NEW YORK: Plus de 3 millions de vues pour son récit sur Instagram de l'assaut contre le Capitole, sa peur de mourir, et son évocation d'un traumatisme proche d'une agression sexuelle: la jeune élue du Congrès Alexandria Ocasio-Cortez a confirmé lundi soir sa popularité sur les réseaux sociaux, mais aussi les dangers très concrets posés à ses positions très à gauche.
Pendant un peu plus d'une heure lundi soir, «AOC», comme tout le monde l'appelle, a raconté en Live, sur la plateforme où la suite plus de 8 millions d'abonnés, comment elle s'est cachée dans des toilettes le 6 janvier, convaincue que les militants pro-Trump qui tambourinaient à la porte de son bureau allaient la tuer.
Elle a lié le traumatisme subi à celui d'une agression sexuelle, confiant pour la première fois publiquement en avoir fait personnellement l'expérience. «Je suis une survivante d'une agression sexuelle et je n'en ai pas parlé à grand monde dans ma vie», a-t-elle indiqué, sans donner plus de détails.
Son intervention a été suivie, sur le moment, par quelque 150 000 personnes, avant de faire boule de neige. Quatre jours plus tôt, elle avait déjà fait le «buzz» en organisant un débat sur la rébellion des boursicoteurs contre les grands fonds spéculatifs de Wall Street apparue lors de la saga GameStop, qui a recueilli depuis plus de 1,5 million de vues.
Sa maîtrise des réseaux sociaux, qui déjà beaucoup aidée à se faire élire au Congrès aux dépens d'un baron démocrate en 2018, est incontestablement une de ses forces.
«C'est une communication incroyablement efficace», souligne Kelly Dittmar, du Centre sur les femmes en politique de l'université Rutgers. «Elle utilise Instagram pour expliquer ce qui se passe au Congrès, son travail personnel et ses émotions».
Enant évoqué l'agression sexuelle qu'elle a elle-même subie, "elle permet aux gens qui réussissent pas au Capitole, surtout aux femmes, de mieux imaginer" ce qui s'est passé, estime cette analyste.
Son récit très poignant lundi soir ne peut que «renforcer le soutien» de ses fans, qui «perçoit cette attaque contre sa personne comme autant de menaces contre leur propre sécurité», dit aussi Costas Panagopoulos, de l'université Northeastern de Boston.
Menaces quotidiennes
Mais son récit met aussi en évidence la cible est devenue cette élue new-yorkaise de 31 ans, née d'une mère portoricaine qui, après deux ans au Congrès s'est imposée comme la figure de proue l'aile gauche des démocrates au Congrès.
Pour Kelly Dittmar, la peur dont elle a témoigné lundi témoigne des «menaces quasi-quotidiennes» dont elle est confrontée depuis son arrivée au Congrès, avec les autres élues de la gauche démocrate que Donald Trump et les républicains ont surnommées «The Squad» ( la bande), Ayanna Pressley, Ilhan Omar et Rashida Tlaib.
«AOC» est une cible particulièrement facile pour les conservateurs, assure l'analyste: non seulement par ses positions proches de celles de Bernie Sanders - pour une sécurité sociale étatique, une lourde imposition des richesses, un «New Deal» vert - mais aussi parce que «racisme et sexisme font qu'il est plus facile de présenter une femme de couleur comme dangereuse».
Au point que lors des élections de novembre 2020 - qui ont vu AOC réélue avec 71% des voix à la Chambre des représentants, dans sa circonscription de Queens et du Bronx - «beaucoup de candidats républicains (à travers les Etats-Unis) parlaient d «Elle plutôt que de leur adversaire», rappelle cette analyste.
«Elle représente une menace pour les structures de pouvoir traditionnellement blanches et patriarcales, et refuse de rester silencieuse sur ses opinions politiques comme sur son identité, utilisant les réseaux sociaux et les médias traditionnels pour parler de ses expériences et ses idées. Cette combinaison de facteurs fait d'elle un aimant pour l'animosité des conservateurs », affirme Julia Payson, de l'université de New York.
La jeune élue peut-elle espérer atteindre un jour, sinon la Maison Blanche - comme l'imaginent volontiers ses fans - au moins un puissant fauteuil de sénatrice ou de gouverneure de l'Etat de New York?
Pour Costas Panagopoulos, «elle s'est enfermée dans des positions extrêmes» qui rend «tout poste proposé de séduire de grandes catégories de l'électorat difficile à atteindre».
«Elle est tellement diabolisée que les gens la voient comme trop enflammée», déclare aussi Kelly Ditmar. «C'est ce que veulent les conservateurs: assurez-vous qu'elle n'ira pas plus loin».