BEYROUTH: La Banque mondiale a fait écho mardi au tollé soulevé par des politiciens libanais accusés de ne pas respecter leurs tours pour recevoir le vaccin contre le coronavirus, et a menacé de suspendre son soutien, de plusieurs millions de dollars, à la campagne de vaccination du pays.
La controverse a éclaté après qu’un nombre de députés aient secrètement reçu le vaccin contre la Covid-19 au Parlement, bien qu’ils ne fassent pas partie des groupes prioritaires. Leur inoculation aurait violé l’inscription obligatoire, via la plate-forme dédiée, pour un rendez-vous à l'hôpital.
Les allégations de favoritisme se sont multipliées quand il a été révélé que le président Michel Aoun et son épouse ont été vaccinés vendredi dernier par une équipe médicale, dépêchée au palais de Baabda.
Ces accusations ont amplifié la frustration généralisée des Libanais face aux retards et aux violations de la campagne de vaccination.
Le directeur régional de la Banque mondiale, Saroj Kumar Jha, a tweeté que si les allégations s'avèrent exactes, «ce serait une violation directe du plan national». «Ceci n'est pas conforme au plan national établi avec la Banque mondiale. Nous considérons ceci comme une violation des conditions sur lesquelles nous nous étions entendues pour une vaccination juste et équitable. Tout le monde doit s'inscrire et attendre son tour», a-t-il ajouté.
Il a par ailleurs averti que la Banque pourrait interrompre le financement des vaccins, ainsi que le soutien accordé au Liban pour faire face au coronavirus.
«Je vous appelle, quel que soit votre poste, à vous inscrire et attendre votre tour», a ajouté Jha.
Les 34 millions de dollars attribués par la Banque mondiale ont permis au Liban de recevoir ses deux premiers lots d’environ 60 000 doses de Pfizer-BioNTech ce mois-ci. L’institution avait indiqué qu'elle surveillerait la distribution du vaccin, et mis en garde contre toute forme de favoritisme.
La première étape de la campagne de vaccination, qui a entamé sa dixième journée mardi, cible les médecins, les infirmières et le personnel paramédical impliqués auprès des patients infectés par le virus, ainsi que les personnes de plus de 75 ans.
La violation commise par les députés a toutefois déclenché une réaction furieuse sur les réseaux sociaux, sous le hashtag #NoWasta (pas de favoritisme).
Le Dr Abdel Rahman Bizri, président du Comité scientifique de la campagne de vaccination contre le coronavirus à l’origine de la Covid-19, a menacé de démissionner afin de protester contre l’incident. Il a cependant indiqué plus tard qu'il patienterait jusqu’à mercredi pour obtenir une explication officielle.
Moins de deux heures plus tard, des informations ont été soufflées aux médias du pays selon lesquelles Aoun, son épouse, ainsi que 16 personnes de son équipe présidentielle, auraient reçu le vaccin vendredi dernier.
Une liste fuitée des députés qui ont secrètement reçu le vaccin indique que beaucoup ne faisaient pas partie des groupes prioritaires.
Parmi les politiciens qui ont tenté de se justifier, Anis Nassar a expliqué qu'il s'était enregistré via la plate-forme, et qu’il avait reçu un appel téléphonique du Parlement. «Je n'étais au courant d'aucune violation, et si une violation a eu lieu, je me confonds en excuses. Malgré cela, je ne suis pas responsable de ce qui s'est passé» dit-il.
Le secrétaire général du Parlement, Adnan Daher, explique que l’opération était supervisée par une équipe du ministère de la Santé et de la Croix-Rouge libanaise.
Daher insiste par ailleurs que l'objectif était «d’éviter l’encombrement des hôpitaux».
Néanmoins, la Croix-Rouge a déclaré qu'elle n'avait ni supervisé ni assisté à la vaccination.
«Nos équipes sont présentes dans tous les centres de vaccination essentiellement pour assister ou aider les citoyens de 75 ans et plus en cas d'urgence», a -t-expliqué.
Bizri a déclaré plus tard lors d'une conférence de presse: «C’est une chose terrible qui doit être expliqué. La Banque mondiale a de son côté souligné qu'il y aurait certainement des conséquences. Le ministère de la Santé a commis cette erreur, il doit absolument se justifier».
Bizri a aussi ajouté: «C’est de la discrimination pure et simple».
Le président de l’Ordre des médecins, Charaf Abou Charaf, a déclaré que la campagne de vaccination «a été lente, chaotique et loin d’être transparente».
Le médecin insiste que sans une rectification de tir, le Liban va sans aucun doute «faire face à une épouvantable catastrophe».
«Nous devons accélérer le plan de vaccination pour atteindre l'immunité collective», a-t-il ajouté.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com