Gaza: des Palestiniens fuient Rafah au 76e anniversaire de la Nakba

Dans la ville de Gaza, dans le nord du territoire, au moins cinq personnes, dont une mère et son enfant, ont été tuées et d'autres blessées mardi soir dans deux frappes aériennes israéliennes, selon la défense civile palestinienne. (AFP).
Dans la ville de Gaza, dans le nord du territoire, au moins cinq personnes, dont une mère et son enfant, ont été tuées et d'autres blessées mardi soir dans deux frappes aériennes israéliennes, selon la défense civile palestinienne. (AFP).
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Publié le Mercredi 15 mai 2024

Gaza: des Palestiniens fuient Rafah au 76e anniversaire de la Nakba

  • Durant la Nakba, environ 760.000 Arabes de Palestine ont fui ou ont été chassés de chez eux pour se réfugier dans les pays voisins ou ce qui allait devenir la Cisjordanie et la bande de Gaza, selon l'ONU
  • "Gaza ne s'agenouillera pas devant les chars et les canons", ont scandé mardi des Palestiniens, venus par milliers à une marche annuelle dans les ruines de villages du nord d'Israël dont les habitants arabes ont été chassés en 1948

RAFAH: Des dizaines de milliers de civils continuent de fuir mercredi la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, pilonnée par Israël et menacée d'une offensive terrestre d'envergure, le jour où les Palestiniens marquent l'anniversaire de la Nakba, la "Catastrophe" que fut pour eux la création d'Israël en 1948.

Durant la Nakba, environ 760.000 Arabes de Palestine ont fui ou ont été chassés de chez eux pour se réfugier dans les pays voisins ou ce qui allait devenir la Cisjordanie et la bande de Gaza, selon l'ONU.

"Gaza ne s'agenouillera pas devant les chars et les canons", ont scandé mardi des Palestiniens, venus par milliers à une marche annuelle dans les ruines de villages du nord d'Israël dont les habitants arabes ont été chassés en 1948.

Dans la bande de Gaza, assiégée et ravagée par les bombardements et les combats entre Israël et le Hamas, la population civile, déplacée plusieurs fois depuis le début de la guerre, est de nouveau sur les routes pour tenter de trouver un refuge, même si l'ONU affirme qu"il "n'y a pas d'endroit sûr à Gaza".

L'AFP a constaté dans la nuit des bombardements israéliens dans le centre et l'est de Rafah, ville située à la frontière égyptienne, menacée d'une offensive d'envergure et où s'entassent des centaines de milliers de Palestiniens, en grande majorité des déplacés.

Dans la ville de Gaza, dans le nord du territoire, au moins cinq personnes, dont une mère et son enfant, ont été tuées et d'autres blessées mardi soir dans deux frappes aériennes israéliennes, selon la défense civile palestinienne.

Réouverture immédiate

Au huitième mois de la guerre déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent sur le sol israélien du mouvement islamiste palestinien Hamas, 35.173 personnes sont mortes dans la bande de Gaza, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

L'armée israélienne est entrée avec des chars dans Rafah le 7 mai.

Depuis, le poste-frontière entre la bande de Gaza et l'Egypte reste fermé, alors qu'il est crucial pour les convois transportant de l'aide à une population menacée de famine à Gaza selon l'ONU.

Son secrétaire général, Antonio Guterres, a appelé mardi soir sur X "à la réouverture immédiate" du point de passage et à "l'acheminement sans entrave de l'aide humanitaire", et réitéré son appel à un "cessez-le-feu humanitaire immédiat à Gaza et à la libération de tous les otages".

Le Fatah, mouvement du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, a affirmé mardi soir qu'Israël avait proposé de confier la gestion du point de passage à l'Autorité palestinienne, qui exerce un pouvoir limité en Cisjordanie occupée. "Nous avons refusé", a déclaré un porte-parole à la chaîne al-Hadath.

Depuis que l'armée a ordonné aux civils de quitter les secteurs est à Rafah le 6 mai, "près de 450.000 personnes ont été déplacées de force", a indiqué l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa).

« Pression militaire »

Après l'attaque sanglante du 7 octobre, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a juré d'anéantir le Hamas qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007 et qu'il considère comme une organisation terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne.

Pour ce faire, il est déterminé à lancer une opération d'envergure à Rafah où sont retranchés selon lui les derniers bataillons du Hamas, au grand dam de la communauté internationale inquiète pour la population civile.

