Quatre ans après l'explosion du port, le Liban craint la guerre

Personne n'a été tenu pour responsable de la catastrophe du 4 août 2020, l'une des plus grandes explosions non nucléaires de l'histoire, qui a également blessé au moins 6 500 personnes et dévasté des pans entiers de la capitale. (AFP)
Personne n'a été tenu pour responsable de la catastrophe du 4 août 2020, l'une des plus grandes explosions non nucléaires de l'histoire, qui a également blessé au moins 6 500 personnes et dévasté des pans entiers de la capitale. (AFP)
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Publié le Dimanche 04 août 2024

Quatre ans après l'explosion du port, le Liban craint la guerre

  • Les autorités ont déclaré que l'explosion avait été déclenchée par un incendie dans un entrepôt où un stock d'engrais à base de nitrate d'ammonium avait été entreposé de manière désordonnée pendant des années.
  • En décembre 2021, M. Bitar a suspendu son enquête à la suite d'une série de poursuites judiciaires, tandis que le puissant groupe Hezbollah l'a accusé de partialité et a exigé son renvoi.

BEYROUTH : Le Liban célèbre dimanche les quatre ans de l'explosion catastrophique du port de Beyrouth, qui a fait plus de 220 morts. Les craintes d'une guerre totale entre Israël et le Hezbollah pèsent lourdement sur cette sinistre commémoration.

Plusieurs marches devraient converger vers le port dans l'après-midi pour se souvenir des victimes et réclamer justice.

Personne n'a été tenu pour responsable de la catastrophe du 4 août 2020, l'une des plus grandes explosions non nucléaires de l'histoire, qui a également blessé au moins 6 500 personnes et dévasté des pans entiers de la capitale.

Les autorités ont déclaré que l'explosion avait été déclenchée par un incendie dans un entrepôt où un stock d'engrais à base de nitrate d'ammonium avait été entreposé de manière désordonnée pendant des années.

L'enquête est au point mort, enlisée dans des querelles juridiques et politiques.

"L'absence totale de responsabilité pour une telle catastrophe provoquée par l'homme est stupéfiante", a déclaré Jeanine Hennis-Plasschaert, coordinatrice spéciale des Nations unies pour le Liban, dans un communiqué publié samedi.

"On pourrait s'attendre à ce que les autorités concernées travaillent sans relâche pour lever tous les obstacles... mais c'est le contraire qui se produit", a-t-elle ajouté, appelant à "une enquête impartiale, approfondie et transparente pour établir la vérité, la justice et la responsabilité".

En décembre 2020, l'enquêteur principal Fadi Sawan a inculpé l'ancien premier ministre Hassan Diab et trois ex-ministres pour négligence, mais face à la pression politique, il a été dessaisi de l'affaire.

Son successeur, Tarek Bitar, a demandé en vain aux législateurs de lever l'immunité parlementaire des députés qui étaient auparavant ministres.

En décembre 2021, M. Bitar a suspendu son enquête à la suite d'une série de poursuites judiciaires, tandis que le puissant groupe Hezbollah l'a accusé de partialité et a exigé son renvoi.

Mais en janvier de l'année dernière, il a repris l'enquête, inculpant huit nouveaux suspects, dont de hauts responsables des services de sécurité et le procureur général du Liban, qui a accusé M. Bitar d'"usurpation de pouvoir" et a ordonné la libération des personnes détenues dans cette affaire.

Depuis, la procédure est à nouveau dans l'impasse.

Un responsable judiciaire, s'exprimant sous couvert d'anonymat, a déclaré à l'AFP que M. Bitar allait "reprendre sa procédure à partir de la semaine prochaine" et qu'il avait l'intention de terminer "l'enquête et de rendre sa décision d'inculpation... d'ici la fin de l'année".

M. Bitar fixera des dates pour l'interrogatoire des accusés qui n'ont pas encore comparu devant lui, selon le fonctionnaire.

Si le ministère public ou d'autres responsables judiciaires concernés ne coopèrent pas, M. Bitar "émettra des mandats d'arrêt par contumace" à l'encontre des accusés, a ajouté le fonctionnaire.

