RANGOUN: La répression se poursuit dimanche en Birmanie contre les manifestants pro-démocratie descendus par milliers dans les rues, avec plusieurs contestataires blessés.
A Bagan (centre), non loin du vaste site archéologique célèbre pour ses pagodes centenaires, des détonations ont été entendues.
« Un adolescent de 18 ans a reçu une balle dans la mâchoire », a relevé le secouriste Ko Ko, tandis qu'un média local faisait état d' « au moins cinq personnes blessées ».
A Rangoun, la capitale économique, la police a de nouveau tiré pour disperser des rassemblements, les manifestants scandant : « Chassons le dictateur ! », le chef de la junte Min Aung Hlaing.
D'autres rassemblements se tiennent à Mandalay (centre), la deuxième ville du pays, et à Dawei (sud) où plusieurs protestataires ont été tués ces derniers jours.
Le mouvement pro-démocratie a appelé à une mobilisation massive dimanche et lundi.
« Si nous appelons à la désobéissance civile et à la grève sans descendre dans les rues, ce n'est pas suffisant. Nous devons maintenir notre combat au plus haut niveau (...) Nous sommes prêts à mourir », a déclaré Maung Saungkha, une des têtes d'affiche de la contestation.
Les médias d'Etat ont averti que les fonctionnaires grévistes « seront licenciés à partir du 8 mars ».
Balles réelles
Ces appels à la grève ont un impact important sur de nombreux secteurs de l'économie birmane déjà très fragile, avec des banques incapables de fonctionner, des hôpitaux fermés et des bureaux ministériels vides.
La peur est dans tous les esprits : plus de 50 personnes ont été tuées depuis le début de l'insurrection pacifique contre le coup d'Etat du 1er février.
Des images largement diffusées ont montré les forces de sécurité en train de tirer à balles réelles sur des rassemblements et d'emporter les corps inanimés de manifestants.
Le Parti de l'union, de la solidarité et du développement (PUSD), soutenu par l'armée, participe aux attaques.
Des membres du PUSD ont tué vendredi un représentant local de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d'Aung San Suu Kyi, et un adolescent de 17 ans, selon l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP).
Samedi, les forces de sécurité ont continué à tirer à balles réelles sur des manifestants, d'après cette ONG birmane.
Les médias d'Etat nient pour leur part toute implication de la police et de l'armée dans les décès de manifestants.
Raids violents
Des raids ont eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche, visant notamment des responsables de la LND. « On ne sait pas combien de personnes ont été interpellées », a fait savoir Soe Win, un des responsables du parti.
Un avocat de la LND était aussi visé, mais les forces de sécurité ne l'ont pas trouvé. « Son frère a été battu (...) et torturé parce qu'il n'y avait personne à arrêter », selon un ex-député.
Les médias d'Etat ont averti dimanche les députés qui ne reconnaissent pas la légitimité du coup d'Etat et ont créé un comité pour représenter le gouvernement civil qu'ils commettent « une haute trahison », passible de la peine de mort ou de 22 ans de détention.
Responsables locaux, hommes politiques, journalistes, militants, artistes : des centaines de personnes ont été interpellées depuis le 1er février.
Les personnes arrêtées à Rangoun sont souvent conduites dans la tristement célèbre prison d'Insein où de nombreux prisonniers politiques ont effectué de lourdes peines sous les dictatures précédentes.
Face à la détérioration de la situation, certains Birmans fuient le pays.
Une cinquantaine, dont huit policiers qui refusent de prendre part à la répression, ont gagné l'Inde voisine.
La Birmanie a exigé de l'Inde le rapatriement des huit policiers « afin de préserver les bonnes relations entre les deux pays » dans une lettre.
Une centaine de Birmans sont toujours entassés à la frontière dans l'espoir d'être autorisés à gagner le pays.
Nouvelles sanctions ?
Les généraux font la sourde oreille au concert de protestations de la communauté internationale, divisée sur la réponse à apporter.
Le Conseil de sécurité de l'ONU n'a pas réussi vendredi à se mettre d'accord sur une déclaration commune. Des négociations doivent se poursuivre la semaine prochaine, d'après des sources diplomatiques.
Des mesures coercitives ont été annoncées par les Etats-Unis et l'Union européenne, mais des observateurs exhortent à aller plus loin avec un embargo international sur les livraisons d'armes, une décision qui nécessite l'accord de tous les membres du Conseil.
Or, Pékin et Moscou, alliés traditionnels de l'armée birmane et exportateurs d'armes dans le pays, refusent de parler de « coup d'Etat », l'agence de presse chinoise évoquant, début février, un simple « remaniement ministériel ».
Sollicitée, la junte, qui conteste le résultat des élections de novembre remportées massivement par la LND, n'a pas répondu aux multiples requêtes.