Ce que les élections générales britanniques pourraient signifier pour le Moyen-Orient

Le Premier ministre britannique Rishi Sunak, trempé par la pluie, se tient à un pupitre alors qu'il prononce un discours annonçant le 4 juillet comme date des élections générales au Royaume-Uni. (Photo: AFP)
Le Premier ministre britannique Rishi Sunak, trempé par la pluie, se tient à un pupitre alors qu'il prononce un discours annonçant le 4 juillet comme date des élections générales au Royaume-Uni. (Photo: AFP)
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Publié le Jeudi 04 juillet 2024

Ce que les élections générales britanniques pourraient signifier pour le Moyen-Orient

  • L'inaction perçue à l'égard de Gaza a pesé sur la compétition électorale entre Rishi Sunak et Sir Keir Starmer
  • Si les sondages s'avèrent corrects et que le Labour arrive au pouvoir, les analystes prédisent une relation beaucoup plus étroite entre le Royaume-Uni et le Golfe

LONDRES : Dès l'instant où le Premier ministre britannique Rishi Sunak s'est tenu devant le 10 Downing Street le 22 mai et a annoncé qu'il convoquait des élections générales anticipées, il était clair que les six prochaines semaines ne seraient pas favorables à son parti conservateur au pouvoir.

Pour beaucoup, le nuage de pluie qui a éclaté au-dessus de la tête de Sunak pendant qu'il parlait semblait résumer les 14 dernières années, marquées par des luttes intestines entre factions qui ont vu pas moins de quatre dirigeants en huit ans depuis que Theresa May a succédé à David Cameron en 2016.

Ajoutant à la comédie du moment, la bande-son de l'annonce, grâce à un manifestant aux portes de Downing Street, diffusait à plein volume le tube pop des années 90 « Things Can Only Get Better » — l'hymne de la victoire électorale du Labour en 1997. 

Les rédacteurs de titres de journaux avaient l'embarras du choix. Parmi les candidats figuraient « Drown and out » (Submergés et dehors), « Drowning Street » (Rue noyée) et — probablement le gagnant — « Things can only get wetter » (Les choses ne peuvent que devenir plus humides). Ce dernier était d'ailleurs prémonitoire.

En théorie, selon les règles régissant les élections générales, Sunak n'avait pas besoin de se présenter devant le pays avant décembre. En réalité, cependant, Sunak et son parti étaient déjà en mauvaise posture dans les sondages, et le consensus au siège des conservateurs était que les choses ne pouvaient qu'empirer.

Comme pour prouver ce point, dans une des premières vidéos de la campagne des conservateurs, le drapeau de l'Union britannique flottait à l'envers. Une série de mésaventures et de scandales ont suivi, avec certains députés conservateurs s'avérant avoir parié contre eux-mêmes et contre le parti.

À en juger par la baisse constante du soutien au gouvernement, l'électorat n'a ni oublié ni pardonné le chaos des années Boris Johnson, illustré par les soirées alcoolisées illégales organisées à Downing Street alors que le reste du pays était confiné lors les restrictions du COVID-19.

L'électorat n'a pas non plus oublié l'incapacité à tenir les grandes promesses du Brexit, le choc à l'économie britannique provoqué par les 44 jours de mandat de Liz Truss et l'incapacité du gouvernement à contrôler les frontières du Royaume-Uni — ce qui était, après tout, la raison principale de quitter l'UE.

Le jour de l'annonce des élections, une moyenne sur sept jours des sondages montrait que le Labour avait deux fois plus de soutien que les conservateurs — 45 % contre 23 %.

Les difficultés du gouvernement ont été aggravées par la montée en puissance de Reform UK, le parti populiste de droite, gagnant du terrain grâce en grande partie à l'échec de la promesse de Sunak de réduire l'immigration et de « stopper les bateaux » transportant des immigrés clandestins à travers la Manche.

Avec 11 %, Reform avait dépassé les Lib Dems, le troisième parti traditionnel de Grande-Bretagne, et la vaste majorité des voix qu'il semblait certain de recueillir seraient celles des électeurs conservateurs mécontents.

À la veille des élections d'aujourd'hui, un sondage portant sur 18 sondages réalisés au cours des sept jours précédant le 2 juillet montrait que l'avance du Labour n'avait que très légèrement diminué, passant à 40 % contre 21 % pour les conservateurs, avec Reform atteignant 16 %.

