BRUXELLES : Face à la pandémie, le risque du chacun pour soi? Au Forum virtuel de Davos, des voix se sont élevées pour réclamer un accès «équitable» aux vaccins.
Alors que la barre des 100 millions de cas de Covid-19 dans le monde est en passe d'être dépassée, les pays les plus riches ont pris une longueur d'avance dans la course à la vaccination.
Bénéficiaires d'investissements massifs de l'Union européenne, les fabricants de vaccins anti-Covid «doivent maintenant tenir leurs promesses et honorer leurs obligations», a averti la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, mardi dans une intervention vidéo - pandémie oblige, le Forum économique mondial a déserté cette année la station de ski suisse cossue de Davos.
Déjà à cran après des difficultés d'acheminement du vaccin Pfizer-BioNTech, le premier déployé dans l'UE, Bruxelles est sous pression après l'annonce de délais de livraison pour le vaccin du britannique AstraZeneca en raison d'une «baisse de rendement» sur un site de fabrication.
«Nationalisme vaccinal»
«Nous allons mettre sur pied un mécanisme de transparence sur les exportations de vaccins», visant à identifier les acheminements hors de l'UE des doses produites en Europe, a rappelé Ursula von der Leyen.
Avant de souligner que Bruxelles contribuait à promouvoir le déploiement de la vaccination à l'échelle du globe.
«En raison de chaînes de production planétaires, la santé de nos citoyens et la reprise économique mondiale vont de pair», a-t-elle assuré.
«L'important est d'avoir une répartition équitable» et d'«opter pour une voie multilatérale», a déclaré pour sa part Angela Merkel.
La chancelière allemande a aussi souligné les enjeux diplomatiques derrière la grande question éthique de l'égalité d'accès, au moment où la Chine notamment multiplie les annonces de dons et de livraisons de ses vaccins aux pays en voie de développement.
«Ne nous faisons pas d'illusions: la question de qui dans le monde va avoir accès à quel type de vaccins va créer de nouveaux liens», a dit Mme Merkel. «Qui reçoit de l'aide en une telle situation d'urgence s'en souviendra naturellement plus nettement.»
Invité lui aussi à s'exprimer dans le cadre du Forum économique mondial, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a déclaré: «Les pays riches du monde accaparent ces vaccins.»
Les pays pauvres sont mis à l'écart par ceux qui ont les moyens d'acquérir «jusqu'à quatre fois ce dont leur population a besoin», a-t-il ajouté.
Ces accusations font écho à des avertissements répétés de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) contre le «nationalisme vaccinal».
«Le nationalisme vaccinal peut servir des objectifs politiques à court terme, mais il est dans l'intérêt économique à moyen et long terme de chaque nation de soutenir l'équité vaccinale», a encore insisté lundi son directeur Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Officiellement le pays le plus touché du continent africain, l'Afrique du Sud, paiera ses premiers vaccins, acquis par le biais de négociations directes entre le gouvernement et le laboratoire AstraZeneca, 2,5 fois plus cher que les pays de l'Union européenne.
«Panique vaccinale»
A cause des nouveaux variants, «actuellement, une panique vaccinale» s'est emparée du monde, a estimé lors d'une autre table ronde l'épidémiologiste Seth Berkley, qui dirige l'Alliance pour les vaccins (Gavi), l'une des organisations qui tentent d'assurer la livraison de doses aux pays défavorisés.
«Nous allons commencer à distribuer les vaccins en février et monter en puissance pour tenter d'atteindre notre objectif de 2 milliards de doses d'ici la fin de l'année», a-t-il confirmé.
Dans une étude commandée par la Chambre de commerce internationale (ICC), des épidémiologistes calculent que même si les économies avancées vaccinent leur propre population, elles auraient néanmoins à subir des coûts allant jusqu'à 4.500 milliards de dollars si les pays les moins avancés n'ont pas accès aux vaccins.
«C'est bien plus que les 38 milliards de dollars qu'il en coûterait pour fabriquer et distribuer les vaccins à l'échelle internationale», selon ce document.