DJEDDAH: Le meurtre de treize otages turcs en Irak par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) illégal a provoqué la colère, ainsi qu’un débat sur la possibilité qu’une opération à grande échelle soit menée par la Turquie. Les otages ont été exécutés dans la région de Gara, à l'intérieur d'une «prison» spéciale de la grotte du PKK.
Il a été affirmé qu'il s'agissait d'anciens soldats et policiers, bien que la Turquie ait déclaré que c’étaient des civils.
La Turquie a perdu trois de ses soldats lors de l'opération transfrontalière qui a débuté mercredi, tandis que quarante-huit combattants du PKK ont été tués.
Le PKK est désigné comme un groupe terroriste par la Turquie, les États-Unis et l'Union européenne. Il se bat contre l'État turc depuis 1984, avec un bilan de plus de 40 000 morts à ce jour.
La Turquie indique que ces otages, détenus depuis des années, ont été tués par le PKK. Mais le Centre de défense du peuple, l’aile militaire du parti, déclare que ce sont les forces turques qui, en bombardant la grotte, ont causé leur mort.
Un expert militaire, qui a requis l'anonymat, affirme que les personnes capturées étaient automatiquement considérées comme des civils dans les procédures militaires turques.
«Toutefois, je ne m'attends pas à une opération plus importante dans la région pour le moment», fait savoir cet expert à Arab News. «Les conditions hivernales sont trop rudes là-bas pour alimenter tout mouvement militaire.»
Des opérations similaires – destinées à libérer les captifs des mains du PKK – ont été négociées par le Parti démocratique du peuple pro-kurde (HDP). Cependant, une telle médiation est devenue peu probable en raison des liens présumés du HDP avec le PKK.
«Les forces turques occupent maintenant quelques villages plus bas, sous le repaire de la montagne Gara, à travers lesquels les combattants du PKK, munis de leurs vivres, doivent évoluer», déclare à Arab News l’analyste Bill Park, chercheur invité au King’s College de Londres.
«Le Parti démocratique du Kurdistan irakien (PDK) semble accepter cela, d’une part parce qu’il dépend de la Turquie à bien des égards et, d’autre part, parce qu’il n’apprécie pas non plus la présence du PKK. Mais il est évident qu’il est également embarrassé, car les Kurdes irakiens locaux n’apprécient pas la présence de la Turquie et subissent fréquemment ses bombardements et autres attaques», précise Bill Park.
Il ajoute que l'Union patriotique du Kurdistan, qui a toujours été plus proche du PKK et plus défiante vis-à-vis de la Turquie, a été plus critique à l'égard de cette action turque renforcée.
L'année dernière, après l’opération Tiger Claw qu’elle a menée contre les insurgés du PKK le long des monts Qandil – qui abritent le quartier général du PKK –, la Turquie a laissé une empreinte militaire plus profonde dans le nord de l'Irak, avec le projet d’établir des bases temporaires dans la région afin de mieux cibler les cachettes du parti, ses routes et ses capacités logistiques.
EN BREF
• Le PKK est désigné comme un groupe terroriste par la Turquie, les États-Unis et l'Union européenne. Il se bat contre l'État turc depuis 1984, avec plus de 40 000 personnes tuées à ce jour.
• La Turquie indique que ces otages, détenus depuis des années, ont été tués par le PKK. Mais le Centre de défense du peuple, l’aile militaire du parti, déclare que ce sont les forces turques qui, en bombardant la grotte, ont causé leur mort.
• Un expert militaire, qui a requis l'anonymat, affirme que les personnes capturées étaient automatiquement considérées comme des civils dans les procédures militaires turques.
Les Kurdes irakiens craignent que cette présence étendue soit le synonyme d’une présence plus longue, et peut-être permanente, sur leur territoire, ajoute Bill Clark. «On a en effet l’impression que la Turquie est en train de faire son trou pour un bon moment, comme elle le fait également dans le nord de la Syrie.»
Le Parti de la justice et du développement au pouvoir en Turquie et son allié, le Parti du mouvement nationaliste, continuent d’appeler à la fermeture du HDP. La dernière attaque du PKK incitera probablement davantage d'acteurs politiques à répéter ce genre de demandes en rejetant la faute sur le HDP.
Bill Park indique que la ligne politique de la nouvelle administration américaine constituera également un facteur qui déterminera les mouvements de la Turquie en Irak, car l'équipe du président Joe Biden devrait se concentrer sur la lutte contre les survivants de Daech en Syrie, avec l'aide d'alliés locaux, les Kurdes syriens.
«L'approche turque est également rendue plus difficile par la présence des forces kurdes syriennes des Unités de protection du peuple (YPG) en Syrie et la colère d'un nombre croissant de jeunes Kurdes irakiens de plus en plus radicalisés. En effet, les actions turques dans le nord de l'Irak sont en partie motivées par l’évolution de la situation dans le nord de la Syrie», explique l’analyste.
La Turquie a fait pression sur les États-Unis pour qu'ils mettent fin à leur politique d'armement des Kurdes syriens, qui sont en contact étroit avec leurs ramifications en Irak.
«Il y a beaucoup plus de sympathie de la part de Washington pour l’ensemble des causes kurdes désormais, tant au Congrès que dans l'administration Biden. Ainsi, les relations diplomatiques de la Turquie seront rendues plus délicates par cette tentative de répression militaire», conclut Bill Park.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com