La balle iranienne qui a manqué sa cible

Les acteurs régionaux, en particulier l'Arabie saoudite et les autres États du Conseil de coopération du Golfe, ont mis en garde depuis des mois contre les dangers d'une escalade et la volatilité de la situation dans la région. (AFP).
Les acteurs régionaux, en particulier l'Arabie saoudite et les autres États du Conseil de coopération du Golfe, ont mis en garde depuis des mois contre les dangers d'une escalade et la volatilité de la situation dans la région. (AFP).
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Publié le Lundi 15 avril 2024

La balle iranienne qui a manqué sa cible

La balle iranienne qui a manqué sa cible
  • L'Europe ne doit pas tomber dans le piège de Netanyahou qui tente de présenter cette situation comme une lutte entre le bien et le mal
  • Les acteurs régionaux, en particulier l'Arabie saoudite et les autres États du Conseil de coopération du Golfe, ont mis en garde depuis des mois contre les dangers d'une escalade et la volatilité de la situation dans la région

L’élimination d'Israël et la destruction de ses villes ont longtemps été l'une des menaces publiquement répétées par les dirigeants iraniens à tous les niveaux. Ces menaces se sont transformées en promesses envers le peuple iranien et le peuple arabe, qui estiment qu’Israël doit être contenu.

Les acteurs régionaux, en particulier l'Arabie saoudite et les autres États du Conseil de coopération du Golfe, ont mis en garde depuis des mois contre les dangers d'une escalade et la volatilité de la situation dans la région. En vain. Depuis la révolution islamique en 1979, la politique de l'Iran a consisté à s’affirmer en tant que puissance exceptionnelle confrontant Israël et force s'opposant à la politique expansionniste agressive d'Israël.

Dès le début, les dirigeants iraniens ont tenté de se positionner en tant que champions des droits du peuple palestinien et acteurs majeurs de la lutte palestinienne contre Israël.

Cette politique s'est transformée en une instrumentalisation de la cause palestinienne et en une utilisation tout à fait obscure du sort des Palestiniens pour soutenir la politique régionale expansionniste et interventionniste de l'Iran ainsi que ses intérêts nationaux. Sous couvert de défendre la cause palestinienne, l'Iran a réussi à étendre son influence régionale, formant ainsi deux empires qui s'étendent de la mer d'Arabie aux rives de la Méditerranée.

Les promesses semées par l'Iran dans les esprits des citoyens palestiniens et arabes impuissants ont été nourries par l'affirmation selon laquelle l'Iran est la seule puissance ayant la volonté et la capacité de détruire Israël. Tout citoyen arabe ayant été témoin du drame palestinien comprend l'injustice historique infligée aux Palestiniens et la persistance de cette injustice depuis plus de soixante-dix ans.

Les communautés arabes souhaitent ardemment voir une force garantir les droits des Palestiniens opprimés. Cependant, elles refusent que cette noble cause soit instrumentalisée par des forces incapables de tenir leurs promesses et qui exploitent les émotions des opprimés.

L'attaque de missiles de l'Iran contre Israël marque le «jour promis» tant attendu par de nombreux citoyens palestiniens, arabes, et peut-être même par tous ceux qui ont été témoins de l'injustice historique infligée au peuple palestinien. Bien que la crise actuelle entre l'Iran et Israël trouve son origine dans les représailles à l'attaque d'Israël contre le consulat iranien à Damas, ayant entraîné la mort de plusieurs dirigeants des Gardiens de la révolution, Téhéran a exploité cette situation (qui n'était pas directement liée à l'agression israélienne à Gaza) pour alimenter la lutte irano-israélienne pour l'influence et l'hégémonie régionales. Cette décision de l'Iran de punir Israël a été saluée dans certains milieux.

Cette attaque n'a pas réussi à «rayer Israël de la carte», comme promis par les dirigeants iraniens à plusieurs reprises.

 - Dr. Abdulaziz Sager

Les attaques promises de l'Iran contre Israël sont désormais une réalité, mais leur succès reste à évaluer. Cependant, cette attaque n'a pas réussi à «rayer Israël de la carte», comme promis par les dirigeants iraniens à plusieurs reprises, et elle n'a pas non plus «mis à feu et à sang les villes israéliennes». Cette attaque n'a pas non plus vengé les plus de 33 000 Palestiniens tués au cours de l'agression israélienne actuelle sur la bande de Gaza, ni les centaines de milliers de vies perdues depuis le début de l'occupation israélienne. Elle n'a pas non plus détruit les infrastructures d'Israël ou entravé ses capacités militaires.

La clé de la solution au drame palestinien repose sur Washington et la pression qu'elle exercera sur le gouvernement Netanyahou. Il est certain que Benjamin Netanyahou souhaite cette escalade pour trois raisons majeures. Premièrement, cela éloigne Gaza des gros titres et atténue la pression sur Israël pour qu'il fasse des concessions, mêmes mineures, aux Palestiniens. Deuxièmement, une confrontation avec l'Iran rallie le soutien occidental derrière Israël. Enfin, cela renfloue le gouvernement Netanyahou et détourne l'attention du mouvement israélien appelant à des élections anticipées. Ainsi, Netanyahou continuera d’ignorer la pression américaine aussi longtemps que possible.

L'Iran ne souhaite pas une escalade supplémentaire, mais il ne restera pas non plus les bras croisés en cas de nouvelles agressions et/ou représailles israéliennes. Le délai entre l’annonce d’une réponse à l'attaque contre son consulat à Damas, et sa mise en œuvre près de deux semaines plus tard, suggère une intention d'acte symbolique plutôt qu’une volonté de déclencher une escalade plus large de la violence.

L'Occident doit garder son attention concentrée sur Gaza et ne pas perdre de vue les causes profondes du conflit. L'Europe ne doit pas tomber dans le piège de Netanyahou qui tente de présenter cette situation comme une lutte entre le bien et le mal. En même temps, l'attaque de missiles de l'Iran contre Israël remet en question le mythe entretenu par les dirigeants iraniens selon lequel soutenir l'Iran, sa révolution et ses dirigeants serait la seule réponse efficace à l'arrogance et à l'agression israéliennes.

Abdulaziz Sager est président du Gulf Research Center

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com