Européennes: jour de vote, le RN part largement favori

Des bénévoles du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN) collent des affiches de campagne du président du parti et principal candidat aux élections européennes, Jordan Bardella, à Lyon le 6 mai 2024, avant les élections européennes du 9 juin. (Photo Jeff Pachoud AFP)
Des bénévoles du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN) collent des affiches de campagne du président du parti et principal candidat aux élections européennes, Jordan Bardella, à Lyon le 6 mai 2024, avant les élections européennes du 9 juin. (Photo Jeff Pachoud AFP)
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Publié le Dimanche 09 juin 2024

Européennes: jour de vote, le RN part largement favori

  • Derrière le parti d'extrême droite, les jeux ne semblent pas faits entre la liste de la majorité présidentielle et celle du Parti socialiste, tandis que La France insoumise (LFI) a amorcé une remontée sensible dans les derniers jours de campagne
  • En Nouvelle-Calédonie, en raison du couvre-feu imposé à la suite des récentes violences, les bureaux de vote ouvriront une heure plus tôt que d'habitude à 22H00 (07H00 locales) dimanche

PARIS  : Les Français ont commencé à voter dimanche en métropole pour élire leurs eurodéputés, au terme d'une campagne dominée par le Rassemblement national (RN), qui pourrait réaliser un score historique et infliger un revers cinglant à Emmanuel Macron, deux ans après sa réélection.

Après certains territoires d'Outre-mer dès samedi, comme la Polynésie, les bureaux de vote ont ouvert à 08H00 en métropole.

En Nouvelle-Calédonie, le scrutin se déroule sous haute sécurité, trois semaines et demie après le début des émeutes qui ont secoué l'archipel du Pacifique sud. "92% des bureaux de vote" ont pu ouvrir à 7H00 locales (22H00 samedi à Paris), selon le haut-commissariat de la République. A midi, heure locale, le taux de participation était en très légère hausse par rapport au scrutin de 2019 (8,81% contre 8,13%).

Les instituts de sondage communiqueront leurs premières estimations de résultats à 20H00 (en métropole) à la fermeture des derniers bureaux des grandes villes.

Sur pas moins de 38 listes, au mieux sept d'entre elles semblent susceptibles de franchir le seuil de 5% requis.

Plus de 49 millions de Français sont appelés à se rendre aux urnes pour élire leurs 81 eurodéputés, qui siègeront pour les cinq années à venir au Parlement européen (720 membres au total).

Une vingtaine d'autres pays sont appelés dimanche à élire leurs représentants au Parlement européen où l'extrême droite est attendue en force.

En France, si les courbes des sondages ont peu varié, deux facteurs peuvent créer des surprises: d'une part la participation, qui pourrait dépasser les 50,12% de 2019; d'autre part l'incertitude du choix, 15 à 20% des électeurs se disant capables de changer d'avis jusque dans l'isoloir.

Dans tous les scénarios, la victoire semble promise à la liste de Jordan Bardella qui caracole en tête des sondages depuis des mois et pourrait augmenter de près de dix points son score déjà haut de 2019 (23,34%).

En y ajoutant les 5,5% prêtés en moyenne à la liste Reconquête de Marion Maréchal et les "petites listes" souverainistes (Asselineau, Philippot...), l'extrême droite pourrait frôler les 40% et s'imposer dans des électorats jusque-là rétifs, retraités ou cadres.

Le patron du RN a fait de cette élection un "référendum anti-Macron" avant la présidentielle de 2027. "Chaque jour qui passe, nous nous préparons à exercer le pouvoir", a commenté le leader d'extrême droite vendredi, dernier jour de campagne.

Surfant sur sa popularité à coups de selfies et de vidéos sur les réseaux sociaux, Jordan Bardella a bénéficié des sujets jugés prioritaires par les Français, comme le pouvoir d'achat et l'immigration, sans être pénalisé par la guerre en Ukraine ou le débat un peu laborieux face à Gabriel Attal.

La majorité sur la défensive 

En face, la majorité a tenté de démonter ce qu'elle appelle le "Frexit caché" du RN qui souhaite pouvoir constituer une "minorité de blocage" au Parlement européen sur des sujets comme "l'écologie punitive".

Mais la liste menée par Valérie Hayer, eurodéputée sortante peu connue, a peiné à mobiliser l'électorat pro-européen d'Emmanuel Macron.

