Liban : Enquête et aide internationale au centre de la crise de confiance entre les Libanais et leur gouvernement

Vue apocalyptique, au lendemain de l'explosion de Beyrouth. (Photo AFP).
Vue apocalyptique, au lendemain de l'explosion de Beyrouth. (Photo AFP).
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Publié le Jeudi 06 août 2020

Liban : Enquête et aide internationale au centre de la crise de confiance entre les Libanais et leur gouvernement

  • « La colère populaire est inévitable. La question est de savoir quelle en sera la manifestation », affirme un analyste libanais
  • Crainte que la catastrophe et l’aide qui sera reçue éclipsent les pressions pour entamer des réformes

Beyrouth avait rendu-vous avec l’apocalypse. La capitale libanaise s’est réveillée mercredi sur un spectacle de désolation, ses habitants ayant commencé à nettoyer leur maison ou bureaux détruits par les explosions qui ont eu lieu mardi soir vers 18h. Les deux déflagrations ont été causées vraisemblablement par l’explosion d’environ 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium stockées dans le port de Beyrouth. Plus de 4 000 personnes ont été blessées et au moins 113 ont été tuées, alors des dizaines sont portées disparues. Selon Marwan Abboud, mohafez de Beyrouth, la première estimation des dégâts se chiffrait entre trois et cinq milliards de dollars.

Le chef du gouvernement, Hassane Diab a insisté sur l’importance de l’enquête qui doit être une priorité. « L’enquête est une priorité et ses résultats seront rapides », a-t-il déclaré, appelant les forces politiques à cesser les polémiques et les « débats stériles ».

En effet, au-delà du choc et de la douleur des Libanais qui ont perdu leur proche ou leur possession, une polémique a commencé à voir le jour dans l’opinion publique concernant la responsabilité de l’Etat dans cette catastrophe. Le gouvernement est depuis octobre 2019 sous la pression d’un vaste mouvement de contestation contre les hommes politiques qui ont perdu, aux yeux d’une majorité de Libanais, toute confiance et crédibilité. L’explosion de mardi vient comme une goutte d’eau qui fait déborder le vase, d’autant plus que le nitrate d’ammonium, produit hautement explosif, se trouvait dans le port de Beyrouth depuis 2014. Selon des médias libanais, plusieurs rapports mettant en garde contre leur stockage sur place avaient été rédigés et envoyés aux responsables dernièrement. Déterminer les responsables et les sanctionner devient ainsi le défi principal du gouvernement, s’il veut montrer son efficacité.

Dans une déclaration, le directeur des douanes, Badri Daher, a fait assumer la responsabilité du drame à la direction du port. Toutefois, vu les circonstances, plusieurs ministères sont directement concernés par cette affaire, puisque le port est sous la tutelle du ministère des Transports, les douanes font partie du ministère des Finances, et les stocks saisis font l’objet d’une procédure judiciaire au ministère de la Justice, et ce à travers les gouvernements qui se sont succédés depuis 2014.

L’enquête qui a donc commencé suscite beaucoup d’interrogations, en commençant par les causes des explosions qui restent jusqu’à présent non-résolues. Alors que les premières analyses se dirigent vers un accident, la question reste de savoir s’il y a eu négligence, notamment concernant la sécurité de l’entrepôt en question. Seul le président américain, Donald Trump, a affirmé que les explosions semblaient être causées par « une sorte de bombe ». Mardi, des rumeurs de toutes sortes ont circulé sur les réseaux sociaux, certains affirmant avoir vu des avions, alors que d’autres expliquaient que les Israéliens avaient frappés des armes du Hezbollah.

En tout état de cause, certains Libanais récusent toute enquête diligentée par l’Etat, comme le député Hady Aboulhosn (proche de Walid Joumblatt) qui estime n’avoir « aucune confiance » dans les enquêtes menées par des autorités libanaises, alors que des voix appellent déjà à une enquête internationale.

Le manque de confiance est au bout de tous les lèvres. La corruption généralisée combinée à la mainmise de facto du Hezbollah sur les rouages de l’Etat libanais n’augure rien de bon. « Les justifications des autorités dès le début est ridicule », estime Sami Nader, directeur du groupe de réflexion Levant Institute for Strategic Affaires, à Arabnews.fr. L’économiste et analyste politique ajoute que « nous sommes en présence d’un Etat failli. Quel que soit le responsable, à part le fait que ça peut être un missile qui a causé l’explosion, c’est un Etat qui s’autodétruit. Tout le système est pourri ». Selon lui, « la colère populaire est inévitable. La question est de savoir quelle en sera la manifestation ». Face à la contestation populaire des derniers mois, les autorités politiques ont su tergiverser sans faire de concessions majeures, alors que les appels à la démission se multiplient de la part de l’opposition et d’une partie de la population. La crise économique et financière qui frappe le Liban a été renforcée par la pandémie du coronavirus. L’explosion du port met la pression à son maximum sur le gouvernement, critiqué pour sa gestion de la crise sanitaire.  