Mercredi, un dernier sondage YouGov réalisé à la veille du vote prévoyait que le Labour remporterait 431 sièges, tandis que les conservateurs reviendraient au nouveau parlement le 9 juillet avec seulement 102 députés, soit moins d'un tiers des 365 sièges qu'ils ont remportés en 2019.

Si cela s'avère être le cas, Starmer disposerait d'une majorité de 212 députés, non seulement plus importante que celle de Tony Blair en 1997, mais aussi la plus forte performance d'un parti lors d'une élection depuis 1832.

Après la fermeture des bureaux de vote ce soir à 22 heures, il y a de fortes chances que Sunak perde même son propre siège, la circonscription de Richmond et Northallerton, que les conservateurs détiennent depuis 114 ans.

Dans tous les cas, le parti conservateur sera plongé dans une nouvelle tourmente alors que la bataille commence pour sélectionner le prochain chef du parti qui, comme le prédisent de nombreux commentateurs, peut s’attendre à au moins une décennie dans l’opposition.

Le retour du Labour, un parti complètement régénéré après 14 ans d'absence, devrait être une bonne nouvelle pour les relations de la Grande-Bretagne au Moyen-Orient, comme l’a prédit cette semaine le chroniqueur d’Arab News, Muddassar Ahmed.

Distraits par une crise domestique ou interne après l’autre, les conservateurs n’ont non seulement négligé leurs amis et alliés dans la région, mais, dans une tentative d’enrayer la perte de leurs partisans au profit de Reform UK, ont également cédé aux préjugés raciaux et religieux.

« Les scènes horribles se déroulant à Gaza, par exemple, ont bouleversé les musulmans du monde entier tout en opposant différentes communautés religieuses les unes contre les autres », a écrit Ahmed.

« Mais au lieu de travailler à reconstruire les relations entre les musulmans, les juifs et les chrétiens britanniques, le gouvernement conservateur a qualifié les efforts de soutien aux Palestiniens de simples ‘marches de haine’ insurgées — utilisant le conflit horrible pour diviser des communautés qui devraient être alliées. »

D’autre part, le Labour semble déterminé à revigorer la relation du pays avec une région autrefois centrale aux intérêts du Royaume-Uni.

En janvier de cette année, le Labour Middle East Council (LMEC) a été lancé avec « l'objectif fondamental de cultiver la compréhension et de favoriser des relations durables entre les parlementaires britanniques et le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. »

Présidé par Sir William Patey, ancien chef du département du Moyen-Orient au bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth et ambassadeur en Afghanistan, en Arabie saoudite, en Irak et au Soudan, et doté d'un conseil consultatif comprenant deux autres anciens ambassadeurs britanniques dans la région, le LMEC sera une voix forte chuchotant à l’oreille d’un gouvernement Labour qui sera très ouvert à ce qu’il a à dire.

Écrivant dans le magazine The House, Sir William a prédit qu’ « un changement de paradigme dans la politique étrangère britannique est imminent. »

Il a ajouté : « En tant que nation ayant des liens historiques profonds avec le Moyen-Orient, le Royaume-Uni a un rôle unique à jouer dans la promotion d'une région stable et prospère. »

Le rôle du LMEC serait « d'exploiter ces liens pour un avenir positif. Nous travaillerons en collaboration pour résoudre les problèmes mondiaux urgents, du changement climatique aux avancées technologiques, en veillant à ce que notre approche soit toujours fondée sur le respect, le partenariat et le progrès partagé. »

David Lammy, secrétaire d'État aux Affaires étrangères du Labour, a déjà effectué plusieurs visites dans la région depuis le 7 octobre. En avril, il a exprimé des « préoccupations sérieuses quant à une violation du droit humanitaire international » concernant l'offensive militaire d'Israël à Gaza.

Il a ajouté qu' « il était important de réaffirmer qu'une vie perdue est une vie perdue, qu'il s'agisse d'un musulman ou d'un juif. » En mai, Lammy a appelé le Royaume-Uni à suspendre les ventes d'armes à Israël.

Dans l'opposition, le Labour a hésité à appeler à un cessez-le-feu à Gaza, mais cela a été le produit de ses propres tensions internes et domestiques. Starmer a remis le parti sur les rails après des années d'accusations par des groupes d'activistes juifs britanniques selon lesquelles, sous son prédécesseur Jeremy Corbyn, le parti était fondamentalement antisémite.

