JERUSALEM : Qui protègera les bureaux de vote ? A quel tribunal s'adresser pour contester? Et surtout, qui sera candidat ? Le Fatah laïc et le Hamas islamiste tiennent cette semaine au Caire des pourparlers clés pour les premières élections palestiniennes en 15 ans.
En 2006, les dernières législatives palestiniennes avaient conduit à la victoire du Hamas, qui n'avait toutefois pas été reconnue par ses rivaux du Fatah menant à des affrontements sanglants entre les deux camps, et à la naissance de deux systèmes politiques séparés.
L'Autorité palestinienne, dirigée par Mahmoud Abbas et contrôlée par le Fatah, siège en Cisjordanie, territoire occupé par Israël où vivent 2,8 millions de Palestiniens. L'enclave palestinienne de Gaza, mince bande de terre de deux millions d'habitants sous blocus israélien, est, elle, dirigée par le Hamas.
Deux partis, mais surtout deux systèmes politico-judiciaires contrôlant deux territoires séparés géographiquement par Israël qui doivent s'accorder si les Palestiniens veulent pouvoir voter lors des législatives prévues en mai et de la présidentielle fin juillet.
Le président palestinien a signé mi-janvier, quelques jours avant l'entrée de Joe Biden à la Maison Blanche, un décret pour la tenue d'élections, un geste considéré par des analystes comme une manière pour les Palestiniens de gagner en légitimité.
Et de parler d'une seule voix pour reprendre contact avec les États-Unis, après avoir rompu en 2017 avec l'administration Trump qui a reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël puis annoncé un plan prévoyant l'annexion de pans de la Cisjordanie par l'État hébreu.
A partir de lundi, la délégation du Fatah menée par Jibril Rajoub et celle du Hamas dirigée par Saleh al-Arouri doivent tenter au Caire de lever les obstacles à la tenue des scrutins, à l'occasion de pourparlers parrainés par l'Égypte.
Parmi les questions à régler se pose celle du "système juridique - celui à Gaza ou en Cisjordanie occupée - qui traitera les contestations et appliquera les décisions de la commission électorale", note Khalil Shikaki, directeur du Centre de recherche palestinien sur la politique et les sondages (PCPSR) à Ramallah (Cisjordanie).
Aussi, "quel service de police fera respecter la loi à Gaza ?", celui de l'Autorité palestinienne, ou celui du Hamas, ajoute-t-il. "Il est essentiel qu'ils s'entendent sur ces questions. Sans accord, il risque de ne pas y avoir d'élections".
- "Code d'honneur" -
S'ajoute la grande inconnue de Jérusalem. Par le passé, Mahmoud Abbas avait déclaré que des élections ne pouvaient avoir lieu si les 300.000 Palestiniens de Jérusalem-Est, secteur de la ville sainte annexé par Israël, ne pouvaient voter.
Les Palestiniens ont demandé aux pays de l'Union européenne de presser Israël pour permettre le vote à Jérusalem-Est. Et déjà, des pays européens ont été invités par la commission électorale palestinienne à déployer des observateurs aux élections de mai et juillet, selon des sources diplomatiques.
Les puissances régionales s'inquiètent d'une participation, voire d'une victoire du Hamas, mouvement lié aux Frères musulmans, note Ofer Zalzberg, spécialiste du Moyen-Orient à l'institut de recherche Herbert Kelman.
L'Égypte veut montrer d'un côté qu'elle "joue un rôle" pour la démocratie dans les Territoires palestiniens, mais de l'autre elle reste préoccupée "par une participation du Hamas qui pourrait avoir un effet d'entrainement sur le statut des Frères musulmans dans la région", dit-il à l'AFP.
Quant à Israël, qui a livré trois guerres au Hamas à Gaza, territoire aujourd'hui sous blocus israélien, "il y a sérieuse préoccupation de voir (ces élections) comme la première étape d'une prise de contrôle du Hamas en Cisjordanie", ajoute-t-il.
Certaines puissances régionales pourraient tenter de pousser les deux camps à trouver une "formule" pouvant garantir la stabilité des territoires palestiniens, comme une "liste électorale commune" Fatah/Hamas, note M. Zalzberg.
Pour Jamal al-Fadi, professeur de sciences politiques à l'université Al-Azhar de Gaza, les partis doivent avant tout adhérer "explicitement et clairement" à un "code d'honneur" permettant à chacun de faire campagne librement, et "s'engager à respecter le résultat des élections, quels qu'il soit (...) pour éviter une répétition du scénario de 2006".