Ceci en dépit des interventions multiples du chef de l'Etat, depuis son discours de la Sorbonne sur l'avenir de l'Europe jusqu'à son interview télévisée le soir des commémorations du Débarquement, jeudi, au grand dam de la gauche et de LR qui l'ont accusé d'installer un "faux duel" face au RN.

Dissolution, remaniement, coalition avec les Républicains... Jusqu'à présent, le chef de l'Etat a semblé écarter toute conséquence "nationale" de ce scrutin "européen" et pourrait renvoyer tout cela à l'automne après les Jeux olympiques.

En attendant, le président doit voter à la mi-journée au Touquet et passera ensuite la soirée électorale à l'Elysée, entouré de conseillers. Il n'est pas exclu qu'il réunisse aussi les chefs du camp présidentiel.

Donnée autour de 15% (contre 22,42% en 2019), la liste de la majorité est même sous la menace de celle du PS-Place publique de Raphaël Glucksmann, qui l'a concurrencée sur le champ pro-européen et qui devrait enregistrer une nette progression par rapport à son score de 6,19% en 2019.

Ambiance tendue à gauche 

L'avance de cette liste sur celle de LFI sera scrutée de près. Manon Aubry a durement attaqué pendant la campagne en accusant Raphaël Glucksmann de "trahir" l'alliance de gauche Nupes.

Jean-Luc Mélenchon compte sur une dynamique favorable dans une fin de campagne marquée par des coups d'éclat à l'Assemblée sur le soutien à Gaza pour tenter de mobiliser un électorat jeune et aller au-delà des enquêtes les plaçant autour de 8,5% (contre 6,31% en 2019).

Les écologistes pourraient faire les frais de cette "guerre des gauches". Donnée autour de 5%-6%, Marie Toussaint espère que les sondages les auront sous-estimés, comme en 2019 où Yannick Jadot s'était envolé à 13,48%. Le Parti communiste, mené par Léon Deffontaines, aura toutes les difficultés à atteindre les 5%.

A droite, en dépit de quelques coups d'éclat, la tête de liste LR François-Xavier Bellamy aura du mal à dépasser les 8,48% de 2019, qui avaient ouvert une crise au sein du parti.

Au sein des "petites" listes, seul le Parti animaliste semble en mesure de confirmer sa percée de 2019 (2,2%).

Dernier jour du marathon électoral pour redessiner le paysage politique de l'UE

La Grèce a commencé à voter dimanche, avant une vingtaine d'autres pays de l'UE, pour choisir ses eurodéputés, clôturant un marathon électoral susceptible de redessiner les équilibres politiques d'un Parlement européen où l'extrême droite est attendue en force.

Les bureaux de vote ont ouvert leurs portes dimanche à 07H00 (04H00 GMT) en Grèce, avant que la plupart des autres pays de l'Union européenne, dont la France et l'Allemagne, ne débutent aussi cette dernière journée de scrutin.

A l'issue d'une campagne au climat tendu par la guerre en Ukraine et les soupçons de désinformation russe, de forts scores des droites radicales, nationalistes et eurosceptiques pourraient compliquer les majorités dans l'hémicycle et reconfigurer les alliances.

Au total, plus de 360 millions d'Européens sont appelés aux urnes pour désigner 720 membres du Parlement européen. Les Pays-Bas avaient donné le coup d'envoi jeudi en confirmant, selon des estimations, une poussée du parti d'extrême droite de Geert Wilders.

En Italie, où le vote a débuté samedi et se poursuivait dimanche, le parti post-fasciste Fratelli d'Italia (FDI) de la cheffe de gouvernement Giorgia Meloni est grand favori et pourrait envoyer 22 eurodéputés dans l'hémicycle, contre six actuellement.

Les résultats dans les deux plus grands pays de l'Union seront également scrutés. Les sondages prédisent en France une victoire historique du Rassemblement national (RN) dirigé par Jordan Bardella, loin devant la liste du parti du président Emmanuel Macron.

Les conservateurs allemands devraient, eux, arriver largement en tête (30,5% selon un sondage) dans un revers cuisant pour le chancelier socialiste Olaf Scholz. Mais les socialistes et Verts bataillent pour la seconde place avec l'AfD, parti d'extrême droite capitalisant sur une conjoncture morose.

Et ce même si l'AfD a vu s'effriter ses gains attendus au fil des scandales éclaboussant sa tête de liste - soupçonné de financements russe et chinois -, qui l'ont fait exclure du groupe auquel il appartenait au Parlement européen aux côtés du RN.