Que ces accusations soient fondées ou que le soutien ferme du parti à la cause palestinienne ait été présenté à tort comme de l'antisémitisme est un point discutable. Starmer savait qu'à l'approche des élections générales, il s'agissait d'un terrain durement gagné qu'il ne pouvait se permettre de perdre.

Néanmoins, même s'il s'est aliéné certaines communautés musulmanes du Royaume-Uni en n'appelant pas à un cessez-le-feu, il s'est exprimé à maintes reprises contre les horreurs qui se sont déroulées à Gaza.

De manière cruciale, il a toujours soutenu la solution à deux États et la création d' « un État palestinien viable où le peuple palestinien et ses enfants jouissent des libertés et des opportunités que nous considérons tous comme acquises. »

D'une manière plus générale, Lammy a également indiqué clairement que le Labour avait l'intention de se réengager au Moyen-Orient par le biais d'une nouvelle politique qu'il a qualifiée de « réalisme progressiste. »

Moins d'une semaine avant que Sunak ne convoque ses élections générales surprise, Lammy a parlé de la nécessité pour le Royaume-Uni de réparer ses relations avec les États du Golfe, qu'il considérait comme « extrêmement importants pour la sécurité au Moyen-Orient » et « importants par rapport à nos missions de croissance économique. »

En raison des faux pas du gouvernement conservateur, a-t-il ajouté, les relations entre les Émirats arabes unis et le Royaume-Uni, par exemple, étaient « au plus bas. Ce n'est pas acceptable et ce n'est pas dans l'intérêt national du Royaume-Uni (et) nous chercherons à y remédier. »

Dans un article qu'il a écrit pour le magazine Foreign Affairs, Lammy est allé plus loin.

La Chine, a-t-il dit, n'est pas la seule puissance montante mondiale, et « un groupe croissant d'États — y compris le Brésil, l'Inde, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis — ont revendiqué des places à la table. Eux et d'autres ont le pouvoir de façonner leurs environnements régionaux, et ils ignorent de plus en plus souvent l'UE, le Royaume-Uni et les États-Unis. »

Lammy a regretté « les interventions militaires chaotiques de l'Occident au cours des premières décennies de ce siècle », en Afghanistan, en Irak et en Libye, qui se sont avérées être une « recette pour le désordre. »

En tant que secrétaire d'État aux Affaires étrangères de l'ombre, il a beaucoup voyagé à travers la région MENA, dans des pays comme Bahreïn, l'Égypte, Israël, la Jordanie, le Qatar, l'Arabie saoudite, la Turquie, les Émirats arabes unis et les Territoires palestiniens occupés.

Tous, a-t-il écrit, « seront des partenaires vitaux pour le Royaume-Uni dans cette décennie, notamment lorsque le pays cherchera à reconstruire Gaza et — dès que possible — à réaliser une solution à deux États. »

Pour de nombreux observateurs régionaux, le Labour commence avec une feuille blanche, mais a beaucoup à prouver.

« Il est reconnu parmi les spécialistes que les politiques étrangères ne changent pas radicalement après les élections », a déclaré Arshin Adib-Moghaddam, professeur de pensée globale et de philosophies comparées à la School of Oriental and African Studies de Londres, à Arab News.

« Par conséquent, je ne m'attends pas à des changements majeurs une fois que le Labour formera le gouvernement au Royaume-Uni.

« Cela dit, la composition du Labour et ses politiques d'arrière-ban sont susceptibles de modifier le langage et probablement même le code de conduite, en particulier en ce qui concerne la question de la Palestine. Pour un dirigeant Labour, il pourrait être beaucoup plus difficile d'être agnostique face à l'horrible situation des droits de l'homme à Gaza. »

Pour les analystes politiques conseillant des clients internationaux, cependant, les implications d'une victoire du Labour vont au-delà de la situation à Gaza.

« Dans une tentative de garantir une longévité politique, le parti renégociera les priorités politiques essentielles au Moyen-Orient », a déclaré Kasturi Mishra, consultant politique chez Hardcastle, une société de conseil mondial qui suit de près les implications de la politique étrangère des élections britanniques pour ses clients dans le domaine des affaires et de la politique internationale.

« Il pourrait s'agir d'appeler à un cessez-le-feu à Gaza, de mettre fin aux ventes d'armes à Israël, de relancer le commerce et la diplomatie avec les États du Golfe et d'augmenter les dépenses de défense du Royaume-Uni dans la région », a déclaré Mishra à Arab News.

