Riyad : À l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale ce jeudi, les experts saluent une avancée majeure en Arabie Saoudite : la stigmatisation autour des troubles psychiques recule, et avec elle, les réticences à consulter.
"C'est un changement radical", se réjouit Malek Almoosa, PDG d'Almoosa Health. "Nous voyons de plus en plus de personnes franchir le pas et demander de l'aide. C'est le signe d'une prise de conscience collective et d'une acceptation grandissante de ces enjeux dans notre société."
"C'est le reflet d'une société qui s'ouvre progressivement aux questions de santé mentale. Le Royaume a fait des pas de géant ces dernières années. Chercher de l'aide n'est plus aussi tabou qu'auparavant, même si certains obstacles culturels persistent encore. Nous sommes sur la bonne voie, mais le chemin est encore long."
Cette évolution positive ne se fait pas sans obstacles. Scott Armstrong, fondateur de la plateforme Mentl aux Émirats Arabes Unis, nuance : "Dans le Golfe, aborder sa santé mentale reste un défi. Il faut beaucoup de courage pour oser se regarder en face et entamer une conversation difficile."
Le rythme effréné de la vie professionnelle dans la région serait un facteur aggravant. "Les opportunités sont nombreuses, mais le risque d'épuisement l'est tout autant", prévient Armstrong, qui a créé Mentl après avoir perdu son père, victime de dépression.
"Je me souviens avoir regardé son corps dans le cercueil ouvert et m'être dit: 'Pourquoi ne pouvons-nous pas parler de cela ?'" a-t-il confié.
Almoosa, dont la société vient d'inaugurer un centre de santé mentale à Al-Hofuf, insiste sur la nécessité de maintenir les efforts de sensibilisation.
"Nous devons persévérer dans notre plaidoyer et notre engagement auprès de la communauté. C'est la clé pour que l'acceptation et le soutien envers les services de santé mentale continuent de se renforcer," souligne-t-il avec conviction.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. L'enquête nationale saoudienne sur la santé mentale, menée en 2016 auprès de plus de 4 000 personnes entre 15 et 65 ans à travers le Royaume, a livré des résultats préoccupants. Selon cette étude, 80% des Saoudiens atteints de troubles mentaux graves ne recouraient à aucun soin ni traitement. Elle a également mis en lumière une prévalence plus élevée de ces troubles chez les jeunes et les personnes plus éduquées.
Plus alarmant encore, 40% des jeunes seraient touchés, un taux supérieur à l'Australie (26%) et à la moyenne européenne (13,7%).
À l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, Armstrong a dévoilé le programme "Briser le silence" (Déchirer le silence) de son entreprise. Il souligne l'importance cruciale de ces études, les considérant comme de puissants leviers pour inciter plus de personnes à solliciter de l'aide.
"Les chiffres sont sans appel: la majorité des gens traversent des difficultés," affirme-t-il, citant une étude de 2022 du McKinsey Health Institute. Celle-ci révèle que 66% des sondés dans le CCG ont connu des problèmes de santé mentale au cours de leur vie.
"Il est crucial que personne ne se sente seul face à ses troubles. Beaucoup pensent être les seuls à souffrir, mais c'est loin d'être le cas. S'ouvrir demande du courage, certes, mais la réaction des autres vous surprendra positivement. Vous n'êtes pas seul dans cette bataille."
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com