ANKARA: Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, est à la recherche de possibles alliés électoraux pour renforcer l’Alliance populaire qu’il a formée avec le Parti d’action nationaliste (MHP).
Les prochaines élections ne sont pas programmées avant juin 2023, mais la popularité croissante de l’opposition lui a fait prendre conscience de sa vulnérabilité si une élection anticipée avait lieu.
L’unification de l’opposition a apporté la victoire dans des municipalités clés, notamment Istanbul et Ankara, lors des élections locales de 2019. Les maires des deux villes sont d’éventuels adversaires présidentiels d’Erdogan.
L’Alliance nationale, qui s’est opposée à l’Alliance du peuple lors des élections précédentes, se compose du principal parti d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), du parti nationaliste, le Bon Parti (IYI), avec le soutien du Parti de la félicité (SP) à tendance islamiste et du Parti démocratique des peuples (HDP) prokurde.
Cependant, le SP a été approché par Erdogan dans sa tentative d’élargir sa propre alliance. Le 7 janvier, il a rencontré Oguzhan Asilturk, un membre éminent du parti et une personnalité politique notoire du mouvement islamiste en Turquie, suscitant des spéculations sur ses motivations.
Selon les propos d’Erdogan recueillis par des journalistes au lendemain de cette réunion avec un haut responsable du SP plutôt qu’avec son chef, ils ont discuté d’une éventuelle alliance électorale future et du soutien du SP à la lutte contre le terrorisme du gouvernement.
Avec 2,5 % des votes lors des dernières élections législatives, le SP partage les mêmes racines islamistes que le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, et il est une étoile montante auprès des électeurs religieux déçus par le régime autoritaire d’Erdogan.
Son chef, Temel Karamollaoglu, est en contact étroit avec les partis séparatistes de l’AKP, en particulier avec le chef du Parti du futur, Ahmet Davutoglu, car tous deux cherchent à capitaliser sur les partisans désenchantés de l’AKP aux prochaines élections en critiquant la rhétorique et l’autocratie d’Erdogan.
Rejoindre le SP aiderait l’AKP à conserver sa majorité au Parlement et saperait également les alliés de l’opposition du plus petit parti. Tous les petits partis ont en effet besoin d’une alliance électorale pour entrer au Parlement en raison du seuil des 10 %.
L’érosion du soutien à l’AKP et la menace pour sa majorité parlementaire ne sont pas un secret.
Selon un sondage réalisé par la société MetroPoll basée à Ankara, le soutien à l’AKP est tombé à son niveau le plus bas depuis 2002, date de son accession au pouvoir, à environ 30 %, suivi par le CHP avec 20 %.
Le partenaire ultranationaliste de l’AKP, le MHP, affiche, lui, un soutien de seulement 6 %, bien en dessous du seuil, ce qui l’oblige à rester dans l’alliance.
«Alors que la montée en puissance de Karamollaoglu en tant que figure de l’opposition se poursuit, il ne sera pas facile pour le SP de rejoindre la coalition au pouvoir avec Erdogan», explique à Arab News Osman Sert, directeur de recherche à l’Institut d’Ankara.
«L’électorat du SP a maintenant d’autres alternatives avec les partis séparatistes nouvellement établis», poursuit-il. «Cependant, Erdogan continuera à rechercher de nouveaux membres pour intégrer la coalition. Sinon, des jours difficiles s’annoncent pour l’AKP.»
Selon Levent Basturk, politologue et candidat pour le SP lors des élections de mars 2019, «l’influence du parti dans la politique intérieure turque progresse depuis 2015». Il confie à Arab News: «Le Parti de la félicité conteste le discours polarisant du président Erdogan. Son alliance avec le principal parti d’opposition CHP lors des dernières élections a aidé les segments laïques de la société turque à se réconcilier avec les conservateurs.»
Erdogan accuse souvent le CHP d’être indifférent aux préoccupations du peuple conservateur en Turquie, mais, avec sa nouvelle politique de communication, le CHP s’est adressé à différents segments de la société, en partie grâce au soutien de ses alliances électorales.
Pour Levent Basturk, un partenariat avec le parti au pouvoir ferait fuir une grande partie des partisans du SP qui sont catégoriquement opposés à l’AKP.
«Si le Parti de la félicité opte pour une alliance électorale avec l’AKP au pouvoir, quelles que soient les objections de ses électeurs inconditionnels, le parti pourrait se dissoudre en faveur de l’AKP. Plusieurs membres du SP voient dans les dernières actions d’Erdogan une tentative d’affaiblir leur parti», explique-t-il.
«Le Parti de la félicité a comptabilisé un nombre étonnamment élevé de votes lors des dernières élections avec une rhétorique basée sur son opposition à l’autoritarisme dans le pays», poursuit M. Basturk. «Le Parti de la félicité ne fermera pas tous les voies de communication avec le gouvernement pour le moment. S’il rejoint les rangs du gouvernement, il obtiendra plus de sièges au Parlement, mais fera partie du système corrompu et abolira ainsi la raison de son existence.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com