WASHINGTON: Alejandro Mayorkas est devenu mardi le premier Hispanique à la tête du puissant ministère de la Sécurité intérieure des Etats-Unis, où il devra mettre en musique la volonté de Joe Biden de renouer avec une politique migratoire accueillante.
Ce fils de réfugiés cubain, né à la Havane il y a 61 ans et arrivé bébé sur le sol américain, a été confirmé à ce poste par une courte majorité des sénateurs (56 voix sur 100) et doit désormais prêter serment devant la vice-présidente Kamala Harris.
Le président démocrate signera dans la foulée trois décrets sur l'immigration, dont l'un pour confier à son nouveau ministre la direction d'un groupe de travail chargé de réunir les familles de migrants séparées par son prédécesseur Donald Trump.
Joe Biden ordonnera également de passer en revue tous les freins à l'immigration légale et à l'intégration posés par la précédente administration, ce qui devrait déboucher sur « des changements de politique radicaux », ont annoncé de hauts responsables du gouvernement.
Sa stratégie « est fondée sur le postulat de base que notre pays est plus sûr, fort et prospère avec un système migratoire sain, rationnel et humain », ont-ils expliqué lors d'un point-presse.
Conformément à ses promesses de campagne, Joe Biden a pour priorité de corriger les « horribles souffrances » causées, selon son entourage, par la politique de « tolérance zéro » à la frontière adoptée par l'administration Trump en 2018.
Celle-ci avait entraîné la séparation de milliers de familles de migrants. Face au tollé, y compris dans son propre camp, le milliardaire républicain y avait renoncé, mais des centaines d'enfants n'ont jamais retrouvé leurs parents.
Le groupe de travail placé sous la houlette de M. Mayorkas, aura pour mission de les identifier et de proposer des solutions pour réunifier les familles, « selon leurs désirs et leurs situations », ont précisé les hauts responsables sans dire si cela pourrait inclure le retour sur le sol américain des parents ou des enfants expulsés.
« Test de richesse »
Joe Biden doit également signer un décret sur les pays d'origine des migrants. Outre le retour d'aides économiques, il vise à remettre en place les voies d'immigration légale à la source, impliquant un processus d'application depuis les pays d'origine.
C'est le cas notamment du programme ayant permis sous Barack Obama de faire venir des centaines de mineurs dont les parents étaient déjà aux Etats-Unis, sans qu'ils aient à emprunter des routes migratoires dangereuses.
Quant au troisième décret, il vise à favoriser l'intégration des migrants installés légalement aux Etats-Unis. Il prévoit de « rendre la naturalisation plus accessible aux neuf millions de personnes éligibles à la citoyenneté américaine », selon ces responsables.
Cet objectif passe notamment par une révision de la règle dite »de la charge pour la société » créée en août 2019 par l'administration républicaine pour refuser la carte verte ou la citoyenneté américaine aux migrants touchant des aides sociales, comme par exemple des soins subventionnés ou une allocation logement.
« Il s'agissait d'un test de richesse pour les migrants », a dénoncé un de ces hauts responsables.
Dès son premier jour à la Maison Blanche, le président avait déjà envoyé des gages à l'aile gauche du parti démocrate qui attend un virage à 180 degrés en matière d'immigration, après quatre années consacrées à verrouiller les frontières des Etats-Unis.
Il s'est notamment attaqué à deux mesures-phares de son prédécesseur: la construction d'un mur à la frontière avec le Mexique, que Joe Biden a décidé d'interrompre, et l'interdiction d'entrée sur le sol américain de ressortissants de pays en majorité musulmans, que le démocrate a levée.
Il a également transmis un projet de loi au Congrès qui pourrait entraîner la régularisation des millions de sans-papiers présents aux Etats-Unis. Son adoption nécessitera toutefois de convaincre plusieurs élus républicains, ce qui semble difficile.
Prélude à ces luttes, la plupart des sénateurs républicains se sont opposés mardi à la confirmation de M. Mayorkas, alors qu'ils avaient voté assez largement pour d'autres ministres choisis par Joe Biden.
Outre l'immigration, le nouveau ministre de la Sécurité intérieure - un poste créé après les attentats du 11 septembre 2001 - devra superviser la lutte contre la menace extrémiste, à un moment où les violences de groupuscules de droite radicale se multiplient.