Au cours d'un appel mardi soir avec le conseiller américain à la sécurité nationale Jake Sullivan, le ministre israélien Benny Gantz a souligné qu'il était impératif d'"accroître la pression internationale sur le Hamas, tout en maintenant la pression militaire, pour parvenir à un accord permettant de libérer les otages et d'éliminer la menace du Hamas", a-t-il rapporté sur X.

Premier allié d'Israël, Washington s'oppose à une opération d'envergure à Rafah.

Mais une semaine après que le président américain Joe Biden a menacé de limiter l'aide militaire américaine à son allié à propos de Rafah, l'exécutif a notifié mardi le Congrès qu'il allait procéder à une livraison d'armes à Israël pour environ un milliard de dollars, a appris l'AFP de sources proches du dossier.

Le Congrès doit encore approuver cette livraison, d'après un responsable américain.

L'attaque du 7 octobre menée par des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza dans le sud d'Israël a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes, majoritairement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes. Plus de 250 personnes ont été enlevées durant l'attaque et 128 restent captives à Gaza, dont 36 seraient mortes, selon l'armée.

« Scandalisé »

En riposte, Israël a lancé des bombardements intenses suivis d'une offensive terrestre qui ont ravagé la bande de Gaza. Dans le sud du territoire côtier, un soldat israélien est mort mardi, selon l'armée, portant à 621 le nombre de ses membres tués depuis le début de la guerre.

D'après le Qatar, l'aide humanitaire ne parvient plus aux habitants de Gaza depuis le 9 mai. La police israélienne a ouvert une enquête après que des activistes ont bloqué et vandalisé en Israël des camions d'aides destinées à Gaza.

"Je suis scandalisé par les attaques répétées (...) d'extrémistes israéliens contre des convois d'aide", a réagi sur X le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, appelant Israël à réagir.

"Cela doit cesser", a écrit sur le même réseau social Philippe Lazzarini, patron de l'Unrwa, en dénonçant une nouvelle attaque menée à Jérusalem contre l'agence.

Pour faciliter la livraison d'aide humanitaire, l'armée américaine construit un port artificiel. Celui-ci sera opérationnel "dans les prochains jours", a fait savoir mardi le Pentagone.

La guerre à Gaza a également des répercussions à la frontière entre Israël et le Liban, théâtre d'échanges de tirs quotidiens entre les forces israéliennes et le mouvement libanais Hezbollah, qui soutient le Hamas.

L'armée israélienne a annoncé mercredi avoir tué la veille Hussein Makki, un commandant du Hezbollah dans les environs de Tyr, dans le sud du Liban. Elle a accompagné cette annonce d'une vidéo montrant une voiture en mouvement exploser après avoir été frappée depuis les airs. Une source proche de la formation islamiste pro-iraniene a confirmé la mort de M. Makki et d'une autre personne.

Plus tôt, l'armée avait annoncé qu'un civil israélien avait été tué et cinq soldats blessés dans le nord d'Israël par une roquette tirée depuis le Liban.

La "Résistance islamique en Irak", nébuleuse de combattants issus des groupes armés pro-Iran, a par ailleurs indiqué sur Telegram avoir lancé mardi une attaque de drone contre une "cible militaire" à Eilat, dans le sud d'Israël. L'armée israélienne a dit avoir "intercepté avec succès" deux engins approchant d'Israël depuis l'est.


Macron à Beyrouth: soutien ferme aux Libanais et leurs nouveaux dirigeants, pour une ère nouvelle

Le président français Emmanuel Macron serre la main de son homologue libanais Joseph Aoun au palais présidentiel de Baabda le 17 janvier 2025. Le 17 janvier, M. Macron a annoncé que Paris accueillerait dans les prochaines semaines une conférence internationale « pour la reconstruction du Liban » après une guerre entre le groupe militant Hezbollah et Israël. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron serre la main de son homologue libanais Joseph Aoun au palais présidentiel de Baabda le 17 janvier 2025. Le 17 janvier, M. Macron a annoncé que Paris accueillerait dans les prochaines semaines une conférence internationale « pour la reconstruction du Liban » après une guerre entre le groupe militant Hezbollah et Israël. (AFP)
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  • Pour affronter ces défis et amorcer l’écriture de la nouvelle page qui s’ouvre pour le pays, le président français estime qu’il faut s’adosser à trois piliers : restaurer la souveraineté, mettre le Liban sur la voie de la prospérité
  • C’est ce credo que Macron a déroulé lors de ses entretiens avec Aoun et qu’il a réitéré durant ses rencontres avec Salam et le chef du parlement libanais Nabih Berry

PARIS: En se rendant à Beyrouth, quelques jours après l’élection du nouveau président libanais Joseph Aoun et la désignation du nouveau premier ministre Nawaf Salam, le président français Emmanuel Macron a voulu confirmer que la France se tient fermement aux côtés du Liban et des Libanais, dans cette nouvelle ère qui s’ouvre.

