PARIS: Enfin exaucé, le chef de file du parti centriste « Modem » François Bayrou passe de l’ombre à la lumière, chargé par le président français Emmanuel Macron de former le nouveau gouvernement.
À 73 ans, Bayrou est enfin à l’œuvre, et entame des consultations avec les forces politiques pour constituer son équipe gouvernementale.
La reconnaissance longuement et patiemment attendue depuis 2017 est enfin là, mais son avènement a semble-t-il été pénible.
A l’unanimité tous les médias français rapportent que Bayrou a dû forcer la main de Macron, allant jusqu’à menacer de lui retirer son soutien pour le convaincre de le nommer premier ministre.
Le président qui était sur le point de confier le poste au ministre de La Défense Sébastien Lecornu, a fini par plier évitant ainsi de se retrouver plus affaibli qu’il ne l’est en perdant l’appui des députés centristes.
Nul ne peut augurer des séquelles que cela laissera au niveau des deux têtes de l’exécutif dans les semaines et les mois à venir.
Une victoire douce-amère pour celui qui a été parmi les premiers à croire en Macron, avant son élection à la présidence, celui qui lui a mis le pied à l’étrier selon certains.
Une victoire forcée, pour celui qui, année après année, espérait en vain voir sa fidélité récompensée à chaque changement d’équipe gouvernementale.
Nul ne peut augurer des séquelles que cela laissera au niveau des deux têtes de l’exécutif dans les semaines et les mois à venir.
Nul ne peut prévoir dès à présent la nature du rapport qui va s’établir entre Macron et Bayrou, alliés historiques certes mais de tempérament opposé, le premier voulant tout contrôler, et le second voulant mener sa tâche selon sa propre vision.
Gravité et humilité
Pour l’instant, Bayrou est chargé de constituer un « gouvernement d’intérêt général » le plus large possible selon le vœu de Macron, avec l’objectif de réussir dans la durée et de tenir jusqu’à la prochaine présidentielle en 2027.
En prenant ses fonctions à Matignon, l’intéressé a reconnu avec gravité et humilité la difficulté de sa mission dans un pays fragmenté politiquement et en proie à une grave crise financière.
« Nul plus que moi ne connaît la difficulté de la situation », a-t-il assuré en évoquant « l’Himalaya qui se dresse devant nous », allusion faite à la dette abyssale accumulée par la France, à l’éparpillement politique qui entrave toute avancée réformatrice et à la désillusion des Français face à leur classe politique.
Bayrou un poids lourd de la vie politique française avec 40 ans d’expérience à son actif, s’estime à la hauteur du défi se comparant à un rugbyman et affirmant qu’en politique « vous êtes dans une mêlée ouverte. Certains n’aiment pas ça, moi j’aime ».
Nommé au poste de garde des sceaux dans le premier gouvernement de Macron, il a dû se désister suite à sa mise en cause dans une affaire judiciaire, se contentant depuis à veiller sur la bonne représentation de son groupe centriste au sein de chaque nouveau gouvernement.
Occupant jusqu’à sa nomination à la tête du gouvernement le poste de maire de Pau, Bayrou a brigué la présidence de la République à trois reprises, d’abord sous les couleurs de « l’UDF » puis du « Modem ».
Issu d’une famille d’agriculteurs modestes, ce professeur de lettre a roulé sa bosse en occupant tour à tour toute sorte de mandat, conseiller général en 1982 puis député et député européen, et président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, sans oublier son portefeuille ministériel à l’éducation nationale.
En 2017, il a renoncé à concourir une quatrième fois pour rallier Macron, à l’époque jeune candidat, dont il a été l’un des premiers à croire en son destin politique, scellant ainsi une alliance indéfectible avec le chef de l’Etat.
Nommé au poste de garde des sceaux dans le premier gouvernement de Macron, il a dû se désister suite à sa mise en cause dans une affaire judiciaire, se contentant depuis à veiller sur la bonne représentation de son groupe centriste au sein de chaque nouveau gouvernement.
La chute spectaculaire de l’ancien premier ministre Michel Barnier, au bout de 91 jours passés à Matignon, survenue après celle du jeune premier ministre Gabriel Attal qui a tenu un peu plus de six mois l’a fait sortir de sa réserve et de s’imposer face au président de la République.
Ce dernier, n’ignore d’ailleurs pas que pour Bayrou la fidélité ne rime pas avec le renoncement et l’oubli de soi, bien au contraire tout au long de son parcours Bayrou a tenu à protéger son indépendance.
Sa relation privilégiée avec le chef de l’Etat ne l’a jamais empêché de marquer sa différence, et de sauvegarder l’indépendance de son mouvement politique, tout comme il l’avait fait en refusant de fusionner avec l'«UMP» de l’ancien président Jacques Chirac, et en résistant à des tentatives similaires de la part de son successeur Nicolas Sarkozy.
Ses proches disent qu’il voudrait s’imposer comme le sauveur du second et dernier mandat présidentiel de Macron, abîmé par une dissolution brutale de l’Assemblée nationale, décision qu’il a par ailleurs fustigé et qualifié d’incompréhensible.
Le voilà donc aux manettes, face à un parlement doté d’une répartition des forces inédites, avec trois blocs parlementaires de taille presque égale et dépourvus de majorité absolue, mais possédant une capacité de nuisance qui constitue une épée de Damoclès pour tout gouvernement.
Sans ignorer la difficulté que cela représente, Bayrou connu pour être un homme de consensus estime pouvoir jouer un rôle fédérateur, en cherchant à former un gouvernement composé « de personnalités de caractère » ouvertes au dialogue, selon ses dires.
Chantre du dépassement du clivage droite-gauche, vanté par Macron lui-même d’ailleurs, il va chercher à stabiliser le pays en s’adossant sur un « pacte de non-censure » qui consiste à éviter le recours à l’article 49-3 de la constitution pour adopter des lois sans l’approbation des députés en échange d’une promesse de non-recours à la motion de censure de la part des blocs politiques.
Un pari qui a le mérite d’être tenté dans un pays rendu ingouvernable et voué au blocage depuis les législatives anticipées du printemps dernier, un pari que Bayrou estime être le mieux placé pour le relever, armé de son expérience, de sa patience et de son aptitude à l’échange et au dialogue.