PARIS: On les appelle aussi les « chèques en blanc », ou les « coquilles vides » : les « SPAC », nouvel instrument financier dont s'amourachent les marchés, ont permis de lever 83 milliards de dollars aux Etats-Unis l'an dernier, plus que les introductions en Bourse classiques.
Explications sur ce nouvel instrument financier qui attire les investisseurs, mais aussi des célébrités telles que le rappeur et producteur Jay-Z, avides de prise de risque et d'innovation.
Investir dans une coquille vide
Un SPAC, ou « Special Purpose Acquisition Company », est une entreprise sans activité commerciale dont le but est de lever des fonds en entrant sur une place boursière.
Ces fonds levés vont permettre au SPAC d'acquérir, généralement dans un horizon de deux à trois ans, une entreprise dans un secteur défini à l'avance.
En revanche, les investisseurs ignorent au moment de la cotation du SPAC l'identité et donc le modèle d'activité qu'aura la société rachetée à terme. Ils signent, en quelque sorte, un « chèque en blanc ».
Sont visées, en général, des start-up jugées prometteuses, dans des secteurs en vogue allant du cannabis aux voitures électriques.
C'est par exemple via ce système que la société Lucid Motors, spécialisée dans les véhicules électriques et considérée par les spécialistes comme une potentielle concurrente du célèbre constructeur Tesla, entend entrer en Bourse.
Lucid Motors doit fusionner avec un SPAC appelé « Churchill Capital Corp IV ». L'annonce a fait grand bruit à Wall Street, avec des spéculations autour de montants en dizaines de milliards de dollars pour l'opération, qui n'est pas encore concrétisée.
En Europe aussi, le mécanisme essaime. Des entrepreneurs ou hommes d'affaires tels que Xavier Niel (fondateur de Free) ou Bernard Arnault s'y risquent, à des degrés divers. Et la City de Londres voudrait elle aussi sa part de ce gros gâteau.
Pourquoi un tel engouement ?
Pour répondre à la crise engendrée par la pandémie de Covid-19, les banques centrales et les gouvernements ont mis beaucoup d'argent sur la table. Ce qui profite aux placements les plus risqués.
Pour les entreprises cherchant à accéder au marché boursier, le SPAC est une voie d'accès plus rapide et moins coûteuse qu'une introduction en Bourse classique puisque la cotation a déjà eu lieu en amont.
Des entrepreneurs à succès ou des personnalités (dits « sponsors »), à l'instar du rappeur Jay-Z ou de l'ancienne star de basket-ball Shaquille O'Neal aux Etats-Unis, associent généralement leurs noms aux SPACs, contribuant à leur publicité.
Jay-Z, qui veut devenir un leader de l'industrie légale du cannabis aux Etats-Unis, et soutenir les entrepreneurs afro-américains ou issus de minorités visibles, est ainsi le Chief Visionary Officer (« visionnaire en chef ») d'une société, The Parent Company, qui prend la forme d'un SPAC afin de lever des fonds.
Un pari (donc risqué) sur l'avenir
Investir dans un SPAC est donc un pari, qui peut plus ou moins bien tourner. Il peut arriver que le SPAC ne rachète finalement aucune société, ou que le rachat se révèle un fiasco.
Mais si le SPAC a misé sur le bon cheval et que la société avec laquelle il a fusionné prospère, c'est le jackpot.
L'opération concernant Lucid Motors semble à cet égard particulièrement bien nommée, puisque nombre de commentateurs y voient un test de la clairvoyance, ou non, des investisseurs à propos du constructeur de véhicules électriques. Les actions de la SPAC qui doit servir de véhicule à son entrée en Bourse se sont écroulées depuis l'annonce de l'opération.
Les investisseurs gardent un souvenir cuisant du fabricant de camions électriques et à hydrogène Nikola, qui avait connu une ascension fulgurante après son entrée en juin 2020 sur le Nasdaq via ce mécanisme. Avant que l'entreprise ne soit emportée dans un vaste scandale de fraude.