« Cette renégociation est importante à un moment où le Royaume-Uni se trouve de plus en plus incertain de sa position mondiale.

« Le Moyen-Orient a des implications géopolitiques et de sécurité significatives pour l'Occident. Les décideurs politiques du Labour le reconnaissent et sont susceptibles de renforcer l'engagement britannique avec la région pour redéfinir son soft power et son influence. »

Mishra a souligné les multiples voyages de Lammy dans la région comme un avant-goût de l'intention du Labour de renforcer les liens avec les États du Golfe, « qui ont été négligés dans la Grande-Bretagne post-Brexit. 

« Étant donné le rôle influent de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et du Qatar dans la sécurité régionale et le potentiel de collaboration avec eux sur l'atténuation du changement climatique et d'autres questions internationales, il est clair qu'il cherchera à forger des partenariats.

« Sa doctrine de réalisme progressiste combine un ordre mondial fondé sur les valeurs et le pragmatisme. On s'attend à ce qu'il privilégie une diplomatie personnalisée, plus proche de celle des Émirats arabes unis, de l'Inde et de la France. »

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Le nouveau Premier ministre britannique Keir Starmer promet de "rebâtir" son pays

Le nouveau Premier ministre britannique et chef du parti travailliste, Keir Starmer, se dirige vers le podium pour s'adresser à la nation après sa victoire aux élections générales, devant le 10 Downing Street à Londres, le 5 juillet 2024, au lendemain des élections générales en Grande-Bretagne. M. Starmer est devenu le nouveau premier ministre de la Grande-Bretagne, alors que son parti d'opposition de centre-gauche, le Labour, a remporté une victoire écrasante aux élections générales, mettant fin à 14 ans de gouvernement conservateur de droite. (Photo: AFP)
Le nouveau Premier ministre britannique et chef du parti travailliste, Keir Starmer, se dirige vers le podium pour s'adresser à la nation après sa victoire aux élections générales, devant le 10 Downing Street à Londres, le 5 juillet 2024, au lendemain des élections générales en Grande-Bretagne. M. Starmer est devenu le nouveau premier ministre de la Grande-Bretagne, alors que son parti d'opposition de centre-gauche, le Labour, a remporté une victoire écrasante aux élections générales, mettant fin à 14 ans de gouvernement conservateur de droite. (Photo: AFP)
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  •  Le nouveau Premier ministre britannique Keir Starmer a annoncé vendredi la composition de son gouvernement après avoir promis de "rebâtir" le Royaume-Uni, dont une page politique se tourne avec le retour des travaillistes au pouvoir
  • C'est la première fois depuis 2010 que le Labour (centre gauche) va diriger le pays, après 14 ans de gouvernements conservateurs et une succession de crises : austérité, Brexit, envolée des prix ou encore valse des Premiers ministres

LONDRES: Le nouveau Premier ministre britannique Keir Starmer a annoncé vendredi la composition de son gouvernement après avoir promis de "rebâtir" le Royaume-Uni, dont une page politique se tourne avec le retour des travaillistes au pouvoir.

C'est la première fois depuis 2010 que le Labour (centre gauche) va diriger le pays, après 14 ans de gouvernements conservateurs et une succession de crises : austérité, Brexit, envolée des prix ou encore valse des Premiers ministres.

"Nous reconstruirons" le Royaume-Uni, a déclaré Keir Starmer, 61 ans, sur le perron du 10, Downing Street, après avoir été chargé par le roi Charles III de former un gouvernement, dont la composition a été dévoilée dans l'après-midi.

Personnalités atypiques issues du terrain et femmes aux plus hautes responsabilités, la nouvelle équipe au pouvoir, "au service" des Britanniques, illustre le changement que Keir Starmer veut incarner et l'image de sérieux qu'il veut projeter.

Numéro deux du nouveau gouvernement, la vice-Première ministre chargée du logement Angela Rayner, âgée de 44 ans, issue d'un milieu très défavorisé et ayant quitté l'école à 16 ans, détonne particulièrement dans le paysage politique britannique.

L'ancienne économiste de la Banque d'Angleterre Rachel Reeves, appréciée des milieux d'affaires, devient quant à elle la première femme à occuper le poste de ministre des Finances au Royaume-Uni.