Equilibres bousculés 

En Autriche, le Parti de la liberté (FPÖ) d'extrême droite s'imposer pour la première fois en tête d'une élection, et en Pologne, la coalition centriste pro-européenne du Premier ministre Donald Tusk s'annonce à quasi-égalité avec le parti nationaliste populiste Droit et Justice (PiS) suivis du parti d'extrême droite Konfederacja, très eurosceptique.

Alors que les eurodéputés adoptent les législations de concert avec les Etats, l'essor des droites radicales pourrait influer sur des dossiers cruciaux : défense contre une Russie expansionniste, politique agricole, objectif climatique 2040, poursuite des mesures environnementales...

Cette élection "va déterminer les cinq prochaines années", a assuré samedi Mme Meloni, qui a réaffirmé vouloir "défendre les frontières contre l'immigration illégale, protéger l'économie réelle, lutter contre la concurrence déloyale".

Alors que les équilibres issus des élections détermineront aussi l'attribution des postes dirigeants dans l'UE, la dirigeante italienne pourrait jouer un rôle crucial pour la reconduction d'Ursula von der Leyen, issue du PPE (droite), comme présidente de la Commission européenne.

Sa nomination, qui doit être validée par les dirigeants des Vingt-Sept puis par le Parlement, n'est pas acquise.

Si le PPE devrait rester la première force au Parlement (quelque 170 sièges selon les sondages), suivi des sociaux-démocrates (quelque 140 sièges attendus), l'enjeu est la troisième position où Renew Europe (libéraux, comprenant le parti Renaissance d'Emmanuel Macron) se voit menacé par la montée des deux groupes de droite radicale, ECR (qui comprend Fratelli d'Italia) et ID (qui inclut le RN français).

Les extrêmes droites divisées sur la Russie 

La "grande coalition" actuelle droite/socialistes/libéraux, qui forge les compromis dans l'hémicycle, devrait conserver la majorité mais voir sa marge de manœuvre réduite, l'obligeant à trouver des forces d'appoint et augurant d'intenses tractations.

Giorgia Meloni est courtisée par Mme von der Leyen qui voit en elle une partenaire fréquentable, pro-européenne et pro-Ukraine. Mais aussi par la figure de proue du RN Marine Le Pen, qui rêve de constituer un grand groupe nationaliste recoupant des membres d'ECR et d'ID.

Une perspective très incertaine : s'ils partagent un euroscepticisme et un souverainisme affichés, leur éventuelle fusion reste compliquée par d'importantes divergences en particulier sur la Russie.

A l'inverse de Giorgia Meloni mais aussi des partis de droite radicale en Pologne, le Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban, dont le parti Fidesz est crédité de 50%, a mené une campagne hostile à l'aide à Kiev et alarmiste sur les risques d'emballement du conflit, désignant l'UE et l'Otan comme coupables et éclipsant le rôle de Moscou, dont M. Orban est proche.

Dans la Slovaquie voisine, la tentative d'assassinat contre le Premier ministre Robert Fico a renforcé le soutien à son camp aux penchants pro-Poutine.

De quoi gripper les négociations au niveau européen, à l'heure où les Vingt-Sept cherchent à renforcer leur industrie de défense tout en peinant à dégager les fonds nécessaires.

Dans la foulée du scrutin européen, les questions de Défense s'imposeront au sommet du G7 du 13 au 15 juin en Italie.


Législatives: la campagne très polarisée attise les violences

Le député sortant Nicolas Metzdorf prononce un discours lors d'un meeting de campagne pour les élections législatives à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, le 26 juin 2024. (AFP)
Le député sortant Nicolas Metzdorf prononce un discours lors d'un meeting de campagne pour les élections législatives à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, le 26 juin 2024. (AFP)
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  • Au-delà des tracts piétinés, plusieurs candidats et militants de tous bords ont été agressés, physiquement ou verbalement
  • Candidate Renaissance dans le Val-de-Marne, Shannon Seban a porté plainte pour injure raciste, affirmant avoir été traitée de «sale sioniste» par des «partisans de l'extrême gauche» dimanche à Ivry-sur-Seine

PARIS: Plusieurs candidats et militants ont été agressés alors qu'ils faisaient campagne pour les élections législatives, dans un contexte d'antagonismes exacerbés entre les blocs Rassemblement national, Nouveau Front populaire et camp macroniste, qui s'accusent mutuellement de violences.