« En plus des effets politiques, c’est les conséquences économiques qu’il faut redouter maintenant », averti Sami Nader. Le port a été complétement dévasté. « Il était le cœur de Beyrouth qui s’est développée depuis le XIXe siècle à cause du port qui lui a donné les moyens de s’agrandir, ouvrant le Liban à l’Occident et le reliant à l’Est. La capitale libanaise s’est donc construite autour de ce port. Notre société et notre culture s’est façonnée à travers ce port et son activité. Les compagnies d’assurance, les transitaires, les importateurs les exportateurs, les banques, tous tournaient autour de ce lieu », explique l’analyste.

Selon lui, l’impact économique sera énorme. L’Etat n’a ni les moyens ni les ressources pour reconstruire le port. En plus, l’importation du blé et d’autres denrées essentielles est en danger.

Face à cette situation de crise inédite au Liban, les annonces d’aide humanitaire et logistique avaient commencé dès mardi soir. Les aides internationales ont ainsi commencé à affluer vers le Liban mercredi. De la France, la Grèce, les Emirats arabes unis, le Koweït, l’Arabie saoudite, la Jordanie, etc.

La grande question reste à savoir comment cette aide va être envoyée et distribuée. Face à la corruption endémique au pays du Cèdre, la communauté internationale exhortait le gouvernement d’entamer des réformes sérieuses et crédibles pour bénéficier de l’aide du FMI et de CEDRE (Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises, organisée à Paris, en 2018).

Plusieurs observateurs ont dit craindre que la catastrophe actuelle et l’aide qui sera reçue éclipsent les pressions exercées sur les autorités libanaises pour assainir les finances et les administrations publiques, sous prétexte de l’urgence de la situation.   

Selon Sami Nader, « il est très probable qu’une grande partie des aides internationales sera directement distribuée aux victimes ou à travers des ONGs, pour éviter de passer par l’Etat », de peur que les autorités libanaises ne l’utilisent d’une manière clientéliste comme c’est généralement le cas. Une information confirmée par des sources diplomatiques des EAU, qui précisent que « Dubaï va envoyer un avion d’aides médicales urgentes qui seront distribués à travers la Croix-Rouge et l’OMS au peuple libanais » et non au gouvernement libanais. Ce n’est pas le cas du Qatar et du Koweït qui ont annoncé avoir envoyé de l’aide au gouvernement.

C’est dans ce contexte que le président français, Emmanuel Macron, se rendra jeudi à Beyrouth, afin d’y rencontrer « l’ensemble des acteurs politiques ». La France va par ailleurs prendre des « initiatives dans les jours qui viennent » afin de mobiliser l’aide internationale nécessaire pour l’assistance immédiate au Liban, a indiqué le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, lui qui avait sévèrement réprimandé la classe politique libanaise lors de sa visite à Beyrouth il y a quelques semaines. Reste à savoir si le président Macron tentera de faire du forcing pour débloquer la situation politique et convaincre les dirigeants libanais que cette catastrophe peut être une occasion d’entamer les réformes nécessaires pour recouvrer la confiance des Libanais et de la communauté internationale.

 


Sud du Liban: onze morts dans des tirs de l'armée israélienne

Des soldats israéliens sécurisent un barrage routier à Borj El Mlouk le 26 janvier 2025. Les troupes israéliennes ont tiré sur des habitants du Sud-Liban le 26 janvier, tuant deux personnes et en blessant 32 autres, selon les autorités sanitaires, alors que des centaines de personnes tentaient de rentrer chez elles à la date limite fixée pour le retrait des forces israéliennes de la région. (AFP)
Des soldats israéliens sécurisent un barrage routier à Borj El Mlouk le 26 janvier 2025. Les troupes israéliennes ont tiré sur des habitants du Sud-Liban le 26 janvier, tuant deux personnes et en blessant 32 autres, selon les autorités sanitaires, alors que des centaines de personnes tentaient de rentrer chez elles à la date limite fixée pour le retrait des forces israéliennes de la région. (AFP)
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  • L'armée israélienne a ouvert le feu dimanche sur des habitants du sud du Liban qui tentaient de revenir dans leurs villages par centaines, faisant onze morts et 83 blessés
  • L'armée libanaise a annoncé dimanche qu'un de ses soldats avait été tué par des tirs israéliens dans le sud du Liban

BEYROUTH: L'armée israélienne a ouvert le feu dimanche sur des habitants du sud du Liban qui tentaient de revenir dans leurs villages par centaines, faisant onze morts et 83 blessés, selon un nouveau bilan du ministère libanais de la Santé.