Est nommé aux Affaires étrangères David Lammy, un descendant d'esclaves qui a pu se montrer très critique dans le passé de l'ancien président américain Donald Trump.

- "Unifier" le Royaume-Uni -

En arrivant radieux à Downing Street, M. Starmer, un ancien avocat spécialisé dans les droits humains, a promis de se battre "jour après jour" afin d'"unifier" son pays et que les Britanniques puissent à nouveau croire en un avenir meilleur pour leurs enfants, citant l'éducation et le logement.

Face au "défis d'un monde précaire", il s'est engagé à une "reconstruction calme et patiente". "Notre travail est urgent et nous le commençons aujourd'hui", a-t-il ajouté.

"Je ne vous promets pas que ce sera facile. Il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton pour changer un pays", avait-il cependant averti à l'annonce de son succès électoral.

D'autant que la vague travailliste ne masque pas la faible popularité du nouveau Premier ministre et le fait que la victoire a été obtenue en ne rassemblant qu'un tiers des suffrages ou que des sièges ont été perdus à cause de la position du Labour sur le conflit dans la bande de Gaza.

Selon les résultats quasi-complets, le Labour a décroché 412 sièges, bien au-delà du seuil des 326 pour obtenir la majorité absolue à la Chambre des Communes. C'est juste en deçà du score historique de Tony Blair en 1997 (418).

Le parti conservateur est pour sa part réduit à 121 députés contre 365 il y a cinq ans, sa pire défaite en un siècle. Plusieurs poids lourds de cette formation ont été battus.

"Vous avez envoyé le signal clair que le gouvernement du Royaume-Uni doit changer et votre jugement est le seul qui compte", a déclaré aux Britanniques Rishi Sunak dans son dernier discours en tant que chef du gouvernement après 20 mois au pouvoir, se disant "désolé".

- "Choix difficiles" -

Parmi les premiers rendez-vous qui attendent Keir Starmer, le sommet du 75e anniversaire de l'Otan la semaine prochaine à Washington.

Il le sait : il n'y aura pas de lune de miel.

Dans une conversation avec Joe Biden, vendredi, il a assuré ce dernier du soutien britannique "inébranlable" à l'Ukraine. Un appui à son pays dont le président ukrainien Volodymyr Zelensky l'a remercié, également au téléphone.

"Je me réjouis de notre travail commun en faveur de la liberté et de la démocratie dans le monde et du renforcement de la relation spéciale entre nos deux pays", avait auparavant écrit le président américain sur X.

Il s'est également entretenu avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Ils ont "mis l'accent sur l'importance de la relation unique entre le Royaume-Uni et l'UE" pour relever les "défis" communs.

Après "ces derniers mois et ces dernières années difficiles", Ramsey Sargent, 49 ans, a hâte de "voir ce qui va se passer".

Abdul Muqtvar, 40 ans, juge quant à lui que "ce sera intéressant de voir comment le Labour s'en sort".

Tout au long de la campagne, Keir Starmer, entré en politique il y a seulement neuf ans, a promis le retour de la "stabilité" et du "sérieux", avec une gestion des dépenses publiques très rigoureuse.

Le futur gouvernement devra faire "des choix difficiles" face à "l'ampleur du défi", a prévenu Rachel Reeves.

Keir Starmer promet de transformer le Royaume-Uni comme il a redressé, sans états d'âme, le Labour après avoir succédé au très à gauche Jeremy Corbyn en 2020, recentrant le parti sur le plan économique et luttant contre l'antisémitisme.

Il assure vouloir relancer la croissance, redresser les services publics, renforcer les droits des travailleurs, réduire l'immigration et rapprocher le Royaume-Uni de l'Union européenne - sans revenir sur le Brexit, sujet tabou de la campagne.

- Parlement inédit -

Dans ce Parlement totalement redessiné, les libéraux-démocrates (centristes) redeviennent la troisième force, avec 71 députés, un record.

Bouleversement de taille, le parti anti-immigration et anti-système Reform UK fait son entrée avec cinq députés, dont son chef, la figure de la droite dure Nigel Farage.

En Ecosse, les indépendantistes du Scottish National Party ne se sont maintenus que dans neuf des 57 circonscriptions.

Les Verts remportent quatre sièges, contre un seul auparavant, dans une Chambre des Communes qui comptera un nombre record d'au moins 261 femmes, contre 220 en 2019.


