PARIS : A moins de deux mois des européennes, tout le camp présidentiel semble suspendu à l'intervention d'Emmanuel Macron, dont le discours «Sorbonne II» jeudi doit relancer une campagne «qui n'a pas démarré», ultime combat électoral pour une «macronie» au devenir incertain.
Nostalgie dans le camp présidentiel ? Retours aux fondamentaux ? Jeudi, Emmanuel Macron prononcera un discours sur l'Europe dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Comme en septembre 2017. L'idée d'une prise de parole depuis un site industriel, censée illustrer les progrès réalisés depuis six ans, a finalement été écartée.
Le 7 mai, c'est à la Maison de la Mutualité, à Paris, que se donnent rendez-vous les troupes de la majorité pour un meeting autour de la tête de liste, Valérie Hayer. «Un lieu emblématique de notre famille politique. C'est là qu'Emmanuel Macron a fait sa première grande réunion publique à l'été 2016», explique à L'Opinion le directeur de campagne, Pieyre-Alexandre Anglade.
Deux ans après la réélection d'Emmanuel Macron, il flotte dans son camp comme un air de «der des der» à l'occasion de ces européennes, dernier rendez-vous électoral national avant 2027. Et l'heure n'est pas aux réjouissances avec un Rassemblement national autour de 30% dans les sondages et bien décidé à dicter le tempo de ce «scrutin de mi-mandat». Son président Jordan Bardella entend même, si le RN finit premier, demander la dissolution de l'Assemblée.
«Il y a quand même fort à parier que le soir du 9 juin, le RN sera non seulement très haut, mais renforcé. Et comme en 2025 il n'y a rien (aucune élection, NDLR) pour l'enrayer, ils seront en dynamique pour la municipale (de 2026) et peuvent l'être jusqu'en 2027», s'inquiète un chef de parti.
Dans le camp présidentiel, les projections ont débuté. «Si on fait moins de 15%, il faut qu'on fasse tous autre chose», glisse un membre du gouvernement, «pas très optimiste» sur l'issue du scrutin.
Comment terminer le quinquennat sans majorité absolue, dans un contexte de dégradation budgétaire et sous la menace d'une censure à l'Assemblée ? Un score décevant aux européennes n'accélérerait-il pas la course à la succession pour l’Élysée au sein de la majorité, alors qu'Emmanuel Macron ne peut pas se représenter ?
-»Il nous faut la liste!»-
Et pour l'heure, comment faire valoir un bilan européen dans un tel contexte national ? C'est la difficulté de la tête de liste Valérie Hayer. Jusqu'ici largement distancée par le RN. Et qui devance nettement ou se retrouve talonnée, selon les études, par la liste PS-Place Publique de Raphaël Glucksmann.
Glucksmann «prend des voix à la majorité. C'est pour ça qu'Emmanuel Macron voulait que ça soit Le Drian (en tête de liste) et c'est pour ça qu'il le ramène comme président du comité de soutien», explique la même source.
Pieyre-Alexandre Anglade a beau recenser près de 300 réunions publiques tenues depuis un mois et demi, tout le camp présidentiel s'accorde pour dire que la campagne «n'a pas démarré».
Jusqu'à l'Hôtel Matignon où l'on considère que «la bascule, le moment où on va vraiment entrer dedans, c’est le moment où le président fera son intervention sur les enjeux européens». Une manière de temporiser alors que le Premier ministre essuie dans ses propres rangs des critiques pour son implication jugée trop faible.
Le discours sur «l'Europe-puissance» jeudi doit en tous cas permettre de «continuer de faire le bilan de ces cinq années passées et se projeter sur la suite» avec «une nouvelle impulsion sur le projet européen», a expliqué dimanche Valérie Hayer.
La liste, objet de tractations entre les différents partis de la majorité --Renaissance, MoDem, Horizons, Parti radical-- et les nouveaux venus de l'UDI, pourrait intervenir «la semaine suivante», selon un proche du président. Et puisque, selon la même source, «l'idée est quand même de renouveler un peu», les places sont chères pour les eurodéputés sortants, dont Valérie Hayer est la présidente au parlement européen.
«Il nous faut la liste !», s'impatiente un membre du gouvernement. «Sans elle, difficile d'enclencher des dynamiques régionales». Pour l'heure, «les marchés, les tractages, on les fait, mais les gens ne viennent pas».