PARIS: A 24 ans, Charles de Vilmorin est entré mercredi de plain-pied dans le très élitiste club de la haute couture à Paris avec une collection aux couleurs vives, peintes à la main sur des formes exagérées.
«La ligne conductrice de cette collection, c'est la notion de liberté, je l'ai faite de manière instinctive, je voulais un résultat assez brut, aller droit au but», déclare le créateur grand et fin, en col roulé noir, qu'on compare d'ores et déjà à Yves Saint Laurent, ce qui ne le «dérange pas», dit-il.
Il a lancé sa marque au printemps dernier en plein confinement lorsqu'une collection de bombers très colorés était prête. Les pièces ont été promues sur ses réseaux sociaux et se fabriquent «sur commande pour éviter toute surproduction».
Moins d'un an plus tard, il est sur le calendrier officiel de la haute couture, évènement exclusivement parisien qui rassemble une poignée de maisons correspondant à des critères très stricts.
Parrainé par Jean Paul Gaultier
«Je ne correspondais pas forcément, pour ce qui est l'ancienneté et tout ça, et c'est Jean Paul Gaultier qui a décidé de me parrainer», raconte le styliste.
«C'est une belle preuve que la haute couture est dans une démarche d'évoluer, d'aller plus loin et de revoir ses caractéristiques. Cela ne peut être que positif».
Enfant terrible de la mode, Gaultier a raccroché ses ciseaux il y a un an au bout de 50 ans de carrière et prévoyait de présenter les collections revisitées de sa maison avec un styliste invité chaque saison, un projet qui n'est pas à ce jour concrétisé.
Pour cette deuxième saison entièrement virtuelle pour cause de la Covid, les maisons historiques sont poussées à se réinventer avec des formats numériques pour remplacer les défilés.
Charles de Vilmorin qui n'en a jamais organisé, mais qui est très à l'aise avec Instagram, est dans son élément: «je ne peux pas vraiment me rendre compte de ce que c'est en temps normal».
Il dit avoir conçu cette collection en pensant au rendu sur les images.
«Ce n'est pas pareil de filmer un vêtement que d'avoir un vêtement qui défile à moins d'un mètre de réelles personnes», explique-t-il.
Drame et contrastes
Fils d'une professeure de dessin et d'un directeur financier passionnés par la mode, Charles de Vilmorin a peint à la main la plupart des tissus de la collection en utilisant des acryliques et encre de Chine.
Le choix des couleurs «franches et primaires» et de grands coups de pinceaux est assumé pour créer des contrastes entre le côté «craft» des matières et les techniques de haute couture au niveau du corset, des nerfs et des finitions.
C'est Anaelle Postollec, 22 ans, son amie, muse et maquilleuse qui l'accompagne pour ses projets, qui pose en pièce emblématique de la collection couture: une robe à la taille marquée, aux épaules exagérées et buste en forme de ballons portée sur des cuissardes à talon aiguille, également aux motifs très vifs.
«J'adore tout ce qui est dramatique, les grandes formes, c'est presque du théâtre, quelque chose d'assez bizarre, un rêve qui a tourné au cauchemar. C'est paradoxal entre toutes ces couleurs et les formes qui sont violentes», confie-t-elle.
Charles «ose se jeter dans le vide clairement, cela résonne avec le moment, cela apporte un message de quelque chose de nouveau et de meilleur qui va venir bientôt», estime la jeune femme qui réalise des maquillages et des «body paintings» avec des motifs qui rappellent ou complètent ceux des tenues pour les présentations vidéo.
Des papillons, des fleurs qui montent sur les corps, «je voulais cette notion d'éclosion et de nouvelle naissance», soutient le styliste.
Pour lui, la haute couture sert à expérimenter et plutôt que d'être portable, un vêtement doit «exprimer quelque chose».
Et la crise sanitaire fait que la mode doit être «sincère».
«On n'a plus envie de passer par 36 milliards de chemins pour dire quelque chose», conclut-il.