Gaza: Israël annonce une poursuite des pourparlers en vue d'un cessez-le-feu

Le chef des services d'espionnage israéliens, David Barnea, s'est entretenu avec des médiateurs qataris le 5 juillet 2024, dans le cadre des derniers efforts déployés pour parvenir à une trêve et à la libération des otages à Gaza, près de neuf mois après le début de la guerre entre Israël et le Hamas. (Photo: AFP)
Le chef des services d'espionnage israéliens, David Barnea, s'est entretenu avec des médiateurs qataris le 5 juillet 2024, dans le cadre des derniers efforts déployés pour parvenir à une trêve et à la libération des otages à Gaza, près de neuf mois après le début de la guerre entre Israël et le Hamas. (Photo: AFP)
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  • Israël a déclaré vendredi que des "écarts" restaient à combler dans les discussions en vue d'un cessez-le-feu dans la bande de Gaza et d'un accord de libération des otages
  • M. Netanyahu, avait ordonné jeudi au chef du Mossad de se rendre à Doha après l'annonce par le Hamas de nouvelles "idées" pour un cessez-le-feu. M. Barnea devait notamment y rencontrer le Premier ministre du Qatar, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani

Jérusalem: Israël a déclaré vendredi que des "écarts" restaient à combler dans les discussions en vue d'un cessez-le-feu dans la bande de Gaza et d'un accord de libération des otages, mais qu'il enverrait "la semaine prochaine" une délégation pour poursuivre les pourparlers avec des médiateurs qataris.

Après le retour vendredi soir en Israël du chef des services de renseignement israéliens, David Barnea, qui s'est entretenu à Doha avec des responsables qataris, le bureau du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu a annoncé qu'une "équipe partira la semaine prochaine pour poursuivre les négociations" au Qatar.

"Il est souligné qu'il y a toujours des écarts entre les parties", a ajouté le porte-parole du bureau.

M. Netanyahu, avait ordonné jeudi au chef du Mossad de se rendre à Doha après l'annonce par le Hamas de nouvelles "idées" pour un cessez-le-feu. M. Barnea devait notamment y rencontrer le Premier ministre du Qatar, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani.

Avant l'annonce de la poursuite des pourparlers, le Hamas avait dit s'attendre d'ici samedi à une première réponse d'Israël à ses nouvelles "idées".

Alors que les efforts de médiation menés par le Qatar, les Etats-Unis et l'Egypte se heurtent jusque-là aux exigences des deux camps, la guerre menace de prendre une dimension régionale avec des échanges de tirs quotidiens entre l'armée israélienne et le Hezbollah à la frontière nord d'Israël avec le Liban, qui ont connu une brusque intensification jeudi.

Une délégation du Hamas a rencontré vendredi au Liban le chef du mouvement islamiste libanais, Hassan Nasrallah, pour discuter de la situation sur le terrain et des négociations à venir.

L'ONU, elle, s'est dite "profondément préoccupée par l'augmentation de l'intensité des échanges de tirs" la veille, "ce qui accroît le risque d'une guerre à grande échelle".

Et vendredi soir, le Hezbollah a déclaré avoir lancé plusieurs salves de roquettes sur le nord d'Israël.

Dans des communiqués distincts, le Hezbollah a annoncé avoir lancé "des salves de roquettes de type katioucha" sur le village agricole de Margaliot et deux positions militaires frontalières, en représailles "aux attaques de l'ennemi contre des villages et habitations du sud".

L'armée israélienne a déclaré dans un communiqué que deux de ses soldats avaient été légèrement blessés "par des projectiles tirés vers la localité frontalière de Kyriat Shmona", ajoutant qu'ils ont été transportés à l'hôpital. Elle a dit avoir frappé en riposte "la source des lancements" et tiré à l'artillerie sur plusieurs régions du sud du Liban.

La guerre à Gaza alimente aussi une flambée des violences en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, où l'Autorité palestinienne a annoncé vendredi la mort de sept Palestiniens dans un raid israélien à Jénine, dont quatre "combattants" et un "commandant" du Hamas, selon le mouvement islamiste.

- Pas de répit dans les combats -

La guerre a été déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas dans le sud d'Israël le 7 octobre, qui a entraîné la mort de 1.195 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

Sur 251 personnes enlevées durant l'attaque, 116 sont toujours retenues en otages à Gaza, dont 42 sont mortes, selon l'armée.

En riposte, l'armée israélienne a lancé une offensive sur le territoire palestinien qui a fait jusqu'à présent 38.011 morts, en majorité des civils, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza, dirigé par le Hamas.

