Le Cercle d'Études Scientifiques Rayer : la technologie au service de l’art

Thierry Rayer, président du Cercle d'Études Scientifiques Rayer, a partagé les développements de la méthodologie scientifique interdisciplinaire "Universae Analysis" dans le cadre de Vision Golfe 2024. (Photo: Florent Drillon)
Thierry Rayer, président du Cercle d'Études Scientifiques Rayer, a partagé les développements de la méthodologie scientifique interdisciplinaire "Universae Analysis" dans le cadre de Vision Golfe 2024. (Photo: Florent Drillon)
L'analyse Universæ est une méthodologie interdisciplinaire développée pour étudier et interpréter les œuvres d'art. Cette approche mêle biologie, géométrie, mathématiques et sciences humaines pour révéler des détails historiques jusqu'alors inconnus dans les œuvres d'art des grands maîtres et l'architecture. (Photo: CESR)
L'analyse Universæ est une méthodologie interdisciplinaire développée pour étudier et interpréter les œuvres d'art. Cette approche mêle biologie, géométrie, mathématiques et sciences humaines pour révéler des détails historiques jusqu'alors inconnus dans les œuvres d'art des grands maîtres et l'architecture. (Photo: CESR)
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Publié le Samedi 15 juin 2024

Le Cercle d'Études Scientifiques Rayer : la technologie au service de l’art

  • L'analyse Universæ est une méthodologie interdisciplinaire développée pour étudier et interpréter les œuvres d'art et pour rendre l'art et la culture plus accessibles
  • Les objectifs de la Vision 2030 visent à diversifier l'économie et à positionner l’Arabie saoudite en tant que leader culturel international et à préserver son patrimoine

PARIS : Inspiré par Pierre Rayer, médecin éminent et président de l'Académie des Sciences au 19ème siècle, le Cercle d'Études Scientifiques Rayer (CESR) est une société savante qui se consacre à l'accès à l'art et à la culture.

Basé sur un héritage de longue date, et une bibliothèque de plus de dix mille volumes, couvrant des domaines variés, comprenant science, médecine, histoire et beaux-arts, le CESR a pour objectif d'enrichir le dialogue entre les sciences et les arts, en soulignant l'importance de l'interdisciplinarité et de l'accès à la culture.

“Nous avons créé "Universæ Analysis", une méthodologie qui vise à découvrir des dimensions cachées et à retracer des liens historiques et culturels profonds à travers ces œuvres en combinant différents domaines scientifiques. Nous appliquons des méthodes scientifiques rigoureuses pour révéler des informations sans précédent sur des œuvres d'art de maîtres tels que Da Vinci, Brancusi et Kandinsky, ainsi que sur des sites culturels importants, » a déclaré Thierry Rayer, Président du Cercle d'Etudes Scientifiques Rayer (CESR), en interview avec Arab News en français.

Dans la région du Golfe, et en Arabie saoudite en particulier, la Vision 2030 vise non seulement à diversifier l'économie mais à enrichir la vie culturelle du Royaume, à se positionner en tant que leader culturel international et à préserver son patrimoine.

« Notre vision s'aligne sur les objectifs de la Vision 2030. Nous aspirons à soutenir le Royaume dans la préservation de son riche patrimoine mondial tout en encourageant un dialogue culturel global. Nos analyses visent à apporter une nouvelle dimension à la compréhension des trésors culturels, en les rendant plus accessibles et plus appréciés, tant au niveau local qu'international, » confirme Mr. Rayer.

Le CESR voit une opportunité de collaborer avec les institutions saoudiennes pour préserver leur patrimoine culturel en passant par des programmes éducatifs innovants utilisant la technologie, et l’intelligence artificielle, pour rendre l'art et la culture plus accessibles, ainsi que des initiatives de développement touristique attirant des visiteurs du monde entier.

