonde Emmanuel Navon, professeur à l'université de Tel-Aviv.

Les Etats-Unis, principal soutien militaire d'Israël, pressent aussi M. Netanyahu d'éviter d'être englué, après le conflit, dans une interminable campagne de contre-insurrection. Washington a estimé fin mars qu'une «Autorité palestinienne redynamisée» pouvait jouer un rôle pour «créer les conditions d'une stabilité à la fois en Cisjordanie et dans Gaza», territoires palestiniens toujours considérés comme occupés au regard du droit international.

Une idée balayée par M. Netanyahu, pour qui l'Autorité palestinienne (AP), chassée de Gaza en 2007 par le Hamas et qu'il accuse de «soutenir» et «financer le terrorisme», n'est «certainement pas» une option pour diriger la bande de Gaza.

Pour Yoav Gallant, «le +jour d'après le Hamas+ n'existera qu'avec des entités palestiniennes prenant le contrôle de Gaza, accompagnées par des acteurs internationaux».

«C'est, par dessus tout, dans l'intérêt de l'Etat d'Israël» car «l'administration militaire de Gaza deviendrait le principal effort militaire et sécuritaire» d'Israël ces prochaines années et «le prix à payer serait un bain de sang (...) ainsi qu'un lourd coût économique», a-t-il estimé.

- Combats «acharnés» -

La guerre a été déclenchée par l'attaque sanglante menée par le Hamas dans le sud d'Israël, qui a entraîné la mort, côté israélien, de plus de 1.170 personnes, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

En riposte, Israël a lancé une offensive tous azimuts sur la bande de Gaza, qui a déjà fait plus de 35.000 morts, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas.

Et alors qu'Israël dit avoir entamé la «bataille décisive» de Rafah, les soldats israéliens affrontent à nouveau depuis le 12 mai des combattants du Hamas dans le nord du territoire.

L'armée avait pourtant proclamé en janvier avoir «achevé le démantèlement de la structure militaire» du Hamas dans le nord. Elle admet désormais mener, à Jabaliya, ses combats «peut-être les plus acharnées» dans cette zone depuis le début de son offensive terrestre le 27 octobre.

Un signe que «l'anéantissement» du Hamas, un des objectifs de la guerre, n'est peut-être pas si proche. Quant aux espoirs caressés d'une trêve négociée au Caire avec le Hamas, ils se sont évanouis avec le début des opérations dans Rafah.

L'accord de trêve «est dans une impasse totale» et «Israël fait semblant qu'il y a des progrès», explique Mme Zonszein. Les tiraillements au sommet de l'Etat, «plus les désaccords avec les Etats-Unis et le refus de l'Egypte de laisser passer de l'aide» depuis l'offensive israélienne à Rafah, «tout cela commence à faire beaucoup», ajoute-t-elle.

 


Des enfants parmi les victimes alors que les forces israéliennes intensifient leurs attaques contre le Hezbollah

Des soldats de l'armée libanaise et des badauds se rassemblent autour de la carcasse d'une voiture touchée par une frappe israélienne, qui aurait tué un responsable local du Hamas, à Majd al-Jabal dans la vallée de la Bekaa au Liban, le 17 mai 2024. (AFP)
Des soldats de l'armée libanaise et des badauds se rassemblent autour de la carcasse d'une voiture touchée par une frappe israélienne, qui aurait tué un responsable local du Hamas, à Majd al-Jabal dans la vallée de la Bekaa au Liban, le 17 mai 2024. (AFP)
Des volutes de fumée s'élèvent lors du bombardement israélien du village libanais d'Al-Najjariyeh, dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israël. (AFP)
Des volutes de fumée s'élèvent lors du bombardement israélien du village libanais d'Al-Najjariyeh, dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israël. (AFP)
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  • Le Sud-Liban est confronté à une « escalade de la violence », déclare un vétéran de l'armée à Arab News
  • L'ambassade des Etats-Unis se joint aux appels à élire un nouveau président libanais pour « unir la nation »

BEYROUTH : Deux enfants d'une famille de réfugiés syriens ainsi qu’un combattant du Hezbollah ont été tués lors de frappes aériennes israéliennes ayant touché une zone située à plus de 30 km à l'intérieur de la frontière sud du Liban.

Les frappes israéliennes ont ciblé les villages de Najjariyeh et Addousiyeh, tous deux situés au sud de la ville côtière de Saïda, tuant des enfants et un combattant du Hezbollah qui conduisait un camion pick-up au moment de la frappe.

En riposte à ces raids, le Hezbollah a lancé des dizaines de roquettes en direction de la Haute Galilée, la Galilée occidentale, du bassin de la Galilée et du Golan.