Après avoir progressé depuis le nord, l'armée a lancé le 7 mai une opération terrestre à Rafah, ville du sud de Gaza frontalière avec l'Egypte, alors présentée comme la dernière étape de la guerre.

Mais après bientôt neuf mois de conflit meurtrier, les combats ont repris dans plusieurs régions que l'armée avait dit contrôler, notamment à Choujaïya, un quartier est de la ville de Gaza (nord), où l'armée mène une opération terrestre appuyée par des bombardements depuis le 27 juin.

Vendredi, de nouveaux combats ont opposé à Choujaïya soldats israéliens et combattants palestiniens, selon une source du Hamas.

Des témoins ont aussi signalé des tirs d'artillerie israéliens et des frappes aériennes à Khan Younès (sud) et à Rafah, où se déroulaient des combats au sol.

Au total, 1,9 million de Gazaouis, 80% de la population, sont à présent déplacés, selon l'ONU, à travers le territoire assiégé et menacé de famine.

L'Organisation mondiale de la santé a averti vendredi que le manque de carburant, récurrent depuis le début de la guerre, faisait courir un risque "catastrophique" au système de santé de Gaza, confronté à un afflux massif de malades et blessés.

Les livraisons fin juin de carburant pour l'approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées "n'ont couvert que 10% des besoins quotidiens", a également alerté le bureau des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha).

- "Les gens sont épuisés" -

Annonçant jeudi que M. Netanyahu avait fait part au président américain de l'envoi d'une délégation à Doha, son bureau avait rappelé la détermination d'Israël "à mettre un terme à la guerre seulement si tous ses objectifs sont remplis".

Joe Biden et Benjamin Netanyahu "se verront probablement quand le Premier ministre" israélien sera à Washington, où il doit s'exprimer devant le Congrès le 24 juillet, a indiqué la Maison Blanche.

Les derniers éléments fournis par le Hamas "pourraient fournir la base nécessaire pour conclure un accord", a estimé un haut responsable américain, tout en prévenant qu'il restait "beaucoup à faire" et que ce serait "difficile".

Benjamin Netanyahu affirme vouloir continuer la guerre jusqu'à la destruction du Hamas, qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007 et est considéré comme une organisation terroriste par les Etats-Unis, l'Union européenne et Israël, et la libération de tous les otages.

Le Hamas de son côté réclame un cessez-le-feu définitif et un retrait israélien de Gaza.

"Nous espérons que les deux parties coopéreront à un cessez-le-feu (...) parce que les gens sont épuisés", a dit à l'AFP Hamed Jaroun, un Palestinien à Khan Younès.


Le réformateur Pezeshkian remporte la présidentielle en Iran

Le candidat réformateur iranien Masoud Pezeshkian (C) fait un geste alors qu'il est entouré de partisans à l'extérieur d'un bureau de vote à Téhéran le 5 juillet 2024. Le ministère de l'Intérieur a annoncé l'ouverture des bureaux de vote le 5 juillet pour le second tour de l'élection présidentielle iranienne, opposant le candidat réformateur Masoud Pezeshkian à l'ultraconservateur Saeed Jalili dans la course à la succession d'Ebrahim Raisi, décédé dans un accident d'hélicoptère en mai dernier. (Photo: AFP)
Le candidat réformateur iranien Masoud Pezeshkian (C) fait un geste alors qu'il est entouré de partisans à l'extérieur d'un bureau de vote à Téhéran le 5 juillet 2024. Le ministère de l'Intérieur a annoncé l'ouverture des bureaux de vote le 5 juillet pour le second tour de l'élection présidentielle iranienne, opposant le candidat réformateur Masoud Pezeshkian à l'ultraconservateur Saeed Jalili dans la course à la succession d'Ebrahim Raisi, décédé dans un accident d'hélicoptère en mai dernier. (Photo: AFP)
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  • Le candidat réformateur Massoud Pezeshkian, un député de 69 ans qui plaide pour une ouverture de l'Iran vers l'Occident, a remporté samedi le second tour de la présidentielle, devant l'ultraconservateur Saïd Jalili
  • A l'issue du vote vendredi, lors duquel quelque 61 millions d'Iraniens étaient appelés aux urnes

Téhéran: Le candidat réformateur Massoud Pezeshkian, un député de 69 ans qui plaide pour une ouverture de l'Iran vers l'Occident, a remporté samedi le second tour de la présidentielle, devant l'ultraconservateur Saïd Jalili.