C’est une ère porteuse de grands espoirs, pour un pays qui semblait voué au chaos, à cause de l’ineptie de sa classe politique et de ses luttes internes. C’est ce qu’il a voulu constater par lui-même en allant au contact des nouveaux dirigeants et du peuple libanais.

Mais c’est également une ère de défis complexes et difficiles, tant le Liban est fragilisé au niveau de ses institutions, de son économie et de son tissu social par des pratiques mercantiles et communautaires, les ingérences externes, puis récemment une guerre avec Israël qui a laissé une partie de son territoire en lambeaux.

Pour affronter ces défis et amorcer l’écriture de la nouvelle page qui s’ouvre pour le pays, le président français estime qu’il faut s’adosser à trois piliers : restaurer la souveraineté, mettre le Liban sur la voie de la prospérité et consolider son unité.

C’est ce credo que Macron a déroulé lors de ses entretiens avec Aoun et qu’il a réitéré durant ses rencontres avec Salam et le chef du parlement libanais Nabih Berry.

S’exprimant devant les journalistes à la suite de son tête-à-tête avec Aoun au palais présidentiel de Baabda il a souligné que la souveraineté passe par le respect du cessez-le-feu instauré entre le Liban et Israël le 26 novembre dernier et qu’il a qualifié de «succès diplomatique historique qui a permis de sauver des vies». Avec pour effet la nécessité de consolider le mécanisme de surveillance dont la France fait partie.

Cela implique une application stricte des engagements pris par les autorités israéliennes et libanaises dans le cadre de l'accord et dans les délais prévus.

 Soulignant que « des résultats ont été obtenus » à ce niveau, Macron a estimé qu’ils « doivent se fédérer, se confirmer dans la durée », avec « un retrait total des forces israéliennes, et un monopole total de l'armée libanaise sur les armes ».

C'est pourquoi ajoute Macron « nous soutenons, avec force la montée en puissance des forces armées libanaises et leur déploiement dans le sud du pays » tout en continuant à « consolider l'appui international en matière d'équipement de formation, et de soutien financier ».

Cet effort est soutenu par, la France à titre bilatéral et « je sais aussi que nos amis, l'arabie saoudite le Qatar les pays de la région sont prêts à faire davantage » ajoute-t-il, tout en travaillant « avec vous à la démarcation de la ligne bleue pour dégager une solution pérenne au bénéfice de la sécurité de tous ».

Macron a par ailleurs rappelé que cette souveraineté ne concerne pas que le sud du Liban, et que le contrôle des autres frontières, notamment dans le contexte du bouleversement en cours en Syrie, « constitue aussi un enjeu majeur ». 

L’autre pilier étant la prospérité au bénéfice de tous, il exprimé l’espoir d’une formation rapide du nouveau gouvernement pour mener à bien cette tâche et subvenir à l’urgence humanitaire qui n’est pas révolue.

La nécessité de réformer

La France assure t-il veille à ce que les engagements pris le 24 octobre à Paris soient tenus et qu'ils se traduisent matériellement au profit des populations déplacées par la guerre, Mais « au-delà des réponses d'urgence, la communauté internationale doit anticiper un soutien massif à la reconstruction des infrastructures des habitations détruites par la guerre, tout particulièrement au sud, où le million de déplacés libanais sont rentrés pour trouver leur maison et leur village réduits en cendres ».

À ce propos Macron a précisé qu’une conférence internationale pour la reconstruction se tiendra à Paris dans quelques semaines, lors d’une visite qu’effectuera le président libanais.

La prospérité suppose également des réformes, elles sont « attendues et connues » et s’adressant à Aoun dans des termes empreints d’une chaleur amicale « vous les portez, et vous les défendez », la réforme de la justice, la réforme bancaire, la réforme du marché de l'énergie, la lutte contre la corruption, « toutes ces réformes nécessaires, c'est le gouvernement à venir qui le portera, elles sont indissociables de cette reconstruction ». 

