PARIS : Le barrage contre l'extrême droite prend forme en France mardi avant le deuxième tour des législatives, quelque 200 candidats de gauche ou de centre droit s'étant déjà désistés au profit de leurs rivaux pour empêcher le Rassemblement national (RN) d'obtenir la majorité absolue dimanche.
Le dépôt des candidatures, qui sera clos à 16H00 GMT, permettra d'avoir une vision plus nette de la physionomie du second tour de ces élections historiques, provoquées par la dissolution choc de l'Assemblée nationale le 9 juin par le président Emmanuel Macron.
La plupart des projections en sièges réalisées ces derniers jours indiquent que le RN aura beaucoup de mal à atteindre la majorité absolue de 289 députés, et les analystes privilégient le scénario d'une Assemblée divisée en trois blocs (extrême droite, gauche, centre-droit), qui pourrait rendre le pays ingouvernable alors que la France s'apprête à accueillir les Jeux olympiques.
A ce stade, selon un décompte réalisé par l'AFP, 118 membres du Nouveau Front populaire (NFP, gauche) ont choisi de se désister, ainsi que 78 du camp présidentiel. Auxquels s'ajoutent trois députés rattachés au parti de droite Les Républicains (LR) et une élue sans étiquette, sur un total de plus de 300 triangulaires.
Souvent sans enthousiasme, les retraits de candidats macronistes ou de gauche concernent, dans l'écrasante majorité, des circonscriptions où au moins trois candidats étaient qualifiés au second tour et où le parti d'extrême droite est en mesure de l'emporter.
L'objectif est d'empêcher le RN et ses alliés d'obtenir la majorité absolue, ce qui constituerait un événement historique, l'extrême droite n'ayant jamais été au pouvoir en France depuis l'après-Seconde guerre mondiale.
Le jeune président du RN, Jordan Bardella, promis au poste de Premier ministre en cas de majorité absolue RN, a dénoncé des "alliances du déshonneur" et appelé les électeurs à lui accorder une majorité absolue "face à la menace existentielle pour la nation française" que représente selon lui la gauche.
- Un président affaibli -
M. Macron, qui a ouvert la porte à cette vague d'extrême droite en convoquant ces élections anticipées, a affirmé lundi à ses ministres que "pas une voix" ne devait aller au RN.
Une manière de répondre à ceux qui, dans sa majorité et à l'instar du ministre de l'Economie Bruno Le Maire, renvoient dos-à-dos le RN et La France insoumise (LFI), le parti de gauche radicale dont certains membres ont été accusés d'avoir flirté pendant la campagne des européennes avec l'antisémitisme.
Mais la voix du président français ne semble plus porter dans son propre camp, qui a enregistré un échec cinglant dimanche au premier tour en étant relégué en troisième position loin derrière le RN et la gauche.
Le chef de l'Etat, attendu pour le sommet de l'Otan à Washington la semaine prochaine juste après le scrutin, est également affaibli sur la scène internationale, qui scrute avec attention ou inquiétude le résultat de dimanche.
La journée de mardi a vu une passe d'armes entre la figure de proue de l'extrême droite, Marine Le Pen, et la présidence française.
Ancienne double finaliste de la présidentielle face à M. Macron, Mme Le Pen a mis en garde contre un éventuel "coup d'Etat administratif" du camp présidentiel, accusé de vouloir procéder à une vague de nominations avant une éventuelle cohabitation, notamment à la tête de la police et de la gendarmerie.
En réponse, l'Elysée l'a appelée à faire preuve de "sang froid" et de "mesure".
- Coalition ? -
Si le RN ne pouvait gouverner, les macronistes, une partie de la gauche et certains LR (droite républicaine) pourraient essayer de former une "grande coalition", courante dans d'autres pays européens mais étrangère aux traditions politiques françaises.
Le Premier ministre Gabriel Attal a ainsi souhaité que sorte des urnes une "Assemblée plurielle", le LR Xavier Bertrand évoquant de son côté un "gouvernement de sursaut national".
"Beaucoup de ceux qui hier étaient de manière acharnée dans l'opposition réfléchissent", a assuré le centriste et macroniste François Bayrou.
Mais un représentant de la gauche radicale, Manuel Bompard, a exclu que LFI participe à une telle coalition. "Les Insoumis ne gouverneront que pour appliquer leur programme, rien que le programme mais tout le programme", a-t-il affirmé.