En Tunisie, les raisons de la colère et les issues possibles

Les manifestants bloquent des artères de la banlieue de Tunis à la nuit tombée (Photo, AFP).
Les manifestants bloquent des artères de la banlieue de Tunis à la nuit tombée (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 19 janvier 2021

En Tunisie, les raisons de la colère et les issues possibles

  • Les tensions déjà élevées en raison de la profonde crise sociale exacerbée par la pandémie, sont montées d'un cran avec le déploiement de la police pour faire respecter un couvre-feu
  • A la tombée de la nuit ces derniers jours, des jeunes, parfois mineurs selon le ministère de l'Intérieur et des journalistes sur place, défient la police et lui jettent des pierres ou cocktails Molotov

TUNIS: La contestation sociale en Tunisie s'est traduite à l'occasion du 10e anniversaire de la révolution par des émeutes dans de nombreuses villes, impliquant des habitants de zones marginalisées, parfois très jeunes. Pourquoi ces heurts avec la police ?

Qu'est ce qui a déclenché ces heurts ?

Il n'y a pas d'évènement précis à l'origine des incidents. Mais les tensions déjà élevées en raison de la profonde crise sociale exacerbée par la pandémie, sont montées d'un cran avec le déploiement de la police pour faire respecter un couvre-feu à 16h de jeudi à dimanche.

Le couvre-feu, en vigueur à 20h ces derniers mois, a été renforcé ces quatre derniers jours, pour ralentir la propagation de la Covid-19.

« C'est difficile d'enfermer des jeunes dont certains ne rentrent habituellement chez eux que pour dormir, fuyant les tensions ou la promiscuité », souligne le politologue Selim Kharrat.

Le mois de janvier, qui marque l'anniversaire de plusieurs luttes sociales et démocratiques majeures, est régulièrement le théâtre de mobilisations en Tunisie.

Mais tous les rassemblements sont actuellement interdits. Même le 10e anniversaire de la chute du régime policier de Ben Ali, le 14 janvier 2011, a été éclipsé par un bref confinement.

Qui sont les protestataires et que veulent-ils ?

A la tombée de la nuit ces derniers jours, des jeunes, parfois mineurs selon le ministère de l'Intérieur et des journalistes sur place, défient la police et lui jettent des pierres ou cocktails Molotov.

Il n'y a pas de revendications claires, et les autorités comme certains habitants qualifient ces jeunes de délinquants, d'autant que les protestations ont été émaillées de pillages.

« Il y a une volonté d'affronter les symboles des autorités -- dans les quartiers marginalisés, c'est essentiellement la Poste et la police », explique Kharrat.

« Nous sommes sortis (dimanche soir) parce qu'on a faim », lance Skander Brahami, un chômeur habitant Ettadhamen, où les violences ont duré toute la soirée. « Donnez-nous à manger et trouvez-nous du travail ».

Ces heurts font suite à une série de manifestations et blocages depuis l'été contre l'abandon des régions marginalisées par l'Etat.

Des protestataires et riverains fustigent les hommes politiques qui, empêtrés dans leurs luttes de pouvoir, ne réalisent pas la détresse dans laquelle la pandémie a plongé des familles déjà précaires.

« C'est presque un miracle qu'il n'y ait pas plus de contestation » estime l'historien Pierre Vermeren, soulignant que face au recul historique du PIB (-9% en 2021 selon la Banque mondiale) l'Etat tunisien, lourdement endetté, n'a plus les moyens pour amortir la crise.

« Le tourisme qui emploie quasiment un quart de la population a presque disparu, sans revenu de compensation », détaille-t-il. Lors des trois mois de confinement en 2020, certaines familles ont eu une aide ponctuelle de 140 euros.

Parmi les jeunes manifestants, certains sont en situation de décrochage scolaire, alors que les écoles fermées totalement de mars à l'été, n'accueillent chaque élève qu'un jour sur deux depuis septembre, laissant de nombreux jeunes à l'abandon.

Quelles issues possibles ?

Pour le moment, la seule réponse est sécuritaire, au risque que les tensions s'accentuent. Des appels à manifester en journée mardi se sont multipliés.

Le principal syndicat tunisien, l'UGTT, a déploré le « mutisme » des autorités, tout en appelant à cesser les protestations nocturnes.

« Ce qui se passe en ce moment n'est pas une solution », estime Mohamed-Amine, habitant d'Ettadhamen, appelant les autorités à « venir et trouver une solution avec les gens. Venez voir votre peuple ». 

