MOGADISCIO: Des échanges de tirs ont éclaté vendredi en marge d'une manifestation de l'opposition dans la capitale somalienne Mogadiscio, placée sous haute surveillance par les forces de sécurité, une nouvelle étape franchie dans la profonde crise politique en cours.
La Somalie devait tenir des élections avant le 8 février, date de la fin du mandat du président Mohamed Abdullahi Mohamed, dit «Farmajo», mais le pays n'est pas parvenu à organiser ce scrutin en raison de dissensions politiques.
L'ONU a appelé «au calme et à la retenue» dans ce fragile pays de la Corne de l'Afrique, dont le gouvernement avait promis de réformer le très complexe système électoral et de donner, pour la première fois depuis 1969, une voix à chaque électeur.
Une coalition de candidats de l'opposition juge depuis le 8 février le président illégitime et a appelé à partir de vendredi à des manifestations pour réclamer sa démission.
Vendredi matin, un petit groupe de manifestants commençait à marcher sur la route menant à l'aéroport lorsque les tirs ont éclaté.
Leur origine est encore floue, mais Yusuf Mohamed, un témoin interrogé par l'AFP, a fait état de «tirs nourris» entre les forces de sécurité et les hommes en armes protégeant la marche.
Selon un autre témoin, les forces de sécurité sont à l'origine de la fusillade.
«Nous marchions pacifiquement le long de la route de l'aéroport avec l'ancien Premier ministre Hassan Ali Khaire, et les forces de sécurité ont ouvert le feu sur nous, déclenchant le chaos», a ainsi accusé Fadumo Moalim.
Dans un communiqué, le porte-parole du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a enjoint le gouvernement fédéral et les dirigeants des Etats régionaux somaliens de «se réunir en urgence et de finaliser un accord politique», tout en appelant au respect de la liberté d'expression et du droit de réunion.
Explosion
Des témoins, la police et des membres de l'opposition ont par ailleurs confirmé qu'un projectile explosif - dont la nature n'est pas encore déterminée - avait frappé une allée située vers l'entrée de l'enceinte de l'aéroport et abritant des petits restaurants et des échoppes.
«Quelque chose a touché un restaurant (...) il a brûlé, je ne peux pas dire ce que c'était mais cela à causé une explosion et le feu a ravagé tout le restaurant», a déclaré Liban Ali, un témoin qui se trouvait dans l'aéroport.
En début d'après-midi, le calme était revenu dans la capitale somalienne, bouclée par les forces de sécurité.
Les dirigeants de l'opposition ont organisé une conférence de presse dans la foulée de la fusillade, qu'ils ont qualifiée de tentative d'assassinat. Ils n'ont pas fait état de victimes.
«Si quiconque avait des doutes sur l'idéologie dictatoriale de Farmajo, ils peuvent se référer à ce qu'il s'est passé la nuit dernière et ce matin», a accusé l'ex-Premier ministre Hassan Ali Khaire.
Dans un discours télévisé, le Premier ministre Mohamed Hussein Roble s'est dit «profondément déçu de ce qu'il s'est passé à Mogadiscio ces dernières 24 heures».
«J'appelle la population de Mogadiscio à refuser la violence. Nous n'accepterons pas des manifestations menées par des hommes armés contre les forces de sécurité», a-t-il affirmé.
Affrontements nocturnes
Le gouvernement avait mis en garde jeudi la coalition de l'opposition - qui compte deux anciens présidents - contre la tenue de ces manifestations, invoquant les risques liés au coronavirus.
Une réunion était prévue vendredi à Mogadiscio entre le président Farmajo et des responsables régionaux pour tenter de sortir de l'impasse. Elle ne s'est finalement pas tenue.
Les tensions avaient débuté dans la nuit de jeudi à vendredi. Les deux camps se sont mutuellement accusés d'avoir attaqué l'autre.
Le gouvernement a affirmé dans un communiqué que des «miliciens armés» chargés de la protection des dirigeants de l'opposition avaient attaqué un checkpoint tenu par les forces de l'ordre et tenté de s'emparer de quartiers de Mogadiscio.
L'opposition a catégoriquement démenti et accusé à son tour les forces gouvernementales d'avoir attaqué l'hôtel Maida, où plusieurs de ses membres se trouvaient.
Après ces affrontements nocturnes, les forces gouvernementales ont pris le contrôle de la place où la manifestation devait avoir lieu et fermé toutes les routes qui y mènent, stationnant des véhicules militaires et des troupes aux carrefours-clés de la capitale.
La Somalie est plongée dans l'instabilité depuis 1991 et la chute du régime militaire de l'ex-président Siad Barre, qui a précipité le pays dans une guerre des clans. Depuis, la plupart des leaders politiques disposent toujours d'armes et de combattants.
Le pays fait également face à l'insurrection des militants islamistes shebab qui ont tenu Mogadiscio avant d'en être évincés en 2011. Ils contrôlent toujours de vastes zones rurales d'où ils mènent leurs opérations.