L'ensemble de ces points poursuit Macron doit servir le troisième objectif, « celui d'une nation libanaise, réconciliée et unie dans son pluralisme », car la plus grande des appartenances « est celle à une république qui croit dans l'universel, et d'un pluralisme qui respecte toutes les religions, toutes les communautés leur donnent à chacune sa place ».

Ce n'est que dans cette unité, assure-t-il dans « ce pluralisme réconcilié que le chemin est possible », rendant hommage au peuple libanais, aux milliers de victimes que le pays a déploré depuis le déclenchement de la guerre, « une guerre dans laquelle le Liban a été plongé, malgré lui par l'irresponsabilité de quelques uns ».

Avant sa rencontre avec Aoun au palais de Baabda Macron avait déposé une gerbe au monument du soldat inconnu, puis il s’est livré à un exercice qu’il affectionne particulièrement, en déambulant dans le quartier de Gemayzeh, qui avait été dévasté par l’explosion du port de Beyrouth en 2020

Évoluant au milieu d’une foule de libanais qui l’ont accueilli par des applaudissements chaleureux, il a siroté un café puis il a regardé des livres sur la reconstruction de ce quartier, qu’il avait visité juste au lendemain de l’explosion.

Il a échangé en toute spontanéité avec les personnes qui l’entouraient, il a fait des selfies, bu des jus de fruits, partagé une pizza en écoutant attentivement les personnes qui s'adressent à lui.

« Vous êtes adorable » lui lance une vieille dame, « aidez le Liban » lui demande un homme, une autre personne lui fait part de sa crainte d’une reprise de la guerre.

« Bon courage » et « garder le moral », assène le président français à ses interlocuteurs, avant de souligner que l’ère qui s’ouvre est une ère d’espoir où chacun a sa part à accomplir.

Macron avait commencé sa visite par une rencontre avec le premier ministre libanais en exercice Najib Mikati, et deux entretiens avec le chef d’état major de la FINUL, le général Jean-Jacques Fatinet, puis avec le commandant des opérations spéciales au sein du mécanisme de surveillance du cessez le feu le Général Jasper Jeffers et du représentant de la France au sein de ce mécanisme le général Guillaume Pin Hun.

 


Le procureur de la CPI, Karim Khan, rencontre le nouveau dirigeant syrien 

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  • Le président déchu, Bachar al-Assad, qui a fui à Moscou, refusait de coopérer avec la CPI, ne reconnaissant pas sa compétence sur son territoire
  • M. Chareh et le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, ont rencontré "une délégation de la Cour pénale internationale, dirigée" par Karim Khan, a déclaré Sana, qui a également publié des images de la réunion

DAMAS: Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a été reçu vendredi par le nouveau dirigeant syrien, Ahmad al-Chareh, qui a pris le pouvoir après la chute de Bachar al-Assad accusé de crimes durant la guerre civile, a indiqué l'agence de presse officielle Sana.

M. Chareh et le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, ont rencontré "une délégation de la Cour pénale internationale, dirigée" par Karim Khan, a déclaré Sana, qui a également publié des images de la réunion.

Le président déchu, Bachar al-Assad, qui a fui à Moscou, refusait de coopérer avec la CPI, ne reconnaissant pas sa compétence sur son territoire.

Le groupe islamiste de M. Chareh, Hayat Tahrir al-Sham (HTS), a mené une coalition qui a renversé Assad le 8 décembre, plus de 13 ans après la répression sanglante de manifestations anti-Assad ayant déclenché une guerre qui a fait plus de 500.000 morts.

Les nouvelles autorités ont promis de rendre justice aux victimes des atrocités commises durant les décennies de règne du clan Assad, s'engageant à juger les responsables impliqués dans la torture des détenus.

Elles ont exhorté la communauté internationale à leur remettre les personnes recherchées qui ont fui.

La CPI, basée à La Haye, n'a pas été en mesure d'enquêter sur la Syrie car le pays n'a jamais ratifié le Statut de Rome, son traité fondateur.

En 2014, la Russie et la Chine ont opposé leur veto à un projet de résolution du Conseil de sécurité visant à renvoyer le dossier syrien devant la CPI.

