Des rapports font état d’efforts français pour rassembler une coalition de pays européens volontaires susceptibles de déployer des forces occidentales en Ukraine en raison des inquiétudes suscitées par la faiblesse observée de l’armée ukrainienne. Cependant, Paris reste prudent quant à l’escalade potentielle et à ses ramifications plus larges.
Une déclaration récente du Service de renseignement extérieur russe, citant son directeur, Sergueï Naryshkine, affirme que Moscou dispose d’informations qui indiquent que la France prépare une unité militaire d’environ 2 000 soldats – nombre initialement prévu – en vue d’un déploiement en Ukraine. M. Naryshkine affirme également que des membres de l’armée française sont déjà officieusement présents en Ukraine et qu’ils ont subi des pertes lors d’affrontements avec les forces russes. Le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de terre française, affirme quant à lui que l’armée est prête à faire face à un conflit qui s’annonce particulièrement délicat.
D’un point de vue analytique, des experts soulignent que la France ne dispose pas de forces suffisantes pour affronter ouvertement l’armée russe dans un conflit prolongé en Ukraine, ce qui constitue un fait incontesté. Ils affirment également qu’aucun pays européen ne possède la puissance militaire nécessaire pour affronter directement la Russie compte tenu de son indéniable supériorité militaire.
Ainsi, toute intervention unilatérale de l’Europe en Ukraine est considérée comme une entreprise risquée, d’autant plus que la Russie a prévenu que l’implication de l’Otan constituerait une déclaration de guerre.
Officiellement, le ministère français de la Défense dément avec véhémence l’exactitude des rapports qui font état de la présence de forces françaises en Ukraine ou de toute intention d’envoyer une unité militaire de 2 000 hommes. De telles affirmations sont rejetées et l’on considère qu’elles font partie d’une campagne de désinformation. Le chancelier allemand, Olaf Scholz, partage ce sentiment et exclut catégoriquement le déploiement de troupes des États membres de l’Union européenne (UE) ou de l’Otan en Ukraine.
L’Europe est incapable de supporter seule le fardeau de la confrontation avec la Russie, et elle reconnaît de plus en plus que des décisions militaires soudaines pourraient être catastrophiques sur un plan politique et stratégique. La plupart des États membres de l’UE refusent d’envoyer des forces ou de s’engager dans un conflit direct avec la Russie.
Les déclarations de l’agent de renseignement russe sur l’envoi de forces françaises en Ukraine viseraient à accroître la pression intérieure sur le président Macron et à le mettre en garde contre l’intensification des efforts européens destinés à soutenir l’Ukraine, ce qui pourrait entraîner une escalade de la confrontation avec la Russie. L’objectif de ces déclarations russes est de faire basculer l’opinion publique française, qui a généralement tendance à rejeter toute mesure susceptible de conduire à une guerre avec la Russie.
La Russie exploite avec succès les développements sur le terrain en Ukraine pour renforcer sa position politique, plaçant l’Occident dans une situation délicate. Il ne s’agit pas seulement de perdre des territoires ukrainiens et des implications stratégiques, mais cela pourrait également entraîner des pertes politiques pour les dirigeants européens qui cherchent à défier la Russie sur le front militaire. La véritable situation de l’Europe ne concerne pas la défaite de l’Ukraine, les perspectives de sa division ou la manière de parvenir à un accord avec la Russie, mais plutôt les conséquences d’une victoire militaire russe en Ukraine et la manière de traiter avec le Kremlin par la suite. Cette victoire aurait un impact sur le destin de l’Otan et les relations américano-européennes et elle soulignerait l’incapacité de l’Europe à assurer sa propre sécurité sans les États-Unis.
L’escalade de la concurrence entre la Russie et l’Occident sur la résolution du conflit ukrainien renforce la recherche de solutions intermédiaires, comme le gel du conflit – à l’instar des deux Corées –, au lieu de parvenir à un règlement politique définitif. Dans ce contexte, le passage de Macron de l’appel aux négociations à la menace d’envoyer des forces françaises reflète les dynamiques politiques et électorales nationales et internationales.
Ainsi, la Russie semble bénéficier non seulement des développements sur le terrain en Ukraine, mais aussi de leurs implications politiques, ce qui rend le paysage politique français et international encore plus complexe.
Salem AlKetbi est un politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral.
X: @salemalketbieng
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com