PARIS: C'est un passage obligé avant le référendum annoncé par Emmanuel Macron: l'Assemblée nationale a entamé mardi l'examen du projet de loi devant permettre d'intégrer la protection de l'environnement dans la Constitution, une «ambition forte» vantée par Eric Dupond-Moretti.
Cette inscription «présente une valeur symbolique forte voulue par les membres de la Convention citoyenne» sur le climat, a rappelé le garde des Sceaux qui défend ce texte.
Près de 400 amendements sont soumis jusqu'à jeudi aux parlementaires, qui ont abordé une longue séquence environnement. Car ils ont aussi attaqué lundi en commission l'examen du projet de loi climat, porté par Barbara Pompili et qui contient une kyrielle de dispositions, du logement à la publicité.
Toutes ces mesures ont en commun d'être issues des propositions de la Convention citoyenne, que le chef de l'Etat s'était engagé à reprendre «sans filtre» mais dont certaines ont été écartées.
Pour l'article 1er de la Constitution, qui pose les principes fondateurs de la République (égalité, laïcité...), il a retenu l'inscription suivante: la France «garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique».
Climat: Kerry reçu par Macron mercredi
Emmanuel Macron reçoit mercredi l'envoyé spécial des États-Unis pour le climat John Kerry, a indiqué l'Elysée, dans le cadre de la visite de l'ancien secrétaire d'Etat en Europe pour renforcer la coopération dans la lutte contre le changement climatique.
«La discussion portera sur les prochaines étapes de coordination internationale en matière climatique, et sera l’occasion pour le président français de partager avec son interlocuteur sa vision d’un multilatéralisme climatique efficace», ajoute la présidence française.
Mardi, John Kerry a déjà rencontré la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, un premier entretien face-à-face avec des représentants de l'UE depuis le changement de gouvernement à Washington.
Il doit également se rendre à Londres pour rencontrer des représentants du gouvernement britannique qui organise la conférence de l'ONU sur le climat (COP26) prévu à Glasgow en novembre.
La présidente du RN Marine Le Pen, qui entend aussi investir ce champ en vue de la présidentielle de 2022, a présenté mardi son contre-projet de consultation des Français, avec 15 questions, du nucléaire aux éoliennes.
Nul besoin de modifier l'article 1er de la Constitution pour les députés RN, alors que la Charte de l'environnement est mentionnée dès le Préambule de la Loi fondamentale. Eux défendent un principe général de «sécurité environnementale, sanitaire et culturelle».
Les oppositions de droite comme de gauche dénoncent d'une même voix une «opération électoraliste» dans l'initiative de M. Macron. Le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon a annoncé qu'il voterait «non» au référendum, assimilé à une «manipulation».
Mais sur le fond, socialistes et communistes soutiennent l'ajout de l'environnement dans la norme suprême, sujet «que nous portons depuis longtemps» selon André Chassaigne (PCF). «Son inscription dans la Constitution ne fait pas tout», relativise Boris Vallaud (PS).
«Quasi-obligation»
A droite, à l'inverse, le patron des députés LR Damien Abad s'oppose à l'idée de «mettre l'environnement au-dessus de la liberté d'entreprendre» et pointe «le risque accru de judiciarisation absolue de la vie économique et environnementale».
Le projet de révision constitutionnelle devrait être validé sans encombre à l'Assemblée nationale lors d'un vote solennel le 16 mars.
Mais pour l'organisation d'un référendum, il faut que le texte soit adopté en des termes identiques par députés et sénateurs. La chambre haute doit prendre le texte en mai, et septembre semble «l'horizon naturel» pour laisser les Français trancher d'après un ministre.
S'il se concrétisait, le référendum serait le premier à se tenir en France depuis 2005, qui avait porté sur la Constitution européenne et vu la victoire du «non».
Le président du Sénat Gérard Larcher (LR) a mis en garde contre toute tentation de «faire un coup». Il faut selon lui privilégier le verbe «agir» à «garantir».
D'après M. Dupond-Moretti,il y aura en effet «une quasi-obligation de résultat» pour les pouvoirs publics en matière de préservation de l'environnement.
Des députés comme l'ancienne ministre de l'Ecologie Delphine Batho vont même chercher à inscrire un principe de non-régression. Il est soutenu par les ONG environnementales qui considèrent le texte actuel comme «largement symbolique», tel un «chiffon vert brandi» pour «faire oublier le bilan catastrophique du gouvernement» selon Greenpeace.
Ce projet de loi est aussi l'occasion pour les parlementaires de porter d'autres sujets, de la proportionnelle pour les législatives à la suppression du mot «race» dans la Constitution. «Certains d’entre vous souhaitent profiter de nos débats pour évoquer d’autres sujets d’intérêt» mais il s'agit de se consacrer à l'environnement, a balayé le ministre de la Justice.
Aux yeux du député écolo Matthieu Orphelin, le principal écueil est que la navette avec le Sénat traîne et que le référendum soit rendu impossible avant le scrutin présidentiel. «Le gouvernement veut-il vraiment aller au bout?», demande cet ex-LREM.
L'Assemblée nationale avait déjà voté en juillet 2018 l'inscription de la «préservation de l'environnement» à l'article 1er, comme souhaité alors par le ministre Nicolas Hulot, lors du projet avorté de réforme des institutions.