« En 2018, la délégation du Royaume d'Arabie saoudite nous a offert son patronage lors de notre première conférence au siège de l'UNESCO. Je suis enthousiaste à l'idée de poursuivre nos efforts et d'établir des partenariats stratégiques qui bénéficieront à la fois à la région et au patrimoine culturel mondial, » ajoute-t-il.
 

La méthodologie de l'analyse Universæ du CESR

L'analyse Universæ est une méthodologie interdisciplinaire développée pour étudier et interpréter les œuvres d'art et les sites culturels. Cette approche mêle biologie, géométrie, mathématiques et sciences humaines pour révéler des détails historiques et stylistiques jusqu'alors inconnus dans les artefacts, les œuvres d'art des grands maîtres et l'architecture.

Cette méthode peut offrir des analyses détaillées qui révèlent les intentions et les informations véhiculées par des œuvres et peut enrichir l'expérience du visiteur en proposant des interprétations scientifiques, instructive et innovante.

"L'analyse Universæ peut également être intégrée dans les programmes éducatifs des musées et des institutions culturelles afin d'enseigner aux jeunes Saoudiens et aux visiteurs internationaux l'importance et la complexité de leur patrimoine culturel, ainsi que celui de l'humanité. Cette méthodologie favorise l'innovation dans les pratiques artistiques et culturelles, en encourageant une compréhension plus profonde des œuvres d'art à travers des perspectives scientifiques, » a déclaré M. Rayer.

La méthodologie fait le lien entre le passé, le présent et l'avenir, offrant des perspectives qui résonnent avec les ambitions du Royaume.

« Nous sommes ravis d'avoir l'occasion de collaborer avec des partenaires en Arabie saoudite pour étudier comment l'"analyse Universæ" peut contribuer à la réalisation de ces aspirations culturelles à long terme, » a-t-il ajouté.

« L'analyse Universæ » dépasse les frontières traditionnelles de l'art et de la culture et offre des applications dans l'éducation et l'industrie du divertissement. Cette approche interdisciplinaire vise à enrichir les programmes scolaires en transformant l'enseignement de l'histoire et de l'art. En rendant l'enseignement plus interactif et multidimensionnel, elle stimule l'intérêt des élèves et améliore la rétention des connaissances.

"Universæ Analysis" permet également de créer des documentaires didactiques et des spectacles holographiques qui offrent des productions qui s'adressent à un large public, offrant un contenu interactif et éducatif basé sur une méthodologie scientifique.

« Cette méthode améliore l'expérience touristique en fournissant des récits scientifiquement fondés sur des sites historiques et des musées. "Universæ Analysis" renforce l'attrait des destinations culturelles, en révélant les histoires cachées derrière les œuvres d'art, les artefacts et les monuments, rendant les visites plus attrayantes, » explique Mr. Rayer.

Le CESR a récemment participer à Vision Golfe 2024, l'événement de référence entre la France et les pays du CCG.

« Vision Golfe 2024 est l'occasion pour le CESR de démontrer l'efficacité et la polyvalence de la méthodologie "Universæ Analysis". Cet événement majeur constitue une plateforme idéale pour établir des partenariats stratégiques avec des institutions culturelles et éducatives et des investisseurs intéressés par la culture, en particulier dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), » confie Thierry Rayer.

Au-delà de Vision Golfe 2024, le CESR poursuit une expansion de ces activités, visant à transmettre la connaissance universelle et à renforcer l'application de la science dans l'étude des arts et de la culture.

« Nos initiatives comprennent le développement de modules d'apprentissage en ligne et l'extension de notre méthodologie "Universæ Analysis" à de nouvelles régions telles que l'Asie et l'Amérique latine, afin d'enrichir notre base de données mondiale et d'approfondir notre compréhension des interconnexions culturelles, » confirme le président du CESR.

Le CESR travaille également à la création d'une plateforme numérique qui intégrera l'intelligence artificielle pour automatiser et affiner l'analyse des œuvres d'art.

