La nouvelle ligne dure de Washington contre Erdogan sonne l'alarme à Ankara

Dans cette photo d’archive prise le 24 novembre 2020, le conseiller à la sécurité nationale nommé récemment Jake Sullivan participe au nom du président élu des États-Unis, Joe Biden, lors d'une annonce du cabinet à Wilmington, Delaware. (Photo, AFP)
Dans cette photo d’archive prise le 24 novembre 2020, le conseiller à la sécurité nationale nommé récemment Jake Sullivan participe au nom du président élu des États-Unis, Joe Biden, lors d'une annonce du cabinet à Wilmington, Delaware. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 31 janvier 2021

La nouvelle ligne dure de Washington contre Erdogan sonne l'alarme à Ankara

ANKARA: Une nouvelle ligne dure de la part de Washington contre le régime d'Erdogan en Turquie a sonné l'alarme à Ankara, ont déclaré des analystes à Arab News.

La Turquie s'est lancée dans une offensive de charme envers les pays occidentaux, mais les décideurs américains remettent de plus en plus en question l'état du «partenariat stratégique» entre les alliés traditionnels.

Lors de discussions entre Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale du président américain Joe Biden, et Bjoern Seibert, chef de cabinet de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, les deux hommes «ont convenu de travailler ensemble sur des questions d'intérêt commun, notamment la Chine et la Turquie», a affirmé la maison blanche.

Lier la Turquie à la Chine, principal adversaire géopolitique des États-Unis, est un coup dur pour les espoirs du président Recep Tayyip Erdogan d’une relation étroite avec la nouvelle administration Biden.

Les États-Unis ont déjà imposé des sanctions à la suite de l’achat controversé par la Turquie du système de défense antimissile russe S-400, et semblent désormais se ranger du côté de l’UE face à l’aventurisme d’Erdogan en Méditerranée orientale, notamment les incursions dans les eaux territoriales grecques à la recherche de pétrole.

Le même jour, à l'ONU, Washington a appelé au «retrait immédiat» des troupes turques et russes de la Libye. Cela est conforme à l'accord de cessez-le-feu soutenu par l'ONU et signé en octobre de l'année dernière, qui exigeait à la Turquie de retirer ses forces dans les trois mois. Ce délai a pourtant expiré le 23 janvier.

Lors d'une réunion du Conseil de sécurité sur la Libye, Richard Mills, l'ambassadeur américain par intérim auprès de l'ONU, a demandé «le retrait des mercenaires étrangers et des forces militaires qu'ils ont recrutées, financées, déployés et soutenues en Libye».

Un navire de guerre de la marine turque patrouille à côté du navire de forage "Fatih" alors qu'il naviguait vers la Méditerranée orientale, près de Chypre, en juillet 2019 (photo AFP)
Un navire de guerre de la marine turque patrouille à côté du navire de forage "Fatih" alors qu'il naviguait vers la Méditerranée orientale, près de Chypre, en juillet 2019 (photo AFP)

Samuel Ramani, analyste du Moyen-Orient à l'Université d'Oxford, a déclaré qu'il semble que l'administration Biden ait du mal à mettre en valeur une politique cohérente avec la Turquie.

«D'une part, l’administration Biden souhaite un désamorçage du différend de la Méditerranée orientale en saluant probablement les efforts de l'Arabie saoudite et, dans une moindre ampleur, les Émirats arabes unis pour apaiser les tensions avec Ankara», a déclaré Ramani.

«Pourtant, d'un autre côté, l’administration Biden se range du côté de la Grèce et de la France au sujet de la menace Turque pour la stabilité régionale, et essaie d'impliquer les deux pays dans cet effort».

Ces signaux mitigés sont le résultat du désir de Biden de rester à equidistance entre ceux qui veulent l’endiguement et ceux qui prônent un accommodement de la Turquie, et aussi d'apaiser le Parti démocrate, qui s'est opposé à la position permissive de Trump sur l'approche du président turc Recep Tayyip Erdogan à l'égard de la Syrie, a déclaré Ramani.

