ANKARA: selon un rapport mondial, la Turquie est sur le point d’être qualifiée de pays géré dans un environnement de «corruption intense».
L’indice mondial de perception de la corruption (IPC) de Transparency International classe la Turquie 86e sur 180 pays. «Le pays perd du terrain dans la lutte contre la malhonnêteté et la fraude en haut lieu», avertit l’ONG.
Le système de notation de l’enquête montre que le pays n’est qu’à 40 points de la catégorie «corruption intense» de l’indice.
Transparency International, qui publie l’indice, affirme que les faibles niveaux de corruption sont associés à une large consultation dans la prise de décision politique.
Dans le cas de la Turquie, le rapport indique qu’«il y a peu d’espace pour la prise de décision consultative dans le pays. Le gouvernement a récemment pris des mesures de répression contre les ONG, fermé au moins 1 500 fondations et associations et saisi leurs actifs, tout en continuant à harceler, arrêter et poursuivre les dirigeants de la société civile».
Oya Ozarslan, présidente de la branche turque de Transparency International, souligne la tendance inquiétante du recul de la Turquie dans la lutte contre la corruption.
«Les résultats mondiaux de l'IPC 2020 indiquent que la démocratie dans les pays est directement liée à la corruption», explique-t-elle à Arab News.
«Les pays gouvernés par des dictateurs, des régimes autoritaires ou qui connaissent fréquemment des violations des droits de l’homme, des conflits, le chaos et les guerres obtiennent de mauvais résultats dans l’IPC, avec une note généralement inférieure à 50 sur 100».
En évaluant le classement de la Turquie, Transparency International s’est focalisée sur le népotisme, les pots-de-vin et la tendance à attribuer les marchés publics aux entreprises progouvernementales.
Des fonctionnaires du gouvernement qui détiennent plusieurs entreprises sont monnaie courante en Turquie, indépendamment des critiques concernant les conflits d’intérêts.
L’année dernière, le ministre turc de la Culture et du Tourisme, Mehmet Nuri Ersoy, a par exemple suscité la colère de la population après être devenu propriétaire du luxueux hôtel Hilton dans la ville balnéaire de Bodrum.
Le ministre de l’Éducation, Ziya Selcuk, est lui propriétaire de l’une des plus grandes chaînes d’écoles privées du pays, tandis que le ministre de la Santé, Fahrettin Koca, possède une chaîne d’hôpitaux privés.
Par ailleurs, l’appel d’offres du ministère turc de la Santé pour la préservation et la distribution des vaccins contre la Covid-19 a été attribué à une société qui a fait l’objet d’une enquête il y a trois ans de la Cour des comptes du pays pour avoir gaspillé 1,6 million de doses de vaccins contre la rougeole et la rubéole, ce qui a coûté 11,3 millions de livres (1 livre turque = 0,11 euro) au Trésor public.
«Lorsque nous comparons les résultats de l’IPC avec les dépenses relatives aux soins de santé dans chaque pays, nous sommes frappés par les résultats. Les pays qui luttent le mieux contre la corruption dépensent plus sur les soins de santé», explique Oya Ozarslan.
De plus, après que des candidats du Parti républicain du peuple (CHP), principal parti de l’opposition, ont évincé les candidats du Parti de la justice et du développement (AKP), à la tête des municipalités d’Ankara et d’Istanbul lors des élections locales de 2019, le système de patronage en place depuis des décennies dans ces deux villes est sous le feu des projecteurs.
Les maires des deux villes affirment que de nombreux projets de travaux publics ont été confiés à des sociétés progouvernementales privées. Cela a entraîné des dépenses inutiles de fonds publics.
«Par leurs nouvelles pratiques, les maires récemment élus de municipalités telles qu’Ankara et Istanbul donnent des messages très positifs sur la transparence. C’est cette dernière qu’ils ont utilisée comme principal slogan pour atteindre la population de ces villes. Ils ont adopté des approches très innovantes dans la lutte contre la corruption qui ont été appréciées par la population», ajoute Mme Ozarslan.
En janvier, le maire d’Istanbul et Ekrem Imamoglu, adversaire de longue date du président turc, Recep Tayyip Erdogan, ont soumis 35 dossiers concernant de présumées irrégularités antérieures. La municipalité travaille également sur 40 autres dossiers de corruption qui concernent des transactions effectuées lorsque la municipalité était gouvernée par un maire affilié à l’AKP.
En décembre, le maire d’Ankara, Mansur Yavas, a déposé une plainte au pénal contre des irrégularités présumées qui impliquent des cadres de la municipalité précédemment dirigée par l’AKP et qui concernent l’achat de «télescopiques» défectueux.
Selon la présidente de la branche turque de Transparency International, de telles actions menées par les municipalités vont créer un précédent dans la manière dont la politique est menée dans le pays avec la perspective qu’une «politique propre» gagne du terrain. «Ceux qui en ont assez des allégations de corruption peuvent soutenir cette nouvelle approche de gouvernance transparente», ajoute-t-elle.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com