Tokyo, Japon : Nissan a vendu le jet d'affaires qu'utilisait son ancien grand patron déchu Carlos Ghosn, ont confié des sources au quotidien japonais Yomiuri Shimbun, tandis qu'une porte-parole du constructeur automobile japonais a préféré s'abstenir de tout commentaire. Les images de cet appareil pouvant comprendre jusqu'à 20 places avaient fait le tour du monde en novembre 2018, car c'est peu après son arrivée à l'aéroport de Tokyo-Haneda avec cet avion que M. Ghosn avait été arrêté par les procureurs japonais, sur des soupçons de malversations financières.
A l'époque ce jet avait pour numéro d'identification N155AN, pour symboliser son appartenance au groupe japonais. Cependant Carlos Ghosn abusait de l'usage de cet avion à des fins personnelles, a dénoncé Nissan dans un rapport publié en janvier 2020, parmi de nombreux autres griefs qu'il reproche à son ex-grand patron. Le prix d'un modèle neuf de ce jet fabriqué par la société américaine Gulfstream Aerospace est estimé à plus de 7 milliards de yens (58 millions d'euros), a précisé le Yomiuri Shimbun.
Alors qu'il était en liberté sous caution dans l'attente de son procès au Japon, avec interdiction de quitter l'archipel, Ghosn s'est enfui fin décembre au Liban dans des conditions rocambolesques, à bord d'autres jets loués par des complices. Tokyo a formellement demandé vendredi aux États-Unis d'extrader deux Américains, Michael et Peter Taylor, soupçonnés d'avoir aidé Ghosn dans son évasion, en vue de les juger au Japon.
Ces deux complices présumés avaient été arrêtés en mai dans la région de Boston (nord-est des États-Unis).
Quatre pilotes et un haut responsable d'une compagnie de location de jets privés risquent jusqu'à huit ans de prison
Parallèlement, un tribunal d'Istanbul a commencé vendredi à juger sept ressortissants turcs accusés d'avoir aidé l'ancien patron de l'alliance Renault-Nissan Carlos Ghosn dans sa fuite rocambolesque du Japon fin 2019, ont rapporté les médias turcs. Selon l'agence de presse étatique Anadolu, quatre pilotes et un haut responsable d'une compagnie de location de jets privés risquent jusqu'à huit ans de prison pour "trafic de migrants en bande organisée". Deux hôtesses de l'air risquent par ailleurs un an de prison pour "non-dénonciation d'un crime".
Lors d'une conférence de presse très médiatisée, donnée à son arrivée au Liban qui n'a pas de traité d'extradition avec le Japon, Carlos Ghosn s'est dit victime d'un "coup monté" et a assuré ne pas avoir eu "d'autres choix" que de fuir une justice "partiale". Après avoir quitté Osaka (ouest du Japon), le jet privé transportant Ghosn s'est d'abord posé à Istanbul. Ce dernier a ensuite changé d'appareil pour se rendre à Beyrouth. C'est cette étape qui intéresse les autorités turques. D'après le procureur turc, deux complices présumés de Ghosn, Michael Taylor, ancien membre des forces spéciales américaines, et George-Antoine Zayek, un ressortissant libanais, ont "recruté" un cadre de la compagnie turque MNG Jet, Okan Kösemen, pour assurer le transit sans encombre à Istanbul. MNG Jet, à qui appartenaient les deux appareils utilisés pour la fuite, s'est constitué partie civile, affirmant que ses jets avaient été utilisés de manière "illégale" et que la présence de Ghosn à bord n'avait pas été déclarée. Selon l'acte d'accusation turc, Ghosn était dissimulé pendant le trajet dans un volumineux caisson pour instrument de musique dans lequel 70 trous avaient été percés afin de permettre au fugitif de respirer. M. Kösemen, qui comparaît en détention provisoire, a reçu plusieurs virements pour un montant total supérieur à 250.000 euros dans les mois qui ont précédé la fuite de Ghosn, d'après l'acte d'accusation.