Législatives: dernier jour de campagne avant le grand saut dans l'inconnu

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Publié le Vendredi 05 juillet 2024

Législatives: dernier jour de campagne avant le grand saut dans l'inconnu

  • La campagne des législatives s'achève officiellement vendredi et chacun délivre ses derniers messages de mobilisation pour tenter de forcer le destin d'un scrutin historique, pour lequel le Rassemblement national espère encore la majorité absolue.
  • Cette campagne éclair, la plus courte de l'histoire de la Ve République pour des législatives, est en effet émaillée de violences.

PARIS : Quelques heures avant le saut dans l'inconnu: la campagne des législatives s'achève officiellement vendredi et chacun délivre ses derniers messages de mobilisation pour tenter de forcer le destin d'un scrutin historique, pour lequel le Rassemblement national espère encore la majorité absolue.

L'extrême droite va-t-elle décrocher les clés de Matignon pour la première fois en France ? La stratégie de désistement de ses opposants va-t-elle lui barrer la route ? Le camp présidentiel va-t-il sauver les meubles ?

"Je pense que nous avons des chances sérieuses d'avoir une majorité absolue à l'Assemblée", a assuré Marine Le Pen vendredi sur CNews-Europe1, estimant que les projections en sièges qui, sondages après sondages, ne donnent qu'une majorité relative au RN , "ne sont pas une science exacte".

"J'ai l'impression que tout ça a pour vocation de démotiver nos électeurs (...) il faut donner le dernier coup d’énergie", a-t-elle lancé, prédisant sinon pour le pays "pas le chaos mais le bourbier, l'arrêt total".

Mais vendredi encore deux sondages donnent au parti d'extrême droite et à ses alliés une majorité relative: 200 à 230 sièges pour Elabe, 205 à 230 pour OpinionWay, une progression qui serait spectaculaire par rapport aux 88 députés RN sortants, mais insuffisante pour atteindre seul la majorité absolue (289 députés).

Les mêmes instituts voient le Nouveau Front populaire deuxième (165-190 chez Elabe, 145-175 chez OpinionWay), devant le camp présidentiel (120-140 pour Elabe, 130-162 pour OpinionWay), qui profiterait notamment des nombreux désistements de candidats hostiles au RN.

- "Eviter la catastrophe" -

A gauche aussi, certains espèrent déjouer les pronostics. "Nous pouvons gagner", a ainsi affirmé jeudi soir le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon, pour qui ce sont les "16 millions d'abstentionnistes" du premier tour "qui font la décision".

Mais d'autres envisagent déjà une coalition avec les centristes voire la droite, comme Marine Tondelier pour qui "le sujet ce n'est pas avec qui mais pour quoi faire". Si cette alliance baroque devait voir le jour, la cheffe des Ecologistes a assuré sur franceinfo que "c'est évidemment sur la base du programme" de la gauche "qui est arrivé en tête des forces républicaines au premier tour, que les discussions partiront".

"Il faudra que les responsables se conduisent en adultes (et) que chacun, voyant la situation de difficultés du pays, accepte de faire un pas vers l'autre", a nuancé le patron du MoDem François Bayrou, qui a évoqué sur France 2 la piste d'un "gouvernement d'entente républicaine".

Des "magouilles" dénoncées sur la même chaîne par le député sortant du RN Jean-Philippe Tanguy, qui a fustigé "un système" où "gauche, droite et macronistes" sont "tous unis pour sauver leurs sièges".

Les jeux sont toutefois loin d'être faits. Car, comme l'a souligné l'ancien président socialiste François Hollande, "ça ne veut pas dire que, parce que des états-majors ou des candidats se sont eux-mêmes désistés, les électrices et les électeurs vont suivre les consignes".

L'ex-tête de liste sociale-démocrate aux européennes, Raphaël Glucksmann, l'a reconnu sur RTL: "C'est un acte difficile pour une électrice ou un électeur de centre droit par exemple, d'aller voter pour quelqu'un de gauche ou à l'inverse, pour un électeur de gauche, d'aller voter pour Gérald Darmanin", même s'il y a selon lui "urgence" pour "éviter la catastrophe".

- "Tout se tend" -

Les réticences sont a priori plus forte chez les électeurs centristes: en cas de duel gauche-RN, entre un tiers (Elabe) et la moitié (OpinionWay) de ceux qui voté pour le camp macroniste au premier tour envisagent de glisser dans l'urne un bulletin NFP.

En revanche les électeurs de gauche répugnent moins à faire barrage à l'extrême droite et seraient plus d'un sur deux (OpinionWay) voire deux sur trois (Elabe) à voter pour un candidat Ensemble pour la République dimanche face au RN.

De quoi ajouter à l'incertitude d'un scrutin décisif, dans lequel la majorité sortante compte également jouer sa chance, emmenée par Gabriel Attal. En déplacement auprès de ses candidats vendredi matin dans deux circonscriptions parisiennes, le Premier ministre n'a d'ailleurs pas exclu que son gouvernement reste en place "aussi longtemps que nécessaire" pour assurer la continuité de l'Etat.