"Quand je distribue des tracts sur les marchés, des gens les chiffonnent et les jettent en me lançant: +On ne veut pas de vous!+. Je n'ai jamais vu ça. Avant, ils les prenaient même s'ils ne votaient pas pour nous, ils restaient polis", raconte à l'AFP Fatiha Keloua Hachi, députée socialiste sortante et candidate du NFP en Seine-Saint-Denis.

Au-delà des tracts piétinés, plusieurs candidats et militants de tous bords ont été agressés, physiquement ou verbalement.

Cette campagne éclair, "très, très polarisée", avec "un fort enjeu" et "deux blocs antagonistes", a "réactivé des comportements exacerbés", analyse pour l'AFP Luc Rouban, politologue au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).

Candidate Renaissance dans le Val-de-Marne, Shannon Seban a porté plainte pour injure raciste, affirmant avoir été traitée de "sale sioniste" par des "partisans de l'extrême gauche" dimanche à Ivry-sur-Seine.

Jeudi dernier, le parquet de Saint-Étienne (Loire) a ouvert une enquête pour "violence en réunion" après "une bousculade, des insultes et des projections d'eau et de farine" visant le candidat RN Hervé Breuil sur un marché. La cheffe de file du parti Marine Le Pen avait pointé des "milices d'ultragauche, soutiens du Nouveau Front populaire".

Plusieurs militants de gauche déplorent, eux, des agressions attribuées à l'extrême droite. Un homme distribuant des tracts du NFP à Bordeaux a déposé une plainte samedi, après avoir frappé par un homme affirmant "supporter (Jordan) Bardella".

Dans les Hauts-de-Seine, la députée écologiste sortante Sabrina Sebahi assure que des "militants" du RN ont "insulté et menacé une militante du Nouveau Front populaire, âgée", samedi à Nanterre, quand le candidat NFP dans le Val-de-Marne Joao Martins Pereira (PS) a fait état d'une "violente agression" de militants sur un marché de Maisons-Alfort, par "des hommes d'extrême droite, tout de noir vêtus".

Dans cette atmosphère pesante, l'élue écologiste parisienne Raphaëlle Rémy-Leleu, témoin samedi de propos racistes visant un candidat de gauche, a fait passer des consignes aux militants de son parti, mêlant prudence et "bons réflexes" en cas de violences.

«Climat éruptif»

Noë Gauchard, candidat NFP dans le Calvados, a vu ses affiches barrées d'un tag "SS". Lui aussi constate auprès de l'AFP que "les agressions verbales se produisent quasiment tous les jours sur les tractages, les marchés.

Pour le politologue Luc Rouban, cette campagne présente une configuration inédite depuis la guerre d'Algérie, quand les pro et les anti-indépendance de la colonie française se déchiraient.

L'auteur de l'ouvrage "Les racines sociales de la violence politique" (2024) estime que la violence s'est accrue avec les mobilisations des "gilets jaunes" et contre la réforme des retraites, et surtout depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre.

Selon lui, ces crises ont réactivé "le clivage droite-gauche", la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron le 9 juin ayant acté la "disparition" des "modérés des deux côtés".

Sur le terrain, "on sent la nation fracturée", confirme, "inquiète", Fatiha Keloua Hachi.

Du côté des sondeurs également, on perçoit de la violence dans les réponses tranchées des Français: beaucoup de "pas du tout" ou de "très".

La directrice de BVA Opinion Christelle Craplet évoque pour l'AFP un "climat éruptif", en particulier "des propos très violents" dans les réponses aux questions ouvertes sur Emmanuel Macron.

Ce dernier brandit lui-même le spectre d'une "guerre civile" en cas de victoire des "deux extrêmes", quand Marine Le Pen a accusé encore mercredi "l'extrême gauche (qui) depuis toujours agit par la violence" et pourrait selon elle contester dans la rue la victoire du RN aux législatives.


Législatives: au soir du 7 juillet, un saut dans l'inconnu ?