Un avion cargo militaire russe décharge des systèmes de défense antimissile S-400 sur la base aérienne militaire de Murted, au nord-ouest d'Ankara, le 27 août 2019 (Photo d'archive, Ministère turc de la Défense via AFP)
Un avion cargo militaire russe décharge des systèmes de défense antimissile S-400 sur la base aérienne militaire de Murted, au nord-ouest d'Ankara, le 27 août 2019 (Photo d'archive, Ministère turc de la Défense via AFP)

«Les États-Unis doivent préciser leur position envers la Turquie dès que possible afin d’éviter une escalade inutile du côté d'Erdogan», a-t-il ajouté.

L’achat controversé par la Turquie du système de missiles le S-400 de fabrication russe et ses prétentions sur les ressources en Méditerranée orientale font sans aucun doute partie des principales inquiétudes partagées par Bruxelles et Washington.

Le même jour que Sullivan et Seibert se sont entretenus, le Conseil national de sécurité turc, le principal organe de sécurité nationale du pays, a annoncé que le pays continuerait de faire valoir ses droits en Méditerranée orientale et dans la mer Égée ainsi qu’à Chypre.

FAIT MARQUANT

Ces signaux mitigés sont le résultat du désir de Biden de rester au milieu entre ceux qui veulent l’endiguement et ceux qui prônent un compromis de la part d’Ankara, et aussi d'apaiser le Parti démocrate, qui s'est opposé à la position permissive de Trump sur l'approche du président turc Recep Tayyip Erdogan à l'égard de la Syrie.

«Il a été souligné une fois de plus que la Turquie favorise principalement la diplomatie et le dialogue à chaque tribune dans le règlement des problèmes de la mer Égée, de la Méditerranée orientale et de Chypre, mais qu'elle est également déterminée à protéger ses droits et ses intérêts émanant du droit et des accords internationaux», selon un communiqué officiel turc.

Matthew Goldman, un expert sur la Turquie de l'Institut suédois de recherche à Istanbul, a souligné qu'il pensait que l'administration Biden n'aura pas peur d'adopter une ligne relativement dure dans ses relations avec Ankara.

«Mais le conseiller à la sécurité nationale a peut-être classée la Chine et la Turquie dans le même groupe parce que les États-Unis veulent signaler que le soutien américain à l'UE dans ses relations tendues avec Ankara dépend dans une certaine mesure de la volonté de l'UE d'aider les Américains à traiter avec la Chine», a déclaré Goldman.

Goldman a toutefois déclaré que si la Turquie est devenue une préoccupation majeure pour l'UE à cause des tensions dans l'est de la Méditerranée et ailleurs, les pays européens ont tendance à considérer la Chine plus comme une opportunité économique qu'une menace.

«Tandis que les États-Unis sont préoccupés par les récentes initiatives de la Turquie, leur principal objectif de sécurité est certainement la Chine», a-t-il ajouté. «L’administration Biden a été complètement bouleversée par la volonté de l’UE de signer un accord d’investissement majeur avec la Chine en décembre, juste avant que Biden ne devienne président. L’administration Biden souhaitait, à tout prix, que les Européens auraient plutôt attendu de consulter la nouvelle administration américaine avant de prendre une telle décision».

Alors que l'équipe Biden veut arranger ses relations avec l'Europe après les dommages causés par l'administration Trump, Goldman a prédit que cela n'empêchera pas certaines concessions diplomatiques mutuelles.

«Alors que le secrétaire d'État américain Anthony Blinken, Sullivan et le reste de l'équipe Biden seront impatients de montrer que l'alliance transatlantique est forte, ils voudront peut-être aussi signaler que si l'UE se coordonne plus étroitement avec eux en ce qui concerne la Chine, ils seront, à leur tour, à son tour, plus à l'écoute de l'UE lorsqu'elle fait face à la Turquie,», a-t-il ajouté.

Au cours de son audition de confirmation devant la commission des relations étrangères du Sénat la semaine dernière, Blinken a accusé la Turquie de ne pas agir comme un allié. Il a affirmé que Washington examinera la possibilité d’imposer des nouvelles sanctions contre Ankara pour son achat du système S-400.

En décembre, les États-Unis ont imposé des sanctions à Ankara, en appliquant la loi intitulée «contrer les adversaires de l’Amérique par le bais des sanctions (CAATSA)» de manière à punir le pays pour ses accords militaires avec la Russie et pour le décourager de faire d’autres transactions militaires avec le Kremlin. Washington considère la présence des S-400 sur le sol turc comme une menace pour ses avions de combat, les F-35, et pour l’ensemble des systèmes de défense de l'OTAN en général.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »