Que pense le successeur de Nasrallah?

Une image prise par la chaîne de télévision al-Manar du Hezbollah montre le nouveau chef du groupe libanais, Naim Qassem, lors d'une allocution télévisée depuis un lieu non divulgué, le 30 octobre 2024. (Photo par Al-Manar / AFP)
Une image prise par la chaîne de télévision al-Manar du Hezbollah montre le nouveau chef du groupe libanais, Naim Qassem, lors d'une allocution télévisée depuis un lieu non divulgué, le 30 octobre 2024. (Photo par Al-Manar / AFP)
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Publié le Mardi 26 novembre 2024

Que pense le successeur de Nasrallah?

Que pense le successeur de Nasrallah?
  • Qassem a souligné que le Hezbollah était prêt à faire face à une guerre prolongée, affirmant que le groupe possédait tous les moyens nécessaires pour remporter la victoire
  • Il cherche à combler le vide laissé par Nasrallah en adoptant une attitude plus agressive et en autorisant des actions audacieuses contre Israël

Après une série d’assassinats israéliens ciblés qui ont éliminé ses principaux dirigeants, dont Hassan Nasrallah, Hachem Safieddine et Fouad Chokr, le Hezbollah a désigné Naïm Qassem comme son nouveau secrétaire général. Dans son discours inaugural, Qassem a exposé son programme de leadership dans une période exceptionnellement difficile, marquée par des menaces existentielles pour le plus puissant mandataire de l’Iran au Moyen-Orient.

Qassem a souligné que le Hezbollah était prêt à faire face à une guerre prolongée, affirmant que le groupe possédait tous les moyens nécessaires pour remporter la victoire et se disant confiant de «triompher de l’ennemi». Il a réaffirmé le «soutien» du Hezbollah à Gaza, justifiant la position du parti en déclarant que «les résolutions internationales n’ont pas expulsé Israël de notre terre, c’est la résistance qui l’a fait». Il a accusé Israël d’agresser quotidiennement le Liban depuis 2006, citant «39 000 violations aériennes et navales de la résolution 1701 de l’ONU». Qassem a présenté le conflit en cours comme une «défense préventive» contre un «grand plan» mené par Israël, les États-Unis et l’Europe pour éradiquer la résistance. Il a affirmé que la seule façon de contrecarrer ce plan était de poursuivre la résistance.

Faisant écho à l’approche de Hassan Nasrallah, Qassem a réaffirmé son allégeance à l’Iran, déclarant que «l’Iran nous soutient dans la libération de notre terre et ne demande rien en retour». Il a toutefois invité tout État arabe ou international désireux de soutenir la résistance contre Israël, afin de dissiper l’impression que le Hezbollah n’est qu’un mandataire de l’Iran. «Nous ne nous battons au nom de personne, mais pour protéger le Liban et libérer notre terre tout en soutenant Gaza. Personne ne se bat en notre nom; notre mission est de sauvegarder le territoire et de défendre notre pays», a-t-il déclaré.

En trouvant un équilibre prudent, Qassem tente de se différencier légèrement de Nasrallah, en présentant une position nuancée sur l’allégeance à l’Iran. Cependant, ce changement est probablement superficiel, car la dissimulation politique, ou taqiyya, permet à Qassem de se distancer subtilement de Nasrallah, qui célébrait ouvertement l’allégeance au Guide suprême iranien et déclarait fièrement que le parti prenait ses directives à Téhéran. En revanche, Qassem a fait référence aux «convictions» qui animent ce qu’il appelle les «fronts de soutien» au Yémen et en Irak.

Dans son discours inaugural, Qassem s’est efforcé de présenter le Hezbollah comme résistant, affirmant qu’il s’était remis de l’assassinat de ses principaux dirigeants et de l’infiltration d’importants services de renseignement israéliens. Il a décrit le Hezbollah comme «une grande institution cohésive dotée de capacités substantielles». Cette rhétorique, pleine d’exagérations et de mensonges, semble destinée à remonter le moral des partisans du Hezbollah tout en évitant de reconnaître la crise existentielle à laquelle le parti est actuellement confronté.

Qassem a également tiré parti d’une récente attaque de drone visant la résidence du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou pour souligner la force de la «résistance», en présentant l’incident comme un progrès symbolique dans la guerre psychologique et de propagande en cours entre Israël et le Hezbollah. «Netanyahou a survécu cette fois-ci; son heure n’est peut-être pas encore venue», a fait remarquer Qassem, répondant indirectement à la menace du ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, de le prendre pour cible dans un avenir proche.

À bien des égards, la rhétorique de Qassem reflétait celle de Nasrallah, notamment par sa tendance à l’exagération et à l’incitation. Il s’est adressé au public israélien en affirmant: «Nous inspirons la peur à un million d’Israéliens qui vivent dans la détresse à cause de nos missiles. Vous serez inévitablement vaincus parce que la terre est à nous et que notre peuple est uni. Quittez notre terre pour réduire vos pertes, sinon vous paierez un prix sans précédent.» Il a également critiqué l’ambassadeur des États-Unis au Liban en déclarant: «Ni vous ni vos alliés n’assisterez jamais à la défaite de la résistance, même dans vos rêves.» Ces déclarations reflètent soit un détachement de la réalité, soit un déni délibéré, car Israël a déjà détruit la première ligne de défense du Hezbollah le long de la frontière, rasé des villages libanais utilisés pour les opérations et le stockage d’armes. Les opérations menées actuellement par Israël contre la deuxième ligne de défense du Hezbollah révèlent son intention de réduire de façon permanente les capacités militaires du groupe.

Qassem a exposé la stratégie du Hezbollah sous sa direction, déclarant: «Nous sommes prêts à endurer des jours, des semaines, voire des mois. Nous sommes prêts pour une guerre prolongée.» Il a ajouté que le Hezbollah «sortira plus fort et victorieux de cette confrontation, comme il l’a fait lors de la guerre de juillet 2006». Cela montre que le Hezbollah compte sur le temps comme stratégie, cherchant à épuiser les ressources de l’armée israélienne et à lui infliger des pertes considérables. «L’ennemi ne peut pas compter sur le temps parce que ses pertes le forceront à arrêter son agression», a déclaré Qassem, faisant référence à ce qu’il a appelé «la phase consistant à infliger de la douleur à l’ennemi». Il perpétue ici l’approche de Nasrallah, en présentant la simple survie comme une victoire, conformément à la doctrine de l’Iran et au récit de ses mandataires.

Pendant ce temps, Israël traite ces menaces avec le plus grand sérieux. Ses forces ciblent systématiquement les dirigeants militaires et politiques du Hezbollah au Liban et en Syrie, perturbent les voies d’approvisionnement et de logistique pour les armes et les missiles de la Syrie au Liban, et démantèlent les réseaux, les tunnels et les quartiers généraux du Hezbollah où qu’ils se trouvent.

En résumé, Naïm Qassem semble plus dur et plus intransigeant que son prédécesseur, Hassan Nasrallah, qui prononçait souvent des discours chargés de propagande et dépourvus de stratégie claire. Qassem cherche à combler le vide laissé par Nasrallah en adoptant une attitude plus agressive et en autorisant des actions audacieuses contre Israël. Ces mesures sont probablement destinées à affirmer ses capacités de dirigeant et à inspirer confiance dans les rangs du Hezbollah. Israël, cependant, le surveille sans aucun doute de près, ce qui en fait une cible de choix à éliminer dès que l’occasion se présente.

 

Dr. Salem AlKetbi est un politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral.

X: @salemalketbieng

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.