Organisée à la hâte après le décès du président ultraconservateur Ebrahim Raïssi dans un accident d'hélicoptère en mai, la présidentielle s'est tenue dans un contexte de mécontentement populaire face notamment à l'état de l'économie frappée par des sanctions internationales.

A l'issue du vote vendredi, lors duquel quelque 61 millions d'Iraniens étaient appelés aux urnes, M. Pezeshkian a recueilli plus de 16 millions de votes contre plus de 13 millions à son adversaire, sur un total de 30 millions de bulletins déjà dépouillés, selon les autorités électorales.

Après un premier tour marqué par une forte abstention, la participation s'est établie à 49,8%. Le nombre de bulletins nuls s'élèverait à plus de 600.000.

- "La voix des sans-voix" -

"Nous tendrons la main de l'amitié à tout le monde, nous sommes tous des habitants de ce pays, nous devrions utiliser tout le monde pour le progrès du pays", a déclaré samedi M. Pezeshkian, lors de sa première prise de parole depuis sa victoire, en remerciant ses sympathisants.

Tout en affirmant sa loyauté à la République islamique, celui que les Iraniens appellent le "docteur" appelle à des "relations constructives" avec Washington et les pays européens afin de "sortir l'Iran de son isolement".

Nul n'aurait parié sur ce député de Tabriz, la grande ville du nord-ouest de l'Iran, lorsque sa candidature a été acceptée par le Conseil des gardiens avec cinq autres candidats, tous conservateurs.

Ce père de famille, qui a élevé seul trois enfants après la mort de son épouse et d'un autre enfant dans un accident de voiture en 1993, se présente comme la "voix des sans-voix".

Le scrutin était suivi avec attention à l'étranger alors que l'Iran, poids lourd du Moyen-Orient, est au coeur de plusieurs crises géopolitiques, de la guerre à Gaza au dossier nucléaire, dans lesquelles il s'oppose aux pays occidentaux, notamment les Etats-Unis, son ennemi juré.

Arrivé en tête au premier tour, M. Pezeshkian plaide pour un Iran plus ouvert à l'Occident. M. Jalili, 58 ans, est lui connu pour ses positions inflexibles face aux puissances occidentales.

M. Pezeshkian a reçu le soutien des anciens présidents, le réformiste Mohammad Khatami et le modéré Hassan Rohani.

Des figures de l'opposition en Iran et au sein de la diaspora avaient appelé au boycott du scrutin, jugeant que les camps conservateur et réformateur représentent deux faces de la même médaille.

Dans un  bureau de vote de Téhéran, Hossein, 40 ans, confiait vendredi avoir choisi M. Pezeshkian, car il "peut changer des choses".

Farzad, 52 ans - qui comme Hossein ne souhaite pas donner son nom de famille - a fait le même choix, pour "empêcher l'accès au pouvoir des radicaux" ultraconservateurs.

- Pouvoirs restreints -

"Cela fait 45 ans que nous crions mort à l'Amérique, ça suffit, (...) On ne peut pas construire un mur autour du pays", martelait-il.

M. Pezeshkian appelle à régler la question du port obligatoire du voile pour les femmes, l'une des causes du vaste mouvement de contestation ayant secoué le pays fin 2022 après le décès de Mahsa Amini, arrêtée pour non-respect du code vestimentaire strict.

Lors de deux débats télévisés, les candidats ont abordé les difficultés économiques du pays, ses relations internationales, le faible taux de participation aux élections et les restrictions imposées à Internet par le gouvernement.

Négociateur dans le dossier nucléaire entre 2007 et 2013, M. Jalili s'était fermement opposé à l'accord conclu finalement en 2015 entre l'Iran et des puissances mondiales, dont les Etats-Unis, qui imposait des restrictions à l'activité nucléaire iranienne en échange d'un allègement des sanctions.

Les négociations sur le nucléaire sont actuellement dans l'impasse après le retrait unilatéral des Etats-Unis en 2018 qui ont réimposé de sévères sanctions économiques à Téhéran.

L'élection devrait avoir des répercussions limitées, le président n'ayant que des pouvoirs restreints: il est chargé d'appliquer, à la tête du gouvernement, les grandes lignes politiques fixées par le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, qui est le chef de l'Etat.