BEYROUTH: L'anthropologie est peu connue du grand public. Son importance est toutefois vitale et fondamentale à bien des égards. Claude Lévi-Strauss explique, en ce sens, que le but premier de cette discipline est d'analyser et d'interpréter les différences.
De manière novatrice et ingénieuse, Farah Hallaba s'attelle à démocratiser cette discipline par le biais de vidéos en langue arabe, publiées sur les réseaux sociaux.
Anthropology bel 3araby: une série de vidéos instructive
Farah Hallaba n'était pas destinée à étudier l'anthropologie. Elle a découvert cette discipline par hasard, grâce à la scène culturelle underground en Égypte. Passionnée de cinéma et de tout ce qui a trait au visuel, elle a été acceptée en master d'anthropologie sociale et visuelle à l'université de Kent en Grande-Bretagne. «Mon entourage et mes amis ont commencé naturellement à me demander ce qu'était l'anthropologie. Je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas de contenu accessible, pédagogique et instructif en arabe concernant l'anthropologie.»
Elle a ainsi eu l'idée de fonder une page dédiée à l'archéologie sur You Tube puis sur Instagram en novembre 2019. «J'ai commencé à contempler le monde par le biais de l'anthropologie. J'ai voulu rendre cette discipline accessible au grand public. L'idée est de faire naître des vocations ou tout simplement d'éveiller la curiosité de mes auditeurs.»
Les épisodes de Farah Hallaba sont d'une grande richesse. Pédagogue, elle a le don d'expliquer des notions et des concepts, qu'elle adapte à son audience arabe.
Anthropology bel 3araby, c'est enfin, et surtout, une démarche qui accorde de l'importance aux différences. Les épisodes permettent aux auditeurs de ne pas tomber dans le piège des certitudes et des idées reçues, et de ne pas considérer leurs pratiques sociales et culturelles comme universelles. «Prenons la question du rapport à la mort; on pense initialement que c'est quelque chose d'universel. Or, il y a des cultures qui célèbrent la mort.»
Farah Hallaba appelle à la prise en compte de l'anthropologie dans les politiques publiques. «L'architecture informelle produit des relations culturelles et sociales. Cet apport est négligé lors des décisions conduisant à implanter une population donnée dans de nouvelles zones résidentielles. D'où l'échec de ce type de projet à moyen terme. L'anthropologie permet d'y remédier.»
Un regard anthropologique sur la classe moyenne égyptienne
Son mémoire porte sur l'étude de la notion de moralité au sein de la classe moyenne. «L'anthropologie indigène est nécessaire car elle permet de ne pas tomber dans le travers orientaliste de certains anthropologues étrangers. J'ai découvert qu'il y a des Égyptiens très riches qui se considèrent comme faisant partie de la classe moyenne. Le critère déterminant est pour eux la moralité. Ils estiment qu'il s'agit de la classe sociale la plus intègre et pure.»
Elle a souhaité développer cette thématique en fondant un site collaboratif, MiddleClassEgypt, en partenariat avec le photographe Ali Zaraay. «En Égypte, la société est surtout divisée en classes sociales. Nos études portent sur les raisons pour lesquelles les Égyptiens s'identifient à une classe donnée. Ali Zaraay faisait de l'anthropologie visuelle sans le savoir! Il s'intéresse depuis cinq ans au mode de vie des nomades en Égypte. Je ne savais pas qu'il y avait des nomades dans mon propre pays !»
Cette identité est bien ancrée dans la société égyptienne. «Mohammad Homsi avait un programme populaire – Yawmiyat Wanis – avec lequel il avait pour but d'éduquer la population selon les critères de la moralité de la classe moyenne.»
Farah Hallaba a pour ambition de continuer le travail collaboratif. Elle organise en février deux ateliers de travail consacrés à l'anthropologie visuelle et à l'identité de classe.