WASHINGTON: Entre le procès en destitution de Donald Trump, les négociations pour faire adopter le programme ambitieux de Joe Biden et le difficile partage du pouvoir avec les républicains du Sénat, Chuck Schumer fait face au plus gros défi de sa carrière en prenant les rênes de la nouvelle majorité démocrate.
A 70 ans, le sénateur de Brooklyn, qui aime à rappeler ses origines modestes en se décrivant comme le «fils d'un dératiseur et d'une femme au foyer», a promis aux républicains de travailler avec eux «quand et là où ce sera possible».
Il a été accueilli dans son nouveau rôle par des mots affables de son grand rival, le puissant chef des républicains au Sénat Mitch McConnell.
«Je veux féliciter mon collègue de New York», a lancé ce dernier dans l'hémicycle jeudi, en soulignant que Chuck Schumer devenait «le premier parlementaire juif du Congrès à mener l'une des deux chambres. Un moment historique».
Mais les amabilités devraient être de courte durée.
Après le départ de Donald Trump de la Maison Blanche, la nouvelle vice-présidente de Joe Biden, Kamala Harris, aura le pouvoir de départager les votes à égalité du Sénat, où siègent depuis mercredi 50 démocrates et 50 républicains.
Et alors que le nouveau président démocrate veut voir le Sénat accélérer le rythme des confirmations des membres de son cabinet et intimé le Congrès à adopter au plus vite son plan titanesque de relance économique de 1 900 milliards de dollars, Chuck Schumer et Mitch McConnell négocient encore les règles qui doivent régir la nouvelle chambre haute.
Il n'est pas question en effet pour le démocrate de régner seul avec une si courte majorité. Les deux chefs doivent notamment décider de commenter les projets de loi et les nominations pourront être approuvées dans les commissions, elles aussi divisées à égalité entre républicains et démocrates.
Quant au procès en destitution de Donald Trump, qui s'ouvrira le 8 février, Chuck Schumer devra parvenir à convaincre 17 républicains tout en maintenant ses troupes unies s'il veut voir l'ex-président condamné. Un objectif quasi impossible alors que plusieurs républicains soulignent déjà la contradiction apparente entre cette procédure infamante, et historique, et les appels au rassemblement de Joe Biden.
Le «rassemblement ne pourra arriver qu'à condition que nous parvenions à la vérité et à faire des comptes», a déclaré Chuck Schumer dans l'hémicycle.
Derrière tous ces défis, le nouveau chef de la majorité devra aussi tenter de maintenir un groupe démocratique uni, depuis le très progressiste Bernie Sanders jusqu'au plus conservateur Joe Manchin, élu de l'Etat républicain de la Virginie-Occidentale.
«Difficile»
«Cela va être une période difficile», a jugé la sénatrice Susan Collins, républicaine modérée.
«Avec un Sénat divisé à égalité, le chef de la majorité va devoir faire l'effort de construire des coalitions entre les deux partis, ou il n'est pas réputé pour cela» a-t-elle estimé vendredi. Elle fait partie des multiples sénateurs, des deux partis, qui ont prédit une époque compliquée pour M. Schumer.
«Il a peu de marge de manœuvre», reconnaît le sénateur républicain Lindsey Graham, fidèle allié de Donald Trump au Congrès qui voit venir d'intenses négociations pour parvenir à des compromis.
Les républicains ne soutiendront probablement pas l'énorme plan de relance, a-t-il jugé, «mais je pense que nous pouvons parvenir à un plan» d'aide plus réduit.
Quant au projet de Joe Biden de régulariser des millions de sans-papiers tout en réformant le système migratoire, il a très peu de chances d'être approuvé, a averti M. Graham, tout en envisageant là aussi un accord plus restreint, limité aux «Dreamers», les quelque 700 000 immigrants arrivés sans-papiers enfants aux Etats-Unis.
Et dès 2022, a-t-il mis en garde, les démocrates exigent de défendre leur très courte majorité au Sénat, mais aussi à la Chambre.
Après les divisions du mandat Trump et le fort soutien dont il a bénéficié au Congrès, Chuck Schumer pourrait-il être recherché de se venger des républicains?
«Non, non», a insisté le sénateur démocrate Robert Menendez. «Il faut profiter de cette opportunité» pour faire avancer le programme démocrate.