IBIZA : Sur la plage de Figueretas à Ibiza, la distanciation sociale n'est pas dure à respecter. Les terrasses des restaurants sont clairsemées et les volets des appartements qui les surplombent souvent fermés.
En pleine pandémie, l'île espagnole craint un coup de grâce pour sa saison touristique après la quarantaine britannique. Mais les touristes présents et les habitants apprécient un calme inédit sur cette île habituellement courue des "clubbers" et DJ du monde entier.
Ici, "l'impact de la pandémie a été terrible, elle a frappé l'économie de l'île pour une raison simple : 90% du PIB dépend du tourisme", explique Vicent Torres Guasch, président de l'autorité locale du Conseil insulaire d'Ibiza.
L'espoir était pourtant revenu lorsque l'archipel avait accueilli mi-juin les premiers touristes étrangers autorisés à revenir en Espagne dans le cadre d'un projet pilote avec l'Allemagne.
Et en juillet, "le redémarrage a été supérieur à celui que nous attendions", souligne Iago Negueruela, responsable du tourisme au sein du gouvernement régional des Baléares.
Mais la quarantaine britannique imposée depuis dimanche par le Royaume-Uni pour les touristes arrivant d'Espagne face au rebond des contagions dans le pays risque de tuer dans l'œuf cette reprise. Et ce, même si l'archipel est très peu touché par la pandémie.
Risque de fermetures
"Dès le premier jour, des clients nous ont appelé pour annuler leur réservation", regrette Lucas Prats, gérant d'un hôtel quatre étoiles dans le centre d'Ibiza. "Pour ceux qui doivent travailler" à leur retour au Royaume-Uni, "c'est un problème".
"C'est un coup très dur", les Britanniques "représentent près de 30% des touristes de l'île", souligne Vicent Torres. "Cela va être difficile de remonter la pente car ils commençaient à arriver et nous comptions dessus pour relancer la saison".
A Ibiza, le temple du tourisme nocturne doit aussi faire face à la fermeture cet été à cause de la pandémie de ses discothèques parmi les plus prisées au monde.
Le gouvernement espagnol, qui juge la quarantaine britannique injuste, fait tout pour obtenir une exemption pour les voyageurs rentrant des Baléares et des Canaries. Mais Londres refuse.
"Si cette exemption n'est pas décidée rapidement, d'ici une semaine maximum, certains commerces, certains hôtels fermeront et leur réouverture sera difficile", met en garde Vicent Torres. Venu du Pays de Galles pour quelques semaines, Louis Morgan, 23 ans, juge "déraisonnable d'imposer une quarantaine" aux Baléares. "Le taux de contamination est bien plus bas ici" qu'en Grande-Bretagne, ajoute Milly Davies, 22 ans, sa compagne.
"L'île pour nous"
Mais alors que les rues et les plages de l'île sont habituellement noires de monde, touristes et résidents ne sont pas mécontents de ce calme inédit.
"C'est plutôt sympa, nous marchions dans les rues et c'était plus calme", apprécie Milly Davies après une balade nocturne dans le centre de la ville d'Ibiza.
Il y a "moins de touristes, de fêtes, peut-être encore plus de familles (...) on le sent aussi dans la circulation quand on veut aller à la plage, avec des enfants, ce n'est pas négligeable", témoigne pour sa part Santi Soto, Suisse de 47 ans habituée de l'île, venue avec son mari et ses deux fils.
Dans son taxi, Angel Torres, 47 ans, entend les gens dire souvent " j'espère que ce sera toujours comme ça" car il n'y a pas de massification, ni sur les plages (...) même si le choc économique est très dur".
Sur les hauteurs de la ville d'Ibiza, Juan José Roig profite du chant des cigales autour de sa maison. "Nous avons l'île pour nous, on en profite comme il y a trente ans (...) mais il faut aussi trouver un équilibre entre le fait que les gens puissent travailler et manger, et qu'ils aient de l'espace", estime cet électricien de 53 ans, natif d'Ibiza selon qui il faudra à terme "repenser le modèle touristique de l'île". "C'est inévitable".