"Je ne veux pas donner l'impression que j'enjambe le deuxième tour des élections. J'ai trop de respect pour le vote des Français", a-t-il déclaré, aux côtés de sa ministre de la Culture Rachida Dati, qui a appelé à "la responsabilité et l'apaisement" dans une fin de campagne où "tout se polarise et tout se tend".

Cette campagne éclair, la plus courte de l'histoire de la Ve République pour des législatives, est en effet émaillée de violences. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a indiqué vendredi que "51 candidats, suppléants ou militants" ont été "agressés physiquement" durant la campagne, donnant lieu à "plus d'une trentaine d'interpellations".


Législatives: construire une majorité relative va prendre "plusieurs semaines", assure Maillard (Renaissance)

Le nouveau député (MP) français du parti Renaissance Sylvain Maillard arrive pour une journée d’accueil à l’Assemblée nationale à Paris le 8 juillet 20 (AFP),
Le nouveau député (MP) français du parti Renaissance Sylvain Maillard arrive pour une journée d’accueil à l’Assemblée nationale à Paris le 8 juillet 20 (AFP),
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  • "Les Français ont choisi une Assemblée avec trois blocs de taille relativement comparable", a souligné le député, au lendemain du second tour des élections législatives.
  • "On n'a pas cette culture de la coalition en France. On a commencé les différents contacts. Il faut arrêter cette fadaise de croire que la gauche va construire une majorité", a-t-il poursuivi.

PARIS : "Trouver une coalition de majorité relative", qui n'inclura selon lui ni le RN ni LFI, "va prendre plusieurs semaines", a estimé lundi le député de Paris Sylvain Maillard (Renaissance) en arrivant à l'Assemblée nationale.

"Les Français ont choisi une Assemblée avec trois blocs de taille relativement comparable", a souligné le député, au lendemain du second tour des élections législatives, remportées par l'union de la gauche, devant le camp présidentiel et l'extrême droite et ses alliés.

"On doit construire une majorité, ça va être le travail des prochaines semaines pour trouver une coalition de majorité relative" sur "des items importants comme le pouvoir d'achat, la sécurité, avec tout l'arc républicain, pas LFI, pas le RN, tous les autres députés ont vocation à construire cette majorité relative. Ça va prendre plusieurs semaines", a poursuivi auprès de la presse l'ancien président du groupe Renaissance.

"On n'a pas cette culture de la coalition en France. On a commencé les différents contacts. Il faut arrêter cette fadaise de croire que la gauche va construire une majorité", a-t-il poursuivi.

"Ça ne durera pas deux jours, on a besoin de prendre du temps, il faut construire quelque chose de solide qui tienne les trois prochaines années", a-t-il encore dit.


Législatives: Le ministre français des Finances met en garde contre un risque de "crise financière" et de "déclin économique"

Le ministre français de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire (AFP).
Le ministre français de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire (AFP).
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  • "L'application du programme de rupture du Nouveau Front populaire", arrivé en tête des législatives, "détruirait les résultats de la politique que nous avons conduite depuis sept ans", estime sur X le ministre.
  • A l’issue du second tour des élections législatives dimanche, aucun camp ne semble en mesure de gouverner seul.

PARIS : Le ministre français de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a mis en garde lundi contre le risque de "crise financière" et de "déclin économique de la France" que constituait selon lui "la nouvelle donne politique" issue des élections législatives dimanche, où aucun camp politique n'a réussi à dégager de majorité absolue.

"L'application du programme de rupture du Nouveau Front populaire", arrivé en tête des législatives, "détruirait les résultats de la politique que nous avons conduite depuis sept ans", estime sur X le ministre, en poste à Bercy depuis 2017 et l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron.

"Ce projet est exorbitant, inefficace et daté. Sa légitimité est faible et de circonstances. Il ne doit pas s’appliquer", juge le ministre de l'Economie.

A l’issue du second tour des élections législatives dimanche, aucun camp ne semble en mesure de gouverner seul: ni le Nouveau Front populaire (gauche, 190 sièges), ni le camp présidentiel (autour de 160 sièges), ni le RN et ses alliés (extrême droite plus de 140 sièges) n'ont obtenu la majorité absolue de 289 députés à l'Assemblée nationale.

Afin d'éviter le risque de "blocage" et de "crise de régime", Bruno Le Maire estime nécessaire d'"associer toutes les forces de la nation" pour "répondre sans délai" à la "colère et aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens, notamment les 10 millions qui ont voté pour le Rassemblement national".

"Toutes les forces politiques qui croient dans l’économie de marché, dans le redressement des finances publiques, dans la transition énergétique, dans la construction européenne et dans le rétablissement sans faille de l’autorité de l’Etat doivent donc se dégager de leurs intérêts partisans", a appelé Bruno Le Maire.

"La place de la France au XXIème siècle se joue maintenant", ajoute-t-il.