Des militants ont demandé une mission d'enquête des Nations unies sur l'explosion, mais les autorités libanaises ont rejeté cette demande à plusieurs reprises.

Le Hezbollah, allié du Hamas, et l'armée israélienne échangent des tirs transfrontaliers depuis l'attaque du groupe palestinien, le 7 octobre, qui a déclenché la guerre de Gaza, et l'on craint qu'un conflit total n'engloutisse le Liban.


Pourquoi Israël se concentre sur la frontière avec le Liban?

De la fumée s'échappe du site d'une frappe israélienne qui a ciblé la zone frontalière sud-libanaise de Bani Hayyan, le 19 septembre 2024. (Photo AFP)
De la fumée s'échappe du site d'une frappe israélienne qui a ciblé la zone frontalière sud-libanaise de Bani Hayyan, le 19 septembre 2024. (Photo AFP)
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  • L'Iran et le Hezbollah pro-iranien ont accusé Israël d'être à l'origine de ces explosions meurtrières d'appareils de radiomessagerie, mais aucun responsable israélien n'a jusqu'ici confirmé ou infirmé ces accusations.
  • Ces échanges d'hostilités ont fait des centaines de morts au Liban, pour la plupart des combattants, et des dizaines en Israël. Ils ont aussi contraint des dizaines de milliers de personnes des deux côtés de la frontière à fuir leur domicile.

JERUSALEM : Une vague d'explosions meurtrières visant des membres du Hezbollah s'est produite cette semaine au Liban, quelques jours seulement après l'annonce par Israël de son intention d'étendre à sa frontière nord avec le Liban la guerre menée actuellement contre le Hamas dans la bande de Gaza.

L'Iran et le Hezbollah pro-iranien ont accusé Israël d'être à l'origine de ces explosions meurtrières d'appareils de radiomessagerie, mais aucun responsable israélien n'a jusqu'ici confirmé ou infirmé ces accusations.

Ces événements ont augmenté la probabilité d'une guerre à grande échelle avec le Hezbollah.

Pourquoi maintenant?

Depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza le 7 octobre, Israël et le Hezbollah se livrent à des échanges de tirs quasi quotidiens, le mouvement islamiste libanais affirmant soutenir ainsi le Hamas, son allié palestinien.

Ces échanges d'hostilités ont fait des centaines de morts au Liban, pour la plupart des combattants, et des dizaines en Israël. Ils ont aussi contraint des dizaines de milliers de personnes des deux côtés de la frontière à fuir leur domicile.

Plusieurs membres du gouvernement israélien, à commencer par le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, ont souligné cette semaine l'importance pour les familles dans le nord d'Israël de pouvoir retourner chez elles.

"Nous utiliserons tous les moyens nécessaires pour rétablir la sécurité à notre frontière nord, de manière à ce que nos citoyens puissent rentrer chez eux en toute sécurité", a déclaré M. Netanyahu lors d'une visite dans le nord du pays.

Mais ce retour nécessite la paix dans le nord, ce qui est très peu probable à court terme, a déclaré Calev Ben-Dor, un ancien analyste au ministère israélien des Affaires étrangères.

"La logique initiale, partagée par Israël et l'administration (du président américain Joe) Biden, était qu'un cessez-le-feu à Gaza conduirait à la tranquillité dans le nord", a-t-il déclaré à l'AFP.

Toutefois, avec le temps, "les chances d'un cessez-le-feu à Gaza s'amenuisent", au moment même où "la plupart des objectifs militaires d'Israël à Gaza ont été atteints", ce qui laisserait à Israël une marge de manœuvre pour réaffecter ses unités.

Kobi Michael, analyste à l'Institut Misgav pour la sécurité nationale et la stratégie sioniste, estime lui aussi que l'armée israélienne peut aujourd'hui se permettre de redéployer ses effectifs.

"L'armée peut gérer la situation avec moins d'effectifs, et l'attention et la concentration peuvent ainsi se déplacer vers le nord", a-t-il déclaré à l'AFP.

Pour M. Michael, "l'idée que Israël ne puisse pas jouir de sa souveraineté sur les parties nord du pays est quelque chose qui ne peut pas être toléré".

