PARIS : Les députés concluront mardi après-midi l'examen en première lecture du projet de loi sur le «séparatisme» par un vote solennel. Encadrement plus sévère de l'instruction à domicile, délit de «séparatisme», répression de la haine en ligne, contrôle renforcé des associations, financement des cultes...: en voici les principales mesures.
Education
L'article 21 sur l'instruction en famille (IEF) a été la mesure la plus débattue du texte. La réforme durcit ses règles en passant d'un régime de déclaration à un régime d'autorisation à la rentrée 2022.
L'autorisation de l'IEF ne pourra être accordée que pour raison de santé, handicap, pratique artistique ou sportive, itinérance de la famille, éloignement d'un établissement, et aussi en cas de «situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif».
Une période de transition est prévue jusqu'à l'année scolaire 2024-2025. Les familles pratiquant déjà l'école à la maison pourront être contrôlées dès 2021-2022, pour s'assurer que «ce mode d'instruction ne sert pas à des pratiques séparatistes».
Le texte renforce l'encadrement des écoles hors contrat, notamment en introduisant «un régime de fermeture administrative» en cas de «dérives».
Les fédérations sportives reconnues par l'Etat passent d'un «régime de tutelle» à un «régime de contrôle». Pour les fédérations agréées, le «respect des principes et valeurs de la République» sera inscrit dans l'agrément.
Les députés ont adopté la création d'un délit d'entrave à la fonction d'enseignant, à l'initiative de LR.
Haine en ligne
Ajouté après la décapitation du professeur Samuel Paty en octobre, l'article 18 crée un nouveau délit de mise en danger de la vie d'autrui par diffusions d'informations relatives à la vie privée «aux fins de l'exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque direct d'atteinte à la personne ou aux biens que l'auteur ne pouvait ignorer».
Il sera puni de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.
Cette nouvelle disposition est également perçue comme une nouvelle mouture du controversé article 24 de la proposition de loi sur la sécurité globale sur l'image des policiers.
Neutralité du service public
Le texte inscrit le principe de neutralité (religieuse) des agents de droit privé chargés d'une mission de service public (entreprises de transport, Aéroports de Paris...). Jusqu'ici, la jurisprudence prévalait.
- Est créée une procédure de «carence républicaine», permettant au préfet de suspendre les décisions ou les actions de toute collectivité qui méconnaîtrait gravement la neutralité du service public.
- Le champ d'application du fichier des auteurs d'infractions terroristes (FJIAIT) est modifié pour y intégrer «les délits relatifs à la provocation et à l'apologie d'actes terroristes». Leurs auteurs seront interdits «d'exercer des fonctions au contact du public».
Délit de «séparatisme»
L'article 4 vise à punir de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende toute personne menaçant, violentant ou intimidant un élu ou un agent du service public dans le but de se soustraire aux règles des services publics.
Encadrement des associations
- Toute demande de subvention fera «l'objet d'un engagement de l'association à respecter les principes et valeurs de la République».
- Les motifs de dissolution d'une association en Conseil des ministres sont élargis.
Cultes
Alors que les lieux de culte musulmans sont, pour des raisons historiques, en majorité sous le régime des associations prévu par la loi de 1901, le projet de loi les incite à s'inscrire sous le régime de 1905, plus transparent sur le plan comptable et financier.
En contrepartie, elles pourront avoir accès à des déductions fiscales ou encore tirer des revenus -plafonnés- d'immeubles acquis à titre gratuit.
Les dons étrangers dépassant 10 000 euros seront soumis à un régime déclaratif de ressources. La certification des comptes sera obligatoire en cas «d'avantages ou de ressources provenant de l'étranger».
Une disposition «anti-putsch» est prévue pour éviter toute prise de contrôle d'une mosquée par des extrémistes.
L'article 44 adopté samedi instaure une procédure de fermeture pour deux mois par les préfets des lieux de culte théâtres de propos, idées, théories, activités incitant à la haine ou à la violence, ou tendant à les encourager.
Un autre article prévoit qu'une «interdiction de paraître dans les lieux de cultes peut être prononcée par le juge (...) en cas de condamnation pour provocation à des actes de terrorisme ou provocation à la discrimination, la haine ou la violence».
La déclaration de toute aliénation d'un lieu de culte français à un Etat étranger sera obligatoire. Les préfets pourront s'y opposer.
Dignité et égalité
Le projet de loi interdit à tous les professionnels de santé d'établir des certificats de virginité, avec une peine de prison pouvant aller jusqu'à un an de prison et 15 000 euros d'amende. Toute forme de pression, venant souvent de l'entourage, pourra aussi être pénalisée.
Le texte renforce son arsenal sur la polygamie - interdite en France - en généralisant l'interdiction de délivrer un quelconque titre de séjour aux étrangers vivant en France en état de polygamie.
Pour lutter contre les mariages forcés, l'officier d'état civil a pour obligation de «s'entretenir séparément avec les futurs époux lorsqu'il existe un doute sur le caractère libre du consentement», et de «saisir le procureur» en cas de doutes.