L’Iran survivra-t-il à la crise actuelle ?

Un panneau d'affichage représentant Hassan Nasrallah, le chef du mouvement chiite libanais Hezbollah qui a été tué à Beyrouth le 27 septembre par une frappe aérienne israélienne, est accroché au kiosque d'un agent de la circulation le long d'une route de Bagdad, le 7 octobre 2024. (AFP)
Un panneau d'affichage représentant Hassan Nasrallah, le chef du mouvement chiite libanais Hezbollah qui a été tué à Beyrouth le 27 septembre par une frappe aérienne israélienne, est accroché au kiosque d'un agent de la circulation le long d'une route de Bagdad, le 7 octobre 2024. (AFP)
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Publié le Mercredi 09 octobre 2024

L’Iran survivra-t-il à la crise actuelle ?

L’Iran survivra-t-il à la crise actuelle ?
  • L’infiltration du renseignement et l’assassinat des dirigeants du Hezbollah, notamment Nasrallah, ont été un choc pour l’Iran
  • Cela a placé le régime dans une position de vulnérabilité sans précédent, tant sur le plan intérieur qu’extérieur

Il ne fait aucun doute que le régime iranien traverse une crise existentielle sans précédent depuis la révolution de Khomeini en 1979. Cette crise dépasse même la guerre de huit ans contre le régime de Saddam Hussein. Avec les frappes militaires intenses d’Israël ciblant les mandataires de l’Iran au Moyen-Orient, une question pressante se pose: le régime iranien peut-il survivre à cette crise avec des pertes minimales, ou son avenir est-il en danger?

Pour répondre à cette question, nous devons prendre en compte plusieurs facteurs clés. Avant l’attaque sanglante du groupe terroriste Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, l’Iran occupait une position de négociation forte. Les efforts occidentaux, en particulier américains, se concentraient sur l’«apaisement» de l’Iran pour qu’il se conforme de nouveau à l’accord nucléaire. L’Iran a également bénéficié de la guerre russo-ukrainienne, fournissant des drones à la Russie, ce qui lui a permis de mettre en valeur ses capacités militaires, notamment sa technologie avancée en matière de drones.

Cependant, le régime iranien semble avoir mal interprété le conflit entre le groupe terroriste Hamas et Israël. Il a vu l’échec d’Israël à vaincre rapidement le Hamas comme un signe de sa propre force militaire. C’était une erreur de calcul stratégique, ignorant les complexités de la guerre asymétrique. Les Gardiens de la révolution iraniens ont peut-être établi des parallèles erronés avec le retrait américain d’Afghanistan et la guerre d’Israël au Liban en 2006, espérant reproduire des résultats similaires en utilisant les attaques terroristes du Hamas à l’intérieur d’Israël, soutenues par les forces iraniennes au Liban, en Irak et au Yémen.

Un tournant critique pourrait être l’assassinat du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui aurait des conséquences considérables pour l’Iran. Un tel événement aurait plus d’impact sur l’Iran que l’assassinat du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, en raison de facteurs sectaires et de l’importance de Nasrallah pour la stratégie régionale de l’Iran. Les dirigeants iraniens pourraient se sentir personnellement menacés, non seulement en raison de la valeur stratégique de Nasrallah, mais aussi à cause de la méthode d’assassinat.

Israël a adressé un message clair et direct aux dirigeants du régime iranien, indiquant qu’il peut les atteindre de manière similaire, ainsi que des installations nucléaires iraniennes hautement fortifiées. Les bombes qui ont frappé le quartier général de Nasrallah ont pénétré des dizaines de mètres sous terre. Le chef du Hezbollah n’a pas été tué directement par le bombardement israélien d’environ 85 bombes, pesant chacune environ une tonne, mais par la destruction d’environ huit étages souterrains, ainsi que de six étages supplémentaires au-dessus du sol.

L’infiltration du renseignement et l’assassinat des dirigeants du Hezbollah, notamment Nasrallah, ont été un choc pour l’Iran. Cela a placé le régime dans une position de vulnérabilité sans précédent, tant sur le plan intérieur qu’extérieur. Pour la première fois, l’Iran n’a pas pu recourir à sa «patience stratégique» habituelle en raison de l’ampleur de l’événement, qui a gravement porté atteinte à sa fierté nationale. En réponse, l’Iran a lancé une attaque de missiles contre Israël – un geste considéré comme nécessaire pour maintenir l’image du régime face au mépris croissant à l’étranger et dans le pays.

Cette frappe de missiles a temporairement redonné vie au régime. Maintenant, l’Iran tente désespérément d’éviter une riposte israélienne, qui pourrait impliquer des frappes sur ses installations nucléaires ou l’assassinat de personnalités clés comme le Guide suprême Ali Khamenei ou les commandants des Gardiens de la révolution. Une telle riposte forcerait l’Iran à s’engager dans un conflit militaire direct, ce qu’il cherche à éviter à tout prix.

Israël a désormais exposé la stratégie de mandataires du régime iranien, poussant Téhéran soit à s’engager directement dans un conflit militaire, soit à faire face à des conséquences indésirables. Cette situation présente au régime iranien deux scénarios défavorables.

Israël a désormais exposé la stratégie de mandataires du régime iranien, poussant Téhéran soit à s’engager directement dans un conflit militaire, soit à faire face à des conséquences indésirables.

                                                          Dr. Salem AlKetbi

Le premier scénario consiste à affronter directement Israël, en essayant de minimiser les conséquences et d’éviter de lourdes pertes. Le résultat dépendra de la décision du Premier ministre israélien Netanyahou – soit de porter un coup décisif au régime, soit simplement de l’affaiblir et de le désarmer.

Le deuxième scénario consiste à poursuivre les voies diplomatiques avec les États-Unis, dans l’espoir de convaincre Israël de ne pas riposter à l’attaque récente de l’Iran en échange de promesses iraniennes de restreindre ses mandataires, de les désarmer et de réduire sa stratégie de guerre par procuration. Cela pourrait faire partie d’un accord plus large incluant le programme nucléaire iranien. Cependant, cette option est peu probable, car l’administration Biden et Israël, étant donné l’avantage stratégique actuel d’Israël, rejetteraient probablement un tel accord.

Il existe une forte dynamique pour saisir l’opportunité de neutraliser la menace iranienne sans céder aux ambitions nucléaires de l’Iran, qui restent un enjeu central du conflit avec les États-Unis et Israël.

 

Dr. Salem AlKetbi est un politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral.

X: @salemalketbieng

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.