(De gauche à droite) Le président du parti d'extrême droite français Rassemblement National (RN) et député européen Jordan Bardella, le Premier ministre français Gabriel Attal et le député français du parti de gauche La France Insoumise (LFI) Manuel Bompard lors d'un débat politique diffusé sur la chaîne de télévision française TF1, le 25 juin 2024, avant les élections anticipées en France pour une nouvelle Assemblée nationale les 30 juin et 7 juillet 2024. (Photo de Stefano RELLANDINI / AFP )
(De gauche à droite) Le président du parti d'extrême droite français Rassemblement National (RN) et député européen Jordan Bardella, le Premier ministre français Gabriel Attal et le député français du parti de gauche La France Insoumise (LFI) Manuel Bompard lors d'un débat politique diffusé sur la chaîne de télévision française TF1, le 25 juin 2024, avant les élections anticipées en France pour une nouvelle Assemblée nationale les 30 juin et 7 juillet 2024. (Photo de Stefano RELLANDINI / AFP )
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  • Dans la majorité macroniste, on entend plutôt ouvrir des négociations en vue d'une coalition d'un nouveau genre, dans le sens d'une «fédération de projets» prônée par M. Macron après la dissolution
  • Les disparités des Républicains jusqu'à La France insoumise risquent fort d'être irréconciliables aux yeux de nombreux observateurs

PARIS: En l'absence possible de majorité claire à l'Assemblée nationale au soir du 7 juillet après les législatives, la France risque de basculer dans une période d'incertitude politique, avec une indécise recherche de coalition. Une "reparlementarisation" qui pourrait aussi se solder par un blocage institutionnel.

Depuis la dissolution prononcée le 9 juin par le président Emmanuel Macron, la plupart des projections des sondages vont dans le même sens: un hémicycle sans majorité absolue pour l'un des trois blocs - Rassemblement national, Nouveau Front populaire ou camp présidentiel.

Retour du parlementarisme 

Chargé constitutionnellement de nommer son Premier ministre, le président de la République aura alors devant lui un certain dilemme: désigner le leader du parti vainqueur pour Matignon ? Ou tenter de dégager une option alternative rassemblant une partie des deux autres blocs ?

"Nécessairement, quel que soit le camp qui sera élu, il y aura un avant et un après. Cela nous rapproche quelque part un peu des régimes parlementaires" comme l'Allemagne, l'Italie ou les Pays-Bas, a remarqué ces derniers jours le Premier ministre Gabriel Attal, qui se sait sur la sellette mais espère continuer l'aventure.

"Les frontières des partis vont encore bouger de manière considérable après le 7 juillet. Avec autant d'incertitudes, toutes les conjectures peuvent être immédiatement caduques", résume auprès de l'AFP Camille Bedock, chercheuse du CNRS au centre Emile Durkheim à Bordeaux.

L'hypothèse d'une cohabitation avec le RN, en tête des sondages, est néanmoins atténuée ces derniers jours depuis que son président Jordan Bardella a prévenu qu'il refuserait Matignon s'il ne disposait pas de majorité absolue à l'Assemblée nationale.

Coalition alternative ? 

En effet, même avec un peu moins des 289 sièges nécessaires à celle-ci, le risque d'être renversé par une motion de censure votée par tous les autres groupes de l'hémicycle serait sérieux pour le patron du parti à la flamme.

Dans la majorité macroniste, on entend plutôt ouvrir des négociations en vue d'une coalition d'un nouveau genre, dans le sens d'une "fédération de projets" prônée par M. Macron après la dissolution.

"Les modérés - on verra leur champ - ont la responsabilité de tenter quelque chose ensemble quand même", glisse un député Renaissance sortant, favorable à "un gouvernement de responsabilité", quitte à faire des concessions à la gauche si celle-ci termine deuxième.

Mais les disparités des Républicains jusqu'à La France insoumise risquent fort d'être irréconciliables aux yeux de nombreux observateurs. "Le risque, c'est une situation où personne n'est en mesure de gouverner", affirme Camille Bedock.

Gouvernement technique ? 

Pour la politologue, s'ouvrirait alors une "période de reparlementarisation", comme celle vécue aux Pays-Bas ces derniers mois ou en Belgique, restée sans gouvernement pendant de longues périodes en 2007-2008 puis 2010-2011.

Le président de la République pourrait alors opter pour "un gouvernement intérimaire chargé d'expédier les affaires courantes pendant un an", délai constitutionnel avant de pouvoir dissoudre à nouveau l'Assemblée nationale. Avec un potentiel statu quo maintenant l'équipe en place, hypothèse favorisée par l'ouverture quasiment immédiate des Jeux olympiques.

