BEYROUTH: Malgré la démission du gouvernement de Hassan Diab lundi, dans la rue, les Libanais veulent aussi le départ du chef de l'Etat, du chef du Parlement, des députés, des partis politiques... accusés depuis longtemps de corruption et d'incompétence et jugés responsables du drame de par leur incurie.
Pour la quatrième nuit consécutive, les heurts ont repris entre des dizaines de manifestants et les forces de l'ordre près du siège du Parlement à Beyrouth. Des dizaines de manifestants ont tenté de défoncer des barricades en y mettant parfois le feu. Les forces de l'ordre ont répliqué avec des gaz lacrymogènes, comme tous les soirs depuis samedi. Dix blessés ont été transférés vers des hôpitaux et 32 ont été soignés sur place, selon la Croix-Rouge libanaise.
Depuis la double explosion, c'est la population, surtout des jeunes volontaires, qui déblaye les décombres et aide les plus démunis et ceux dans le besoin, face à l'inertie des pouvoirs publics. Des ONG locales et internationales se sont aussi mobilisées pour apporter aides médicales et nourriture.
Une semaine après le drame, les autorités n'ont pas pu encore expliquer pourquoi une importante quantité de nitrate d'ammonium -substance chimique dangereuse- était entreposée depuis six ans au port, au beau milieu de la ville. De surcroît sans "mesures de précaution" de l'aveu même de Hassan Diab.
L'explosion a été la catastrophe de trop pour une population accablée face à une dépréciation historique de la livre libanaise, une hyperinflation et des restrictions bancaires draconiennes. A cela s'ajoute l'épidémie de Covid-19. Un nouveau record quotidien de contaminations 309 cas et sept décès a été enregistré ces dernières 24 heures.
18h08
La veille, mardi à 18h08, les cloches des églises ont retenti et les mosquées ont lancé simultanément l'appel à la prière, à l'heure exacte à laquelle l'explosion du port de Beyrouth ravageait la capitale libanaise le 4 août.
A l'entrée du port, plusieurs centaines de personnes, pour la plupart vêtues de blanc, se sont rassemblées, certaines venues de Gemmayzé, un quartier tout proche dévasté par l'explosion.
Brandissant des pancartes affichant chacune le nom d'une victime, sa nationalité et un cèdre vert, emblème du Liban, elles se sont mises au garde-à-vous à l'heure exacte à laquelle s'est produite l'explosion qui a soufflé des quartiers entiers.
Certains pleuraient, d'autres retenaient à grand-peine leurs larmes.
Des images de l'explosion et de scènes de panique suscitées dans les quartiers proches du port, transformés en champs de ruines chancelantes, étaient diffusées sur un écran géant.
La déflagration a fait plus de 160 morts et 6.000 blessés, près de 300.000 sans-abris et provoqué un séisme politique qui a déjà provoqué la chute du gouvernement lundi.
« Nous ne ferons pas notre deuil, nous ne porterons pas le noir avant d'avoir enterré le pouvoir », a lancé l'un des orateurs.
Une autre égrainait l'interminable liste des noms des victimes, qui défilaient aussi sur l'écran.
« Tous, ça veut dire tous », scandaient-on parmi les centaines de personnes venues rendre hommage aux victimes, pour réclamer le départ de la classe politique qu'elles rendent responsable du drame.