BEYROUTH : Un juge libanais a ordonné l'ouverture d'une enquête sur le gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé accusé d'avoir mal géré un mécanisme visant à réduire la flambée des prix des produits alimentaires, selon une source judiciaire.
Le Liban connaît depuis 2019 sa pire crise économique depuis la guerre civile (1975-1990), avec notamment une dégringolade de sa monnaie nationale et des restrictions bancaires interdisant les transferts à l'étranger.
« La procureure générale du Mont Liban, Ghada Aoun, a demandé (l'ouverture d'une) enquête judiciaire sur le gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé ainsi que la chef de la commission de contrôle bancaire (rattachée à la Banque centrale, ndlr) Maya Dabbagh, pour négligence professionnelle et atteinte à la confiance du public », a indiqué la source à l'AFP.
Mme Aoun a pris cette décision après avoir constaté des irrégularités dans l'application d'un mécanisme mis en place en mai par la Banque centrale pour fournir des dollars aux importateurs de produits alimentaires et limiter l'inflation, selon cette source.
« Les dollars n'ont pas tous atterri au bon endroit », échouant notamment dans les poches d'agents de change qui les ont revendus au marché noir, a-t-elle ajouté.
La livre libanaise, indexée sur le billet vert depuis 1997 au taux fixe de 1 507 livres pour un dollar, a perdu en 2020 plus de 80% de sa valeur sur le marché noir face au dollar.
Cette dépréciation a entraîné une envolée vertigineuse des prix des produits alimentaires dans un pays où, selon l'ONU, plus de la moitié de la population vit aujourd'hui sous le seuil de pauvreté et près du quart dans l'extrême pauvreté.
« Le montant qui a fini dans les poches d'agents de change et d'institutions financières dépasse les cinq millions de dollars » (environ 4,1 millions d'euros), selon la source judiciaire.
À la tête de la Banque centrale depuis 1993, M. Salamé avait déjà été entendu dans le cadre d'une autre affaire la semaine dernière par le procureur général libanais après une demande d'assistance juridique déposée par la Suisse.
Le parquet fédéral suisse a confirmé avoir adressé au Liban « une demande d'entraide judiciaire » concernant une enquête « pour blanchiment d'argent aggravé (...) en lien avec un éventuel détournement de fonds au détriment de la Banque du Liban ».
D'après une source judiciaire libanaise, l'enquête porterait sur 400 millions de dollars (328,9 millions d'euros) qui auraient été transférés à l'étranger par M. Salamé, son frère, son assistante et des institutions liées à la Banque centrale.
Riad Salamé avait été conspué par le mouvement de contestation en 2019 qui lui imputait des politiques monétaires « suspectes » et l'accusait de complicité avec la classe dirigeante, jugée corrompue et incompétente.