« Cette technologie promet de révolutionner la politique d'acquisition d'œuvres d'art et la manière dont les musées, les galeries et les institutions académiques accèdent aux données historiques et stylistiques et les exploitent. En outre, nous travaillons sur cette plateforme pour y inclure des fonctionnalités métaverses, permettant des interactions immersives et des explorations virtuelles d'œuvres d'art, » ajoute-t-il.

Par ailleurs, le CESR vise à collaborer avec des universités de renommée internationale pour intégrer "Universæ Analysis" dans leurs programmes académiques et de formation de la prochaine génération de conservateurs, d'historiens de l'art et de scientifiques.

Pour conclure, Mr. Rayer à souligner l’importance de travailler avec des organisations telles que l'UNESCO et le Louvre, dont le CESR est mécène, pour améliorer l'accès à l'éducation, à l'art et à la culture pour les jeunes issus de milieux défavorisés, un projet initié à l'UNESCO pour le continent africain avec l'aide d'une délégation du Royaume d'Arabie saoudite en 2018.

Le CESR s'engage à innover et à appliquer sa méthodologie scientifique unique dans divers contextes culturels, pour préserver la culture mondiale pour les générations futures, en soulignant l'importance de la science dans la compréhension de l'art et de la culture.


En Corée du Sud, l'irrésistible ascension des webtoons

Le dessinateur de bandes dessinées numériques Bae Jin-soo, qui a créé les webtoons Naver "Money Game" et "Pie Game" qui ont inspiré "The 8 Show" de Netflix, pose avec une carte Webtoons pour "Money Game", lors d'un entretien avec l'AFP à Séoul. (Photo, AP).
Le dessinateur de bandes dessinées numériques Bae Jin-soo, qui a créé les webtoons Naver "Money Game" et "Pie Game" qui ont inspiré "The 8 Show" de Netflix, pose avec une carte Webtoons pour "Money Game", lors d'un entretien avec l'AFP à Séoul. (Photo, AP).
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  • Conçues spécialement pour être lues en ligne, ces bandes dessinées connaissent un succès fulgurant en Corée du Sud
  • Dix-sept ans plus tard, il est l'un des plus grands noms de l'industrie florissante des webtoons en Corée du Sud

SEOUL: Quand Bae Jin-soo a quitté son emploi bien rémunéré dans l'un des plus grands conglomérats de Corée du Sud pour écrire des histoires, ses parents ont été tellement choqués qu'ils l'ont mis à la porte.

Dix-sept ans plus tard, il est l'un des plus grands noms de l'industrie florissante des webtoons en Corée du Sud. En témoigne l'adaptation sur YouTube et Netflix de plusieurs de ses créations.

Conçues spécialement pour être lues en ligne, ces bandes dessinées connaissent un succès fulgurant en Corée du Sud. En 2022, la valeur des entreprises du secteur totalisait environ 1,33 milliard de dollars, contre 109 millions de dollars en 2013, selon les chiffres du gouvernement sud-coréen.

Symbole d'un secteur en pleine croissance, la célèbre plateforme de bande dessinées en ligne Webtoon Entertainment, propriété du géant coréen Naver, a déposé fin mai un dossier pour être cotée au Nasdaq, la bourse américaine des entreprises technologiques.

Sa valorisation pourrait atteindre les 2,6 milliards de dollars, selon un document du dossier.

Pourtant, lorsque Bae Jin-soo débute sa carrière dans les webtoons, ses parents, comme beaucoup d'autres personnes à l'époque, lui répondent que "dessinateur de bandes dessinées" n'est pas une façon de gagner sa vie, raconte-t-il aujourd'hui.

Ses amis, aussi, expriment une certaine réticence car il ne "savait pas dessiner".

En parallèle d'un travail à mi-temps dans une supérette et comme livreur de pizzas, Bae Jin-soo a appris le dessin seul en se photographiant lui-même et son entourage et en copiant ensuite les photos avec un papier et un crayon.