 


Explosion au port de Beyrouth: le juge reprend ses enquêtes après deux ans de suspension

Une source judiciaire a indiqué à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que M. Bitar avait "repris ses investigations dans le dossier et engagé des poursuites contre trois employés du port et sept officiers de haut rang de l'armée, de la sécurité générale et des douanes". (AFP)
Une source judiciaire a indiqué à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que M. Bitar avait "repris ses investigations dans le dossier et engagé des poursuites contre trois employés du port et sept officiers de haut rang de l'armée, de la sécurité générale et des douanes". (AFP)
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  • M. Bitar, juge indépendant, avait dû interrompre son enquête en janvier 2023, se heurtant à l'hostilité d'une grande partie de la classe politique, notamment du Hezbollah, ainsi qu'à une série de poursuites judiciaires
  • La reprise de ses investigations intervient après l'élection du nouveau président libanais Joseph Aoun et la nomination de Nawaf Salam comme Premier ministre, permises par un affaiblissement du Hezbollah après sa guerre dévastatrice contre Israël

BEYROUTH: Le juge libanais Tarek Bitar, chargé d'enquêter sur la  gigantesque explosion meurtrière au port de Beyrouth a repris ses investigations et engagé des poursuites contre dix nouvelles personnes jeudi, a indiqué à l'AFP une source judiciaire.

Le 4 août 2020, l'une des plus grandes explosions non nucléaires de l'histoire a dévasté des pans entiers de la capitale du Liban, tuant plus de 220 personnes et en blessant plus de 6.500.

M. Bitar, juge indépendant, avait dû interrompre son enquête en janvier 2023, se heurtant à l'hostilité d'une grande partie de la classe politique, notamment du Hezbollah, ainsi qu'à une série de poursuites judiciaires.

La reprise de ses investigations intervient après l'élection du nouveau président libanais Joseph Aoun et la nomination de Nawaf Salam comme Premier ministre, permises par un affaiblissement du Hezbollah après sa guerre dévastatrice contre Israël et la chute de Bachar al-Assad en Syrie.

M. Aoun et M. Salam se sont engagés à garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire et à empêcher toute ingérence dans le travail du juge, dans un pays où la culture de l'impunité prévaut.

Une source judiciaire a indiqué à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que M. Bitar avait "repris ses investigations dans le dossier et engagé des poursuites contre trois employés du port et sept officiers de haut rang de l'armée, de la sécurité générale et des douanes".

Il a précisé que les interrogatoires débuteront à partir du 7 février. Des séances d'interrogatoire sont également prévues en mars et avril avec d'autres inculpés, parmi lesquels des anciens ministres et députés.

Selon la même source, M. Bitar prévoit ensuite de clore l'enquête et de la transmettre au procureur général près la Cour de cassation pour qu'il examine l'affaire, en vue de formuler un acte d'accusation.

"Espoir" 

"Les promesses faites par le président et le Premier ministre, puis la reprise de l'enquête (...) aujourd'hui, nous donnent l'impression qu'il y a un espoir que les droits des victimes, pour lesquels nous n'avons cessé de lutter, ne seront pas oubliés", a déclaré à l'AFP Cécile Roukoz, l'une des avocates des familles des victimes, qui a perdu son frère dans l'explosion.

Jeudi, le Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Volker Türk a appelé à la "reprise d'une enquête indépendante", insistant sur la nécessité que les responsables "rendent des comptes" et proposant l'aide de son Bureau à cette fin.

La déflagration a été provoquée par un incendie dans un entrepôt où étaient stockées sans précaution des tonnes de nitrate d'ammonium, malgré des avertissements répétés aux plus hauts responsables.

Un premier juge chargé en 2020 de l'enquête avait dû jeter l'éponge, après avoir inculpé l'ex-Premier ministre, Hassan Diab, et trois anciens ministres.

Tarek Bitar s'était à son tour attaqué à des responsables politiques, mais a été confronté aux mêmes obstacles et à une demande du Hezbollah qu'il soit démis de ses fonctions.

Il avait repris son travail à la surprise générale en janvier 2023, inculpant plusieurs personnalités de haut rang, avant d'être poursuivi pour insubordination par le procureur général, une première dans l'histoire du Liban.

Les proches de victimes et de nombreuses ONG internationales ont demandé à plusieurs reprises la formation d'une commission d'enquête internationale, mais s'étaient heurtés à un refus officiel du Liban.

Dans son premier discours mardi, M. Salam a dit qu'il ferait "tout son possible pour rendre justice aux victimes de l'explosion".