Les médias israéliens ont rapporté que 140 roquettes avaient été tirées vers le nord du pays.

CONTEXTE

Le Hezbollah a échangé des tirs transfrontaliers avec les forces israéliennes presque quotidiennement depuis l'attaque du Hamas au sud d'Israël, le 7 octobre,ce qui a déclenché la guerre à Gaza,depuis déjà  huit mois.

Les tensions entre les forces israéliennes et le Hezbollah ont atteint un niveau critique avec des attaques de drones menées en profondeur dans le territoire libanais et le nord d'Israël.

Le général à la retraite Khaled Hamadé de l'armée libanaise a mis en garde contre une « escalade vers des violences plus graves dans le sud du Liban ».

Le Hezbollah insiste pour conditionner un cessez-le-feu dans le sud du Liban à la fin des hostilités dans la bande de Gaza.

Contrairement à la situation dans la bande de Gaza, aucune initiative n'est prise pour arrêter les affrontements entre Israël et le Hezbollah, selon Hamadé.

Dans un communiqué, le Hezbollah a revendiqué avoir visé la base logistique Tsnobar d'Israël dans le Golan avec 50 roquettes Katyusha en réponse à la frappe sur Najjarieh.

Selon les médias israéliens, des salves de roquettes ont visé des bases militaires à Katzrin et des zones au nord du lac de Tibériade.

Deux personnes ont été blessées dans des explosions de roquettes à Karam bin Zamra dans la Haute Galilée, ont ajouté les médias.

Les caméras de surveillance à Najjarieh ont capturé un drone israélien suivant un camion pick-up alors que le conducteur, nommé Hussein Khodor Mehdi, tentait de s’enfuir.

Le premier missile lancé par le drone a raté sa cible, mais un second a frappé le camion, le mettant en feu et tuant son conducteur. Trois passants ont également été blessés.

Le Hezbollah a déclaré que Mehdi, 62 ans, était un « martyr sur la route de Jérusalem ».

La radio de l'armée israélienne a affirmé que la victime était un commandant de haut rang dans l'armée de l'air du Hezbollah et que les chasseurs de l'armée avaient visé des infrastructures du Hezbollah à Najjarieh.

La deuxième frappe aérienne a touché une salle de congrès et une usine de ciment, blessant plusieurs membres d'une famille de réfugiés syriens. Deux enfants, Osama et Hani Al-Khaled, sont décédés des suites de leurs blessures.

Le Hezbollah a revendiqué avoir visé le site militaire d'Al-Raheb avec l'artillerie et les positions israéliennes à Al-Zaoura avec une salve de roquettes Katioucha.

Selon une source sécuritaire, les dernières cibles du Hezbollah comprenaient des ballons de surveillance près de Tibériade et à Adamit en Galilée.

Tôt vendredi, le Hezbollah a attaqué le nouveau quartier général du 411e Bataillon d'Artillerie au Kibboutz Jaatoun, à l'est de Nahariyya, à l’aide de drones en réponse à la mort de deux combattants du Hezbollah, Ali Fawzi Ayoub, 26 ans, et Mohammed Hassan Ali Fares, 34 ans, la veille.

Dans son sermon du vendredi, cheikh Mohammed Yazbek, chef du Conseil de la charia du Hezbollah, a déclaré que le groupe menait « sa guerre féroce dans le nord de la Palestine, pourchassant l'ennemi, aveuglant ses opérations d'espionnage et franchissant les lignes rouges, tout en traquant ses soldats dans leurs cachettes jusqu'à ce que la guerre à Gaza prenne fin ».

L'ambassade des États-Unis au Liban a lancé une mise en garde concernant le conflit à la frontière sud et la vacance présidentielle dans le pays.

L'élection d'un président est cruciale pour garantir la participation du Liban aux discussions régionales et aux futurs accords diplomatiques concernant sa frontière méridionale, a souligné l'ambassade.

Le Liban « a besoin et mérite un président capable d’unir la nation, de donner la priorité au bien-être de ses citoyens et de former une coalition large et inclusive pour restaurer la stabilité politique et mettre en œuvre les réformes économiques nécessaires », a ajouté le communiqué.

Les ambassadeurs d'Égypte, de France, du Qatar, d'Arabie saoudite et des États-Unis au Liban ont publié cette semaine une déclaration mettant en garde contre « la situation critique à laquelle est confronté le peuple libanais et les répercussions difficiles à gérer sur l'économie et la stabilité sociale du Liban en raison du retard pris dans la mise en œuvre des réformes nécessaires ».