Quels sont les objectifs?

La stratégie actuelle d'Israël reste une inconnue pour la plupart des analystes.

Les Etats-Unis, le plus proche allié d'Israël, et l'émissaire spécial du président américain, Amos Hochstein, en visite cette semaine en Israël, préfèrent une solution diplomatique qui permettrait le retour des Israéliens dans le nord du pays et éloignerait le Hezbollah et son important arsenal de roquettes.

"Ni la France ni les Etats-Unis ni même le gouvernement libanais ne semblent avoir d'influence sur le retrait du Hezbollah de la frontière et sur le respect de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies" appelant notamment à une cessation totale des hostilités, a déclaré M. Ben-Dor.

Pour M. Michael, les objectifs militaires israéliens seraient de chasser les combattants du Hezbollah de la zone située entre le fleuve Litani et la frontière israélo-libanaise à une trentaine de km, et d'empêcher leur retour.

Il a comparé la situation à l'occupation israélienne du sud du Liban pendant 18 ans, jusqu'en 2000, et dit s'attendre cette fois à une forme différente de "contrôle militaire sur le sud du Liban".

En l'absence d'accord, l'analyste a dit s'attendre à une invasion terrestre.

Quel soutien à la guerre?

"Les Israéliens pensent évidemment que le Hezbollah doit se retirer de la frontière, mais ils se disent aussi que la voie diplomatique ne fonctionnera peut-être pas", avance M. Ben-Dor.

"La principale difficulté du gouvernement (israélien) est qu'il n'a pas la confiance de l'opinion publique", ajoute-t-il.

Et pour M. Kobi, "l'électorat israélien soutient pleinement une guerre totale contre le Hezbollah".


Proche-Orient: les chefs de la diplomatie française et américaine appellent à la désescalade

Le ministre français sortant des Affaires étrangères et européennes, Stéphane Sejourne (à droite), serre la main du secrétaire d'État américain Antony Blinken au Quai d'Orsay (ministère français des Affaires étrangères), à Paris, le 19 septembre 2024. (Photo AFP)
Le ministre français sortant des Affaires étrangères et européennes, Stéphane Sejourne (à droite), serre la main du secrétaire d'État américain Antony Blinken au Quai d'Orsay (ministère français des Affaires étrangères), à Paris, le 19 septembre 2024. (Photo AFP)
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  • "Nous sommes coordonnés pour passer les messages de désescalade", a déclaré Stéphane Séjourné.
  • "Nous ne voulons voir aucune escalade de la part d'aucune partie qui rende la situation encore plus difficile", a souligné de son côté son homologue américain Antony Blinken.

PARIS : Les chefs de la diplomatie française et américaine ont appelé jeudi à Paris l'ensemble des parties "à la désescalade au Proche-Orient", se disant "très préoccupés" alors que les attaques visant le Hezbollah au Liban et attribuées à Israël exacerbent les craintes d'une guerre totale dans la région.

"Nous sommes coordonnés pour passer les messages de désescalade", a déclaré Stéphane Séjourné. "Nous ne voulons voir aucune escalade de la part d'aucune partie qui rende la situation encore plus difficile", a souligné de son côté son homologue américain Antony Blinken.

Ils ont insisté sur la nécessité de trouver une solution diplomatique à la guerre larvée à la frontière israélo-libanaise.

"Il y a un vrai problème qui doit être résolu en ce qui concerne le nord d'Israël et le sud du Liban", a ainsi réagi le secrétaire d'Etat américain tandis que son homologue français a estimé que "le Liban ne se remettrait pas d'une guerre totale".

Les explosions imputées par le Hezbollah à Israël, qui n'a pas démenti, se sont produites mardi et mercredi au moment où le chef de la diplomatie américaine se trouvait justement au Caire, pour discuter avec les autorités égyptiennes des négociations en vue d'une trêve dans la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza.

Antony Blinken et Stéphane Séjourné ont par ailleurs évoqué la situation en Ukraine, assurant du soutien indéfectible des Etats-Unis et de la France au pays en guerre contre la Russie.