D'après le ministère, "les agressions de l'ennemi israélien contre des citoyens qui tentaient de revenir dans leurs villages encore sous occupation, ont fait onze morts, dont un soldat de l'armée libanaise et deux femmes, ainsi que 83 blessés". Le ministère avait fait état de trois morts dans un précédent bilan.

L'armée libanaise a annoncé dimanche qu'un de ses soldats avait été tué par des tirs israéliens dans le sud du Liban, alors que des centaines de personnes tentaient d'entrer dans des localités frontalières toujours occupés par les forces israéliennes.

"Un soldat est mort en martyr (...) et un autre a été blessé" après avoir "été pris pour cible par les tirs de l'ennemi israélien, dans le cadre de son agression continue contre les citoyens et les soldats dans les zones frontalières du sud", a déclaré l'armée dans un communiqué. L'armée israélienne reste déployée dans le secteur malgré l'expiration du délai fixé pour son retrait par l'accord de cessez-le-feu avec le Hezbollah.


Liban: les conditions "pas encore réunies" pour le retour des habitants des localités frontalières

Des soldats libanais montent la garde près d'un barrage routier à Borj El Mlouk le 26 janvier 2025. (AFP)
Des soldats libanais montent la garde près d'un barrage routier à Borj El Mlouk le 26 janvier 2025. (AFP)
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  • Les conditions pour permettre le retour au Liban des habitants des localités frontalières d'Israël ne sont "pas encore réunies", a déclaré l'ONU dimanche
  • En vertu de l'accord qui a mis fin le 27 novembre à deux mois de guerre ouverte entre le Hezbollah pro-iranien, qui en est ressorti affaibli, et Israël, seuls l'armée libanaise et les Casques bleus de l'ONU peuvent être désormais déployés dans le sud

BEYROUTH: Les conditions pour permettre le retour au Liban des habitants des localités frontalières d'Israël ne sont "pas encore réunies", a déclaré l'ONU dimanche, l'armée israélienne restant déployée malgré l'expiration du délai fixé pour son retrait par l'accord de trêve avec le Hezbollah.

En vertu de l'accord qui a mis fin le 27 novembre à deux mois de guerre ouverte entre le Hezbollah pro-iranien, qui en est ressorti affaibli, et Israël, seuls l'armée libanaise et les Casques bleus de l'ONU peuvent être désormais déployés dans le sud du Liban, d'où l'armée israélienne était censée avoir achevé son retrait le 26 janvier.

Mais Israël a annoncé vendredi que l'opération de retrait se poursuivrait au-delà de cette date limite, estimant que l'armée libanaise et le Hezbollah n'ont pas respecté les termes de l'accord.

"Les conditions ne sont pas encore réunies pour le retour en toute sécurité des citoyens dans leurs villages le long de la Ligne bleue", ont affirmé dans un communiqué commun la représentante de l'ONU pour le Liban, Jeanine Hennis-Plasschaert, et le général Aroldo Lazaro, commandant de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul).

"Les communautés déplacées (...) sont donc une fois de plus appelées à la prudence", ont-ils ajouté.

Dans un autre communiqué, la Finul a estimé qu'il était "impératif d'éviter toute détérioration supplémentaire de la situation", alors que le ministère libanais de la Santé a fait état de onze morts et 83 blessés par des tirs de l'armée israélienne sur des habitants qui tentaient de revenir dans leurs villages.

La Finul a appelé l'armée israélienne à "éviter de tirer sur des civils en territoire libanais", ajoutant que "toute violence supplémentaire risqu(ait) de compromettre la situation de sécurité fragile dans la région".

De son côté, l'armée israélienne a indiqué que ses soldats avaient tiré "des tirs de sommation pour éliminer des menaces dans plusieurs zones où des suspects ont été identifiés en train de s'approcher des troupes".

L'armée a également annoncé avoir "appréhendé des suspects" qui s'étaient approchés des soldats israéliens et "constituaient une menace imminente", ajoutant que des interrogatoires étaient en cours.


Liban: cinq blessés dans des tirs israéliens sur des habitants dans le sud

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BEYROUTH: Cinq personnes ont été blessées dans des tirs de l'armée israélienne sur des habitants qui tentaient d'entrer dans le village de Kfarkela, dans le sud du Liban, a rapporté dimanche l'agence officielle libanaise ANI.

"L'ennemi a ouvert le feu sur des habitants de Kfarkela, blessant cinq personnes qui avaient franchi la barrière et le poste de contrôle mis en place par l'armée d'occupation", a ajouté l'agence. L'armée israélienne est toujours déployée dimanche dans le sud du Liban malgré l'expiration du délai de 60 jours à l'issue duquel elle devait avoir quitté le territoire de son voisin, dans le cadre d'une trêve avec le Hezbollah libanais.