BEYROUTH: Des manifestants ont pris d'assaut le ministère des Affaires étrangères samedi à Beyrouth alors que la colère a explosé parmi les Libanais, quatre jours après la gigantesque déflagration qui a fait des centaines de milliers de sans-abri et provoqué une onde de choc à travers le monde.
Des milliers de manifestants, dont certains brandissaient des noeuds coulants, se sont rassemblés dans le centre ville pour exprimer leur profond rejet des dirigeants politiques auxquels ils demandent comptes après l'explosion de mardi qui a rasé le port de Beyrouth et tué 158 personnes.
A proximité de la place des Martyrs, épicentre traditionnel des manifestations dans la capitale, des heurts ont opposé les forces de sécurité, qui ont tiré des gaz lacrymogènes, à de jeunes protestataires ripostant avec des pierres.
Pour les Libanais déjà éprouvés par une crise économique inédite, l'explosion qui dévasté une partie de la ville, a été la catastrophe de trop, relançant un mouvement de contestation qui avait débuté en octobre pour dénoncer l'ensemble de la classe dirigeante, jugée corrompue et incompétente, mais s'était essoufflé en raison de la pandémie de Covid-19.
Dans un discours télévisé, le Premier ministre libanais, Hassan Diab, a annoncé qu'il proposerait des législatives anticipées, estimant que seul un tel scrutin permettrait "de sortir de la crise structurelle". Il s'est dit prêt à rester au pouvoir "pendant deux mois", le temps que les forces politiques s'entendent à ce sujet.
La Croix-Rouge libanaise a fait état dans un tweet de 55 personnes blessées pendant la manifestation transportées dans des hôpitaux et 117 autres soignées sur place.
L'attention des forces de sécurité se concentrant sur les heurts, environ 200 manifestants menés par des officiers à la retraite en ont profité pour prendre d'assaut le siège du ministère des Affaires étrangères, le proclamant "quartier général de la Révolution", selon des images diffusées en direct par les chaînes de télévision.
- "Vengeance" -
L'ex-général Sami Rammah a appelé dans un mégaphone au soulèvement et à la poursuite de "tous les corrompus" tandis que des manifestants décrochaient et piétinaient le portrait du président Michel Aoun.
Sur la place des Martyrs le mot d'ordre de milliers de personnes était "Le Jour du jugement". Des guillotines en bois ont été installées et des protestataires ont brandi des cordes. Le hashtag #Pendez-les circule depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux.
"Vengeance, vengeance, jusqu'à la chute du régime", ont scandé les manifestants, certains masqués, d'autres portant des drapeaux, alors que les forces de sécurité tentaient d'empêcher certains groupes d'avancer vers le Parlement, selon des correspondants de l'AFP.
Un camion était en flammes à proximité de la place à la tombée de la nuit.