"Je suis mobilisé depuis maintenant des mois avec notre appareil diplomatique pour regarder comment éviter les contournements des sanctions, continuer à soutenir les Ukrainiens, et nous continuerons à soutenir l'Ukraine (...) jusqu'à ce que le conflit cesse, et jusqu'à ce que la Russie cesse son agression en Ukraine", a réagi le ministre français, qui vient d'être nommé commissaire européen.

Antony Blinken devait se rendre à l'Elysée pour y voir le président Emmanuel Macron.

Il reviendra ensuite au Quai d'Orsay pour un dîner avec Stéphane Séjourné ainsi que leurs homologues italien Antonio Tajani et britannique David Lammy. L'Allemande Annalena Baerbock sera, elle, représentée.


Blinken à Paris alors que les attaques au Liban font craindre l'embrasement

Le ministre français des Affaires étrangères et européennes sortant, Stéphane Sejourne (à droite), accueille le secrétaire d'État américain Antony Blinken au Quai d'Orsay (ministère français des Affaires étrangères), à Paris, le 19 septembre 2024. (Photo Alain JOCARD AFP)
Le ministre français des Affaires étrangères et européennes sortant, Stéphane Sejourne (à droite), accueille le secrétaire d'État américain Antony Blinken au Quai d'Orsay (ministère français des Affaires étrangères), à Paris, le 19 septembre 2024. (Photo Alain JOCARD AFP)
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  • Washington a appelé toutes les parties à ne pas envenimer la situation déjà très tendue.
  • "La réunion se concentrera sur la crise au Moyen-Orient, avec une attention particulière sur l'état des négociations en cours sur le cessez-le-feu à Gaza et la situation au Liban.

PARIS : Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken est arrivé jeudi à Paris pour participer à une réunion sur le Proche-Orient sous l'égide de la France, alors que les attaques visant le Hezbollah au Liban et attribuées à Israël exacerbent les craintes d'une guerre totale dans la région.

Washington, qui n'a pas explicitement condamné ces attaques par appareils électroniques interposés qui ont fait des dizaines de morts et des milliers de blessés, a appelé toutes les parties à ne pas envenimer la situation déjà très tendue, tout comme la France.

Mais les Etats-Unis se trouvent visiblement dans l'embarras alors qu'ils s'efforcent de relancer les négociations en vue d'une trêve dans la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza.

Les explosions imputées par le Hezbollah à Israël, qui n'a pas démenti, se sont produites mardi et mercredi au moment où le chef de la diplomatie américaine se trouvait justement au Caire, pour discuter avec les autorités égyptiennes de ces négociations.

Antony Blinken, qui ne restera que quelques heures à Paris, doit faire le point de la situation auprès de ses homologues français Stéphane Séjourné, italien Antonio Tajani et britannique David Lammy, l'Allemande Annalena Baerbock se faisant représenter, a-t-on confirmé de sources diplomatiques.

Il doit aussi se rendre à l'Elysée pour y voir le président Emmanuel Macron.

"La réunion se concentrera sur la crise au Moyen-Orient, avec une attention particulière sur l'état des négociations en cours sur le cessez-le-feu à Gaza et la situation au Liban. La question du renforcement du soutien à l'Ukraine sera également abordée", avait indiqué mercredi soir le chef de la diplomatie italienne dans un communiqué confirmant sa participation.

Antony Blinken s'était rendu à Kiev la semaine dernière où il a rencontré le président Volodymyr Zelensky.

Quant à Gaza, les négociations sous l'égide des Etats-Unis, de l'Egypte et du Qatar autour d'un cessez-le-feu accompagné de la libération des otages encore retenus par le Hamas sont actuellement dans l'impasse, Israël et le mouvement islamiste palestinien se renvoyant la responsabilité de l'échec des tractations.

"Ce qui manque (…) c'est la volonté politique" de conclure, a déploré mercredi le chef de la diplomatie américaine au Caire. Selon lui, un accord de cessez-le-feu dans la bande de Gaza permettrait aussi de réduire les tensions dans le nord d'Israël où se déplace le "centre de gravité" d'une guerre qui entrera le 7 octobre prochain dans sa deuxième année. Ce jour-là, le Hamas avait mené une attaque sans précédent contre Israël.