Autre option, "une solution technique, un gouvernement apolitique", reprend Camille Bedock, citant l'exemple italien de Mario Draghi (2021-2022). Celui-ci avait obtenu le soutien de la quasi-totalité du Parlement, "les partis y trouvant l'avantage de voir menées des réformes impopulaires sans en prendre la responsabilité politique".

L'hypothèse du gouvernement technique est envisagée dans le camp Macron. "Le président (Macron) devra faire preuve de beaucoup d'ingéniosité", pointe un de ses soutiens historiques, qui avoue "redouter le scénario du vide, du chaos, sans majorité absolue".

Il faudrait à Matignon "une personnalité connue, respectée, sans marquage politique", reprend un autre cadre de la coalition Ensemble.

La démission, dernier recours ? 

Mais le RN ou la gauche avaliseraient-ils un tel choix d'Emmanuel Macron, lui-même souvent étiqueté comme "technocrate" ? Les oppositions préfèrent à ce stade agiter le spectre de la démission.

Il ne lui "restera que la démission pour sortir potentiellement d'une crise politique", a insisté Marine Le Pen (RN) ces derniers jours, assurant néanmoins qu'elle n'appellera pas elle-même le président Macron à s'en aller.

"Ce président de la République, s'il a si peur du chaos, pourquoi ne démissionne-t-il pas", a également interrogé mardi l'eurodéputée insoumise Manon Aubry sur Sud Radio.

Jusque-là, le chef de l'Etat a toujours évacué catégoriquement cette hypothèse, promettant encore lundi "d'agir jusqu'en mai 2027 comme président", dans une lettre aux Français publiée dans la presse régionale.


Le camp présidentiel vers le "ni RN ni LFI" au second tour, mais Macron doit encore trancher

Une femme passe devant les affiches électorales pour les prochaines élections législatives françaises à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, le 25 juin 2024, avant les élections anticipées pour une nouvelle assemblée nationale les 30 juin et 7 juillet 2024. (Photo, AFP)
Une femme passe devant les affiches électorales pour les prochaines élections législatives françaises à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, le 25 juin 2024, avant les élections anticipées pour une nouvelle assemblée nationale les 30 juin et 7 juillet 2024. (Photo, AFP)
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  • Les participants ont acté "l'idée qu'il faut continuer de montrer l'inanité des programmes notamment sur le plan économique
  • "On combat le RN et La France insoumise et on propose un autre choix aux Français que les extrêmes, en prônant un vote utile dès le premier tour", a insisté un cadre de la majorité

PARIS: Les ténors du camp présidentiel ont discuté mardi de la "stratégie de la campagne" et ont semblé se diriger vers un mot d'ordre "ni RN, ni LFI" au second tour des législatives, même si Emmanuel Macron n'a pas encore tranché, a-t-on appris auprès de participants.

La réunion s'est tenue par téléconférence, ont-ils précisé à l'AFP, confirmant une information du Parisien. Autour du chef de l'Etat, ont participé le Premier ministre Gabriel Attal, les chefs des partis du camp présidentiel (Stéphane Séjourné, François Bayrou, Edouard Philippe, Hervé Marseille et Laurent Hénart), la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet et quelques ministres (Gérald Darmanin, Bruno Le Maire et Rachida Dati).

Les participants ont acté "l'idée qu'il faut continuer de montrer l'inanité des programmes notamment sur le plan économique, avec un risque de confiscation fiscale qui se ferait au grand jour pour le Nouveau Front populaire, et de manière dissimulée pour le Rassemblement national", a dit cette source.

Ils se sont accordés de continuer à "développer aussi" le "sérieux" et "l'ambition" de la majorité sortante.

"Le sujet du second tour a été évoqué par les participants", et du tour de table est plutôt ressorti un consensus pour une stratégie "ni RN, ni LFI", "sans que le président ne tranche", a expliqué un des participants.

Un autre a expliqué qu'à cet égard, les poids lourds de la Macronie avaient "convenu de se reparler pendant le week-end et dans la journée de lundi pour arrêter les choses", sans "rien caler" de définitif à ce stade.

"On combat le RN et La France insoumise et on propose un autre choix aux Français que les extrêmes, en prônant un vote utile dès le premier tour", a insisté ce cadre de la majorité. "Ça desservirait nos candidats de dire ce qu'on va faire pour le second tour", a-t-il ajouté, évoquant une possible "stratégie circonscription par circonscription".