Le président Kais Saied, très largement élu en 2019 grâce à l'appui d'un électorat jeune exigeant un changement, a fini par se rendre dans un quartier populaire lundi, pour appeler les jeunes au calme, indiquant que le « chaos » ne permettrait pas d'avancer.

Le président de l'Assemblée, Rached Ghannouchi, chef de file du mouvement islamiste Ennahdha, a réagi sans prendre position : un simple statut Facebook indiquant « que Dieu garde la Tunisie ».

Le chef de gouvernement Hichem Mechichi est quant à lui pris dans la tourmente politique : son gouvernement, largement remanié samedi, n'a pas encore obtenu l'approbation d'un Parlement fragmenté.

« La classe politique, en plus d'être divisée, est face à une détresse économique jamais vue, et de mesures intenables » exigées pour obtenir des financements, explique Vermeren, rappelant que le FMI pousse à réduire les subventions sur les biens de première nécessité.

Certains responsables politiques ont accusé sans les nommer des « parties » d'orchestrer ces violences pour déstabiliser le pays.

« Il y a des soutiens ad-hoc, mais je ne pense pas qu'il y ait une coordination d'ensemble » estime Kharrat. Pour lui, « ces théories du complot sont plus confortables » que de s'attaquer aux problèmes de fond.


Dans Gaza affamée, des Palestiniens se rabattent sur la viande de tortue

(Photo AFP)
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  • Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.
  • « La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

KHAN YOUNES, TERROIRES PALESTINIENS : Dans une bande de Gaza où les protéines sont rares, certains se résignent à manger des tortues marines.

« Les enfants étaient réticents, on leur a dit que c'était aussi délicieux que du veau », explique Majida Qanan, qui surveille les morceaux de viande rouge mijotant sur un feu de bois.

« Certains en ont mangé, d'autres pas. »

Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.

Depuis 18 mois de guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, le territoire et ses 2,4 millions d'habitants se trouvent dans une situation humanitaire critique.

« La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

Depuis le 2 mars, Israël bloque toute livraison humanitaire, accusant le Hamas de détourner l'aide. Le mouvement palestinien dément ces accusations et accuse en retour Israël d'utiliser « la famine comme arme de guerre ».

Selon le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), la bande de Gaza est aujourd'hui probablement plongée dans « la pire » situation humanitaire depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël.

En juin dernier, les acteurs du secteur humanitaire avaient évoqué des Palestiniens si démunis qu'ils en étaient parfois réduits à se nourrir d'aliments pour animaux ou d'herbe, et à boire l'eau des égouts.

Entretemps, une trêve, entrée en vigueur le 19 janvier, a permis d'augmenter les livraisons humanitaires, jusqu'au nouveau blocage israélien du 18 mars, suivi de la reprise de ses opérations militaires.

Les tortues, elles, sont tuées selon les rites halal, c'est-à-dire conformément aux préceptes de la religion musulmane, affirme Abdul Halim Qanan.

« S'il n'y avait pas de famine, on n'en mangerait pas, mais il faut bien compenser le manque de protéines avec quelque chose ».


Le président syrien reçoit un membre républicain du Congrès américain

Le président Al-Sharaa rencontre Cory Mills, membre du Congrès américain, à Damas. (Courtesy : SANA)
Le président Al-Sharaa rencontre Cory Mills, membre du Congrès américain, à Damas. (Courtesy : SANA)
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  • En janvier, les États-Unis ont annoncé un allègement temporaire des sanctions pour « ne pas entraver » la fourniture de services essentiels à la population syrienne. Ils ont cependant précisé qu'ils n'envisageraient pas d'assouplir davantage les sanctions
  • C'est la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

DAMAS : Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, s'est entretenu à Damas avec un membre du Congrès américain, a indiqué samedi la présidence syrienne, ce qui constitue la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Cory Mills, membre du parti républicain, est arrivé vendredi en Syrie, accompagné de Marlin Stutzman, également membre du parti de Donald Trump.

Le nouveau président a rencontré M. Mills au palais présidentiel à Damas en présence de son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, s'est entretenu à Damas avec un membre du Congrès américain, a indiqué samedi la présidence syrienne, ce qui constitue la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Cory Mills, membre du parti républicain, est arrivé vendredi en Syrie, accompagné de Marlin Stutzman, également membre du parti de Donald Trump.

Le nouveau président a rencontré M. Mills au palais présidentiel à Damas en présence de son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Peu après l'arrivée d'Ahmed Chareh, Washington avait annoncé ne plus proposer de récompense pour son arrestation, après avoir reçu des « messages positifs » lors de la première visite officielle de diplomates américains à Damas après l'éviction de M. Assad.