Peu convaincus par ses premières productions, les lecteurs le poussent à travailler plus dur. En 2023, Bae Jin-soo finit par publier sur Naver son premier succès intitulé "Friday".

BD adaptées au smartphone 

Apparus il y a une vingtaine d'années, ces bandes dessinées qui se lisent en scrollant sur son téléphone ont été propulsées par l'internet ultra-rapide de la Corée du Sud et une population accro au smartphone. Elles sont désormais en train de devenir le nouveau produit culturel sud-coréen viral dans le monde entier.

Désormais, la plateforme Webtoon Entertainment cumule près de 170 millions de visiteurs par mois dans plus de 150 pays. Elle affirme avoir versé de 2017 à 2023 plus de 2,8 milliards de dollars à des auteurs.

Le "créateur professionnel moyen gagne 48.000 dollars par an tandis que les 100 premiers perçoivent un million de dollars", affirme le PDG de Webtoon Entertainment Junkoo Kim.

Les webtoons ont progressivement infiltré d'autres secteurs du monde du divertissement. Ils ont déjà inspiré nombre de séries K-drama, dont "Misaeng" (2014), "Yumi's Cells" (2021), "Marry My Husband" (2024) et "The 8 Show" (2024) qui est inspiré de deux webtoons écrit par Bae Jin-soo.

"Les acteurs et actrices connaissent les webtoons et sont prêts à jouer les rôles, ce qui est une force pour le casting", explique à l'AFP Park Soon-tae, producteur de séries K-drama.

Si les adaptations de webtoons en séries télévisées se multiplient, nombre de lecteurs restent fidèles au format original.

La lecture en ligne permet aux "histoires de se développer et d'évoluer en temps réel à mesure que le lecteur fait défiler les pages", souligne le PDG Junkoo Kim dans sa lettre déposée auprès du gendarme américain de la Bourse (SEC).

De BD à série télévisée 

Sur les 14 séries sud-coréennes lancées par Netflix l'an dernier, au moins sept étaient inspirées de webtoons.

"L'un de nos objectifs est de trouver des histoires plus courtes, peu explorées, qui trouvent un écho auprès des fans de webtoons et de nouveaux publics dans le monde entier", déclare à l'AFP Keo Lee, directeur des contenus de Netflix en Corée du Sud.

De nombreux thèmes sont abordés dans ces oeuvres. Mais les auteurs se sont particulièrement intéressés au "désespoir des jeunes générations", souligne Dal Yong Jin, auteur du livre "Understanding Korean Webtoon Culture" (Comprendre la culture des webtoons coréens) paru en 2022 aux éditions Harvard University Asia Center.

"Money Game", l'un des deux webtoons de Bae Jin-soo qui ont inspiré la série sud-coréenne "The 8 Show" diffusée sur Netflix, raconte l'histoire d'un jeune homme criblé de dettes après avoir investi en cryptomonnaies.

Lui et sept autres personnes décident de participer à un jeu dans lequel ils doivent survivre 100 jours dans un espace fermé, qui ne dispose même pas de toilettes, pour remporter un prix.

Dans ce jeu, le coût de la vie est 1.000 fois plus élevé que dans le monde réel, mais chaque centime dépensé par les participants est déduit de la récompense finale.

Pour l'auteur, "la chose la plus difficile est d'abandonner ce que l'on a". "Etant parti de tout en bas, même les plus petits gains m'ont toujours apporté de la joie", dit-il.


L'Autorité saoudienne du tourisme a marqué sa première participation au Cannes Lions pour promouvoir un nouvel élan créatif dans le pays

L'Autorité saoudienne du tourisme a fait ses débuts lundi au Cannes Lions International Festival of Creativity (Photo fournie).
L'Autorité saoudienne du tourisme a fait ses débuts lundi au Cannes Lions International Festival of Creativity (Photo fournie).
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  • Le PDG de l'organisation, Fahd Hamidaddin, souligne le potentiel du secteur créatif en tant que levier essentiel du tourisme dans le Royaume
  • Il encourage les partenaires internationaux à s’associer aux autorités pour créer des œuvres susceptibles d'être primées

LONDRES: L'Autorité saoudienne du tourisme a fait ses débuts lundi au Cannes LionsInternational Festival of Creativity, où elle met en avant le secteur créatif dynamique du Royaume en tant que levier essentiel du tourisme.