Législatives: les quatre raisons qui ont tenu le Rassemblement national en échec

Le Premier ministre français Gabriel Attal prononce un discours à la suite des premiers résultats du deuxième tour des élections législatives françaises à Matignon à Paris le 7 juillet 2024. (AFP)
Le Premier ministre français Gabriel Attal prononce un discours à la suite des premiers résultats du deuxième tour des élections législatives françaises à Matignon à Paris le 7 juillet 2024. (AFP)
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  • sondage après sondage, c'est vers le camp du tout-sauf-RN que la dynamique a basculé, coupant net l'élan de l'extrême droite, jusqu'au résultat de dimanche soir.
  • Le député sortant Sébastien Chenu - réélu au premier tour - avait mis le feu au poudre en expliquant que les Français disposant d'une autres nationalité seraient exclus d'une liste d'emplois jugés sensibles.

PARIS : Front républicain, impréparation des candidats et dérapages en série: malgré un gain d'une cinquantaine de députés, le Rassemblement national apparaît comme le grand perdant des législatives, plombé par une campagne d'entre-deux-tours qui a viré au cauchemar.

- Seuls contre tous -

Auréolés de leur triomphe aux européennes puis au premier tour des législatives, les lepénistes entendaient s'appuyer sur leur dynamique d'une part, sur la désorganisation et les divergences stratégiques de leurs adversaires d'autre part, pour s'imposer au second.

Le RN pariait sur un scénario comparable à celui des précédentes législatives de 2022, lorsque la majorité macroniste s'était embourbée dans des (non-)consignes de vote illisibles entre les deux tours - 89 candidats RN avaient finalement été élus.

C'était sans compter sur la très forte participation, qui a permis la mise en place au second tour de centaines de triangulaires.

Paradoxalement, c'est cette configuration réputée favorable au RN - arrivé en tête dans une immense majorité de circonscriptions - qui a accéléré la constitution de "fronts républicains", dans une mouvement sans bavure  - ou presque - de la part de l'ensemble des forces politiques opposées à Jordan Bardella.

Face à l'hypothèse d'une majorité absolue des lepénistes à l'Assemblée, des dizaines de candidats de gauche (130) et macronistes (80) se sont désistés et ont permis d'ostraciser le parti à la flamme.

Et, sondage après sondage, c'est vers le camp du tout-sauf-RN que la dynamique a basculé, coupant net l'élan de l'extrême droite, jusqu'au résultat de dimanche soir.

-  Plafond de verre -

Le RN avait compté lors du premier tour ses bastions: une quarantaine de ses candidats avaient été élus dès le premier tour, dont Marine Le Pen, une première dans l'histoire du parti qui voulait y voir un présage heureux.

Las: les lepénistes ont à nouveau été confrontés à un plafond de verre, d'autant plus solide que sur 158 triangulaires, 149 ont été converties en duel. Et le parti d'extrême droite n'est parvenu à convaincre plus d'une moitié d'électeurs que dans 39 d'entre elles.

La contre-performance est d'autant plus amère pour le RN que la participation au second tour a été historiquement forte: le signe d'une mobilisation contre l'extrême droite, quand Jordan Bardella pariait au contraire sur le fait que les "fronts populaires" jugés "contre nature" nourriraient l'abstention.

- Brebis galeuses -

Dès le dépôt des candidatures, des dizaines de candidats RN ont été épinglés pour des propos litigieux publiés sur les réseaux sociaux, souvent à caractère raciste. Devant l'ampleur du phénomène, Jordan Bardella avait été obligé de reconnaître des "brebis galeuses" parmi ses prétendants députés, pas plus de cinq selon lui.

Anecdotique ou pas, l'affaire a remis en lumière les obsessions du parti d'extrême droite et de ses militants, à rebours de la stratégie de dédiabolisation chère à Marine Le Pen.

De même, les débats locaux d'entre-deux-tours ont jeté une lumière crue sur l'amateurisme de nombre de candidats et renvoyé les lepénistes à leur historique procès en incompétence.

- Binationaux -

Les troupes de Jordan Bardella ont trébuché sur la question de la binationalité, qu'elles ont pourtant elles-mêmes mis au cœur du débat public.

Le député sortant Sébastien Chenu - réélu au premier tour - avait mis le feu au poudre en expliquant que les Français disposant d'une autres nationalité seraient exclus d'une liste d'emplois jugés sensibles.

Interrogé dans la foulée, Jordan Bardella n'avait pas voulu déjuger M. Chenu, par ailleurs vice-président de l'Assemblée lors de la précédente législature.

Mais en voulant minimiser la portée de la mesure - "à peine quinze personnes" - ou en donnant des exemples - "un directeur de centrale nucléaire franco-russe" -, il a tout de même contribué à ce que le sujet s'impose au centre de la campagne. Pire: son ambiguïté a laissé penser que le RN opérait une distinction entre Français.

Jusqu'aux propos d'un haut cadre du parti, Roger Chudeau, sur la nomination de l'ancienne ministre socialiste de l'Education, Najat Vallaud-Belkacem, une "Franco-marocaine" dont la nomination fut une "erreur", estimait-il, en évoquant plus largement un risque de "double loyauté" des binationaux.