PARIS : Arnaud Montebourg, qui lance son parti en vue de 2022, pourrait concurrencer le d'ores et déjà candidat Jean-Luc Mélenchon sur les terrains anti-système et étatiste à gauche. Mais La France insoumise compte faire parler sa force militante pour garder l'avantage.
Les cadres de LFI avaient déjà surveillé le retour médiatique en 2020 de l'ancien ministre du Redressement productif. Ils vont désormais devoir composer avec l'annonce, dimanche, du parti «L'engagement» préparant sa candidature à la présidentielle.
«VIe république, critique de l'Europe, intervention de l'Etat: ils sont sur un même espace», analyse Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l'université de Lille-II.
Preuve en est, en 2017, un Arnaud Montebourg défait à la primaire socialiste avait hésité à soutenir l'Insoumis, engagé dans sa deuxième campagne présidentielle, plutôt que le candidat PS Benoît Hamon. Il semble désormais parier sur l'inversement du rapport de force, aidé sans doute en cela par les résultats médiocres de LFI aux élections intermédiaires et la baisse de popularité de son fondateur.
Arnaud Montebourg souhaite s'adresser à tous les Français «au-delà de la gauche», a expliqué dimanche à l'AFP le président de «L'engagement» Valentin Przyluski. Une ambition qui n'est pas sans rappeler celle de Jean-Luc Mélenchon déjà en 2017.
D'ailleurs, plusieurs ex-militants de LFI, majoritairement les souverainistes de gauche déçus par ce qu'ils estiment être des errements stratégiques de l'Insoumis, lorgnent désormais le tenant de la «démondialisation». «Il a été l'un des premiers à prôner la VIe République et à se dresser contre l'Europe», témoigne l'un d'entre eux, Sacha Mokritzky, qui a quitté LFI en 2020.
«Pas faits du même bois»
Peut-être signe d'une bataille à venir, «il y a de gros débats entre certains militants sur ce concept de VIe République: Mélenchon l'aurait prononcée en premier mais Montebourg l'aurait popularisée en public...»
Un doute subsiste, admet Sacha Mokritzky: «Il faut qu'il muscle son discours, il va devoir apprendre à cliver». Arnaud Montebourg semble avoir intégré la nécessité de séduire la gauche radicale en accordant récemment des interviews aux web TV Le Média et Quartier Général.
Le député Alexis Corbière, fidèle de Jean-Luc Mélenchon, reconnaît les convergences thématiques: «Arnaud peut être utile pour nous rejoindre dans le combat que nous menons depuis 2017». Est-il une menace? «Non... pour mener campagne, il faut des militants, des moyens, un programme, des stratégies d'alliance ou non, etc».
Arnaud Montebourg ne peut pour l'heure s'appuyer que sur «une cinquantaine» de personnes pour la mise en place de son parti, selon le chiffre cité par des proches. Plus encore, ceux-ci «ont conscience que le financement va être un problème, il faut au moins 10 millions d'euros», rapporte un de leurs interlocuteurs éclairés.
«L'avantage ira à Mélenchon s'il devait y avoir confrontation: il a déjà un programme, une structure, des militants nombreux répartis dans toute la France et une certaine capacité de rassemblement», résume un cadre d'Europe Ecologie Les Verts.
Sur ce dernier point, Rémi Lefebvre diverge, voyant justement dans la potentielle candidature d'Arnaud Montebourg une capacité à viser plus large: «Il jouera la carte de l'ancien frondeur certes», donc distinct du bilan de François Hollande, «mais sans cliver autant que Mélenchon. Il pourrait rassurer plus, ayant été récemment ministre, en faveur d'une France rurale et de la réindustrialisation».
D'ailleurs, selon lui, les deux hommes «ne sont pas faits du même bois»: l'actuel entrepreneur dans l'agroalimentaire bio «est plus industrialiste, productiviste, très pro-entreprise, il peut séduire les petits entrepreneurs, va tenter de convaincre certains souverainistes de droite, tandis que Mélenchon est beaucoup plus écolo».
Jean-Luc Mélenchon ne formule en tout cas pas d'attaques frontales pour préserver la possibilité d'une alliance future. Interrogé par le HuffPost en novembre 2020, il déclarait: «Je crois à la sincérité de son repentir. Évidemment, je lui tends la main.»