Fahd Hamidaddin, le PDG de l'organisation, a mis en avant l’engagement des autorités saoudiennes à placer la créativité et l'innovation au cœur de leurs efforts de diversification de l'économie nationale. Il a également souligné le rôle crucial que ce secteur peut jouer dans la perception mondiale de l'Arabie saoudite et dans la promotion des récents changements spectaculaires du Royaume.

«Le récit est quelque chose que l’Arabie a toujours chéri et la créativité constitue le phare de notre avenir; c'est la beauté de l'imagination rencontrant l'innovation», a confié M. Hamidaddin lors du discours d'ouverture de cet événement de cinq jours en France.

«Nous vivons une transformation qui voit l'Arabie saoudite, autrefois dépendante du pétrole, évoluer vers une économie diversifiée à croissance accélérée et s'affirmer comme un acteur central sur la scène mondiale, tant sur le plan économique que social et créatif.»

Il a également souligné divers progrès culturels et développements récents survenus dans le paysau cours des dernières années, qui témoignent des ambitions croissantes du pays à l’échelle mondiale, y compris les expositions d'art et un secteur de divertissement florissant, avec des participations du pays aux Oscars et au Festival de Cannes.

M. Hamidaddin a noté la montée en puissance du nombre de créateurs, aussi bien locaux qu’étrangers, ce qui contribue au développement de ce secteur en Arabie saoudite. Il a égalementlancé une invitation ouverte à davantage de collaborateurs pour explorer les opportunités departenariat avec les autorités saoudiennes et créer des œuvres dignes de reconnaissance par leFestival Cannes Lions.

«Si vous croyez connaître l'Arabie saoudite, réfléchissez-y à deux fois», a-t-il ajouté. «Même les Saoudiens ne la reconnaissent pas au milieu des changements et transformations qui s’opèrent chaque jour.»

Le Cannes Lions International Festival of Creativity a débuté le 17 juin et se poursuivra jusqu'au 21 juin.


A Tunis, une fresque murale met au premier plan les habitants «  invisibles »

Porteurs de handicaps, jeunes décrocheurs scolaires, une centaine d'"invisibles" sont sortis de l'ombre grâce à une fresque murale baptisée "1001 briques", une oeuvre d'art collective inaugurée dans la médina de Tunis, joyau du monde arabe. (AFP).
Porteurs de handicaps, jeunes décrocheurs scolaires, une centaine d'"invisibles" sont sortis de l'ombre grâce à une fresque murale baptisée "1001 briques", une oeuvre d'art collective inaugurée dans la médina de Tunis, joyau du monde arabe. (AFP).
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  • Plus de 550 personnes de tous horizons ont participé pendant un an à des dizaines d'ateliers pour créer un immense bas-relief de briques sculptées et peintes
  • Anne Francey, une artiste suisse de 68 ans mariée à un Tunisien, a fait le pari d'un "projet d'art participatif" pour révéler les talents de "groupes extrêmement divers"

TUNIS: Porteurs de handicaps, jeunes décrocheurs scolaires, une centaine d'"invisibles" sont sortis de l'ombre grâce à une fresque murale baptisée "1001 briques", une oeuvre d'art collective inaugurée dans la médina de Tunis, joyau du monde arabe.

Plus de 550 personnes de tous horizons ont participé pendant un an à des dizaines d'ateliers pour créer un immense bas-relief de briques sculptées et peintes, installé sur une placette de la vieille ville, site protégé par l'Unesco depuis 1979.