Le nouveau gouvernement syrien cherche à obtenir une levée des sanctions internationales imposées à l'époque de Bachar al-Assad afin de relancer l'économie du pays, exsangue après 14 années de guerre civile.

Toutefois, certains pays souhaitent attendre de voir si les nouvelles autorités vont respecter les droits humains. 

En janvier, les États-Unis ont annoncé un allègement temporaire des sanctions pour « ne pas entraver » la fourniture de services essentiels à la population syrienne. Ils ont cependant précisé qu'ils n'envisageraient pas d'assouplir davantage les sanctions tant que des progrès sur des priorités telles que la lutte contre le « terrorisme » n'auront pas été constatés.

Les sanctions économiques ont un impact lourd sur le pays, où 90 % des Syriens vivent sous le seuil de pauvreté, selon l'ONU.

Une délégation ministérielle syrienne et le gouverneur de la Banque centrale doivent participer à des réunions avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale à Washington la semaine prochaine, ont récemment indiqué deux sources proches des participants.

La visite des deux élus américains intervient alors que les États-Unis ont annoncé le retrait prochain d'environ un millier de soldats américains déployés en Syrie pour lutter contre les jihadistes.

Washington a également mis en garde le même jour contre le risque d'attaques « imminentes » en Syrie, selon un message diffusé sur le site de l'ambassade américaine, fermée depuis 2012.


Les États-Unis annoncent réduire de moitié leurs effectifs militaires en Syrie

Les États-Unis ont commencé à retirer des centaines de soldats du nord-est de la Syrie, a rapporté le New York Times jeudi. (AFP/File)
Les États-Unis ont commencé à retirer des centaines de soldats du nord-est de la Syrie, a rapporté le New York Times jeudi. (AFP/File)
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  • Cette décision intervient près de trois mois après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui est défavorable depuis longtemps à la présence américaine sur place et prône un retour à une politique isolationniste des États-Unis.
  • La présence américaine en Syrie va être ramenée « à moins d'un millier de soldats dans les mois prochains », sur environ 2 000 actuellement, a déclaré Sean Parnell, le porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.

WASHINGTON : Les États-Unis ont annoncé vendredi qu'ils allaient réduire de moitié leur présence militaire en Syrie, estimant avoir lutté avec « succès » contre le groupe État islamique (EI), même si des groupes djihadistes demeurent actifs dans un pays encore fragile.

Cette décision intervient près de trois mois après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui est défavorable depuis longtemps à la présence américaine sur place et prône un retour à une politique isolationniste des États-Unis.

Les États-Unis sont présents sur le sol syrien depuis des années, notamment dans le cadre de la coalition internationale contre l'EI.

La présence américaine en Syrie va être ramenée « à moins d'un millier de soldats dans les mois prochains », sur environ 2 000 actuellement, a déclaré Sean Parnell, le porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.

« Cette consolidation démontre les progrès considérables réalisés pour réduire l'attrait et les capacités opérationnelles du groupe Etat islamique, tant dans la région que dans le monde », a-t-il dit, évoquant plus globalement « le succès des États-Unis contre l'EI ».

Arrivé au pouvoir à Washington le 20 janvier, Donald Trump est depuis longtemps sceptique sur la présence militaire en Syrie. Et la chute fin décembre de Bachar al-Assad, remplacé à la tête du pays par une coalition menée par des islamistes, n'a pas changé la donne.

La prise de contrôle de pans entiers de la Syrie et de l'Irak par l'EI à partir de 2014 a déclenché l'intervention d'une coalition internationale menée par les États-Unis, dont l'objectif principal était de soutenir les unités de l'armée irakienne et les Kurdes qui combattaient l'EI au sol par les airs.

Mais Washington a alors aussi déployé des milliers de ses soldats pour soutenir ces troupes locales et mener ses propres opérations militaires.
« L'armée américaine va rester prête à mener des frappes contre ce qu'il reste de l'EI en Syrie », a déclaré vendredi le porte-parole du Pentagone, qui dit maintenir « des capacités importantes dans la région ».

Les États-Unis disposent actuellement d'environ 2 500 soldats en Irak, un chiffre appelé à diminuer.

La sécurité en Syrie reste précaire depuis la chute de Bachar al-Assad, après près de 14 ans d'une guerre déclenchée par la répression violente de manifestations antigouvernementales en 2011.

À la tête de forces de sécurité dominées par d'anciens rebelles islamistes, les autorités syriennes de transition ont la lourde tâche de maintenir la sécurité dans un pays multiethnique et multiconfessionnel où de nombreux groupes armés, parmi lesquels des djihadistes, sont encore présents.