BEYROUTH: Le premier ministre libanais désigné, Saad Hariri, a assuré dimanche qu’il reste «très patient» et déterminé à former un nouveau gouvernement, malgré les «calomnies et mensonges» dont il fait l’objet.
Dans un discours télévisé, seize ans après l'assassinat de son père, Rafic Hariri, le premier ministre affirme qu'il n'accepterait jamais d’accorder «le tiers de blocage du gouvernement au président de la République».
Hariri révèle que, lors de sa rencontre avec Michel Aoun vendredi, «le président de la République a réclamé un quota de six ministres, en plus d’un ministre nommé par le parti arménien Tashnag».
«La situation est mauvaise car l'économie est en crise, une précieuse partie de notre bien-aimée Beyrouth a été détruite par l'explosion du port, la nouvelle pandémie de coronavirus ravage nos familles, et la série d'assassinats se poursuit avec pour dernière victime le martyr Lokman Slim», explique Hariri. «Seul un gouvernement de spécialistes politiquement non-affiliés pourrait mettre en œuvre les réformes nécessaires, déterminée dans la feuille de route établie par l’initiative du président français Emmanuel Macron. Faute de quoi, personne ne nous aidera, et notre chute se poursuivra jusqu’à la grande explosion».
Il a poursuivi: «La lutte contre la corruption commence par une réforme qui garantit l'indépendance du pouvoir judiciaire, qui met fin aux pressions exercées sur des juges pour qu'ils ouvrent ou clôturent certains dossiers en fonction des affiliations politiques».
En Bref
L'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri et 21 autres personnes ont été tués dans un attentat au camion piégé au centre de Beyrouth le 14 février 2005.
Un tribunal spécial de l’ONU a condamné pour meurtre un membre du Hezbollah, soutenu par l’Iran, qu'il a jugé responsable de l’assassinat.
Hariri estime que «celui qui bloque la formation du gouvernement est aussi celui qui fait obstacle au lancement des réformes, à l’arrêt de l'effondrement, et à la reconstruction».
À l'occasion de l'anniversaire de la mort de son père, Hariri rappelle que la décision rendue par le Tribunal spécial pour le Liban contre Slim Ayyash, reconnu coupable par contumace du meurtre de Rafic Hariri lors d'un attentat à la bombe en 2005, devrait être exécutée. Il devrait être remis à la justice coûte que coûte.
Ayyash est toujours en liberté, et le Hezbollah, qui ne reconnaît pas l’autorité du tribunal, refuse de le lui remettre.
Hariri a rejeté les critiques à l’encontre de son père. Pour lui, la «politique modérée suivie par Hariri a ramené le Liban sur la scène, attiré les investisseurs et les touristes, et mis en place le premier réseau cellulaire au Moyen-Orient, avant même Israël».
Le premier ministre désigné s’est par ailleurs défendu contre les allégations qui l’accusent d’enfreindre les prérogatives du président quant à la formation d’un cabinet, et de violer les droits des chrétiens. Il «n’a pas permis au président de la République de choisir ses ministres, et particulièrement les ministres chrétiens». «Où se trouvaient les droits des chrétiens dans vos priorités lorsque le siège de la première présidence est resté vacant pendant trois ans ? Les droits des chrétiens résident dans une économie forte et dans la stabilité. Sans État, aucun droit ne subsistera, pour les chrétiens ou pour les autres»., s’insurge-t-il
«Nous encourageons la tenue d’une enquête juricomptable à Banque centrale ainsi que dans toutes les institutions, ministères et directions, et dans les contrats de communication, les barrages, les fonds, que tout soit revu à partir de 1989 afin que la vérité soit connue de tous, et que tous les contrevenants, les corrompus et les voleurs soient poursuivis», poursuit Hariri.
Le Premier ministre explique que ses visites aux pays arabes et étrangers ont pour but de «mobiliser un soutien pour le Liban et rétablir les relations, particulièrement avec les États arabes, afin que les solutions soient activées rapidement une fois le gouvernement formé. Et il sera sans nul doute formé, car il n'y a aucun moyen de sortir de cette crise sans les Arabes et la communauté internationale, sans une réconciliation profonde avec les frères arabes, et sans cesser d'utiliser le Liban comme plate-forme pour attaquer le golfe arabe et nuire aux intérêts des Libanais.
Le confinement en vigueur a contraint Hariri d’ordonner l’annulation du rassemblement annuel prévu par ses partisans.
Les partis politiques ont émis des communiqués pour commémorer l'assassinat. Les partisans du Mouvement patriotique libre ont quant à eux lancé une campagne de critiques sur les réseaux sociaux à l’encontre du premier ministre assassiné.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com