Anne Francey, une artiste suisse de 68 ans mariée à un Tunisien, a fait le pari d'un "projet d'art participatif" pour révéler les talents de "groupes extrêmement divers", particulièrement "les invisibles, tous ces gens un peu en marge de la société ou qui ont des handicaps" et qu'en Tunisie, "on a tendance à ne pas vraiment reconnaître ou à garder cachés".

"Même avec un grand handicap, l'enfant laisse ses empreintes et sa signature dans son objet. Il ne doit pas se dire +je ne peux pas+: il faut vivre le moment, créer de l'âme dans l'objet", explique à l'AFP, pendant un atelier, Mohamed Boulila, 52 ans, formateur au centre Agim à Tunis qui accueille des jeunes atteints de troubles moteurs.

"On a le pouvoir de faire les choses en dépit de tout et de montrer à la société qu'il ne faut pas uniquement nous considérer comme des handicapés", ajoute M. Boulila, lui-même touché par cette condition, en montrant comment transformer une brique en porte, fenêtre ou habitation.

Educatrice à l'Agim depuis 33 ans, Samia Souid, 56 ans, estime que la participation de ces jeunes à une oeuvre comme "1001 Briques, la ville dans tous ses états" les aide "à s'exprimer, à dire j'existe. Parce qu'il y a parmi eux des enfants qui ne peuvent pas parler mais ils livrent leurs sentiments, leurs idées".

Dans ce projet où chacun "imagine une cité métaphorique", les jeunes de l'Agim ont conçu "la ville du défi", "de très belles briques qu'ils ont grattées, sculptées avec leurs propres moyens, pour un résultat très proche d'expressions d'art contemporain comme (celles de l'Américain) Cy Twombly", estime Anne Francey.

Après "1001 Mains" une fresque de céramiques réalisée en 2019 à Tunis, "1001 briques" s'inspire encore des "Mille et Une Nuits", "de quelque chose qui continue indéfiniment et de récits qui s'entrecroisent", explique l'artiste, soutenue par des mécènes suisses, qui a choisi la brique en argile pour sa disponibilité et sa large utilisation dans la construction en Tunisie.

 

- "Plus d'animation" -

 

Le principe de ces "projets participatifs" consiste selon Mme Francey à "échapper à la verticalité du savoir-faire artistique, du grand maître qui dessine sur les murs tandis que les autres remplissent des formes préétablies".

Mélanger les créations de "gens de tout statut social", de jeunes en réinsertion comme d'étudiants en architecture ou en art, c'est aussi "une manière de se rassembler autour d'un projet constructif qui fait rêver à une société harmonieuse malgré les difficultés que traverse le pays", dit-elle.

Plus largement, "1001 Briques" a pour objectif de valoriser l'espace public alors que la placette où la fresque est installée a subi moult vicissitudes au fil des siècles, devenant même temporairement un parking et une décharge, avant une lente renaissance depuis 2021.

Raouf Haddad, né dans ce quartier populaire il y a 42 ans, vient tous les jours vérifier la pose de l'oeuvre et donner un coup de main. "Il faudrait que toute la médina se transforme ainsi. Il y a des toits qui s'effondrent, des murs et des ruelles où les gens ne peuvent pas passer, dépourvues d'illumination publique", décrit-il.

Il prédit à la place Sidi Mfarrej un destin similaire à l'Allée Batman, un passage autrefois ignoré de San Paulo au Brésil qui, grâce au street-art, est devenu une attraction touristique internationale.

Pour le moment, ce qui compte pour Firas Khlifi, 28 ans, responsable associatif d'un jardin de sensibilisation des enfants au réchauffement climatique sur la placette, c'est que "1001 briques va drainer de nouveaux projets" dans un quartier qui regorge "d'espaces publics délaissés et non exploités".

La fresque "apportera plus d'animation car il y a des festivals" dans la médina chaque année susceptibles d'utiliser la place pour des performances artistiques ou des expositions, selon M. Khlifi.