Ecole: le public dans la rue, les finances du privé dans le viseur de députés

Cette photographie prise le 27 février 2024 montre l'entrée principale de l'école primaire publique "La Coustarade", avant une marche pour protester contre la fermeture d'une classe de l'école primaire publique, à Marvejols, dans le sud de la France. (AFP)
Cette photographie prise le 27 février 2024 montre l'entrée principale de l'école primaire publique "La Coustarade", avant une marche pour protester contre la fermeture d'une classe de l'école primaire publique, à Marvejols, dans le sud de la France. (AFP)
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Publié le Mardi 02 avril 2024

Ecole: le public dans la rue, les finances du privé dans le viseur de députés

  • L'enseignement public manifeste dans la rue son désarroi et sa colère contre le «tri des élèves» imposé selon des syndicats par la politique gouvernementale
  • Bien que les textes officiels ne parlent plus que de groupes «constitués en fonction des besoins des élèves», un appel à la grève a été lancé par le Snes-FSU

PARIS: La vieille querelle scolaire va-t-elle refaire surface? Pendant que les enseignants se mobilisent mardi contre les "groupes de niveau" au collège et pour défendre l'école publique, les députés examineront un rapport qui étrille le financement de l'enseignement privé sous contrat et lui réclame davantage de transparence au risque de sanctions.

Quarante ans après l'abandon de la loi Savary qui prévoyait la création d'un grand service public unifié de l'éducation, une victoire de "l'école libre" qui avait su mobiliser ses partisans par centaines de milliers, les débats public/privé reprennent de la vigueur.

Examiné mardi en fin d'après-midi par la commission de l'Education et la Culture de l'Assemblée nationale, un rapport co-écrit par le député Renaissance Christopher Weissberg et son homologue LFI Paul Vannier devrait apporter de l'eau au moulin à ceux qui réclament la remise en cause du statu quo entre l'Etat et le privé.

Composé à 95% d'établissements catholiques, scolarisant plus de deux millions d'élèves, financé "a minima à 75% par la puissance publique", l'enseignement privé sous contrat avec l'Etat fait face depuis plusieurs mois à un feu roulant de critiques alimentées par les scandales autour de Stanislas, un établissement parisien élitiste, les sorties de piste de l'ex-ministre Oudéa-Castéra ou encore un rapport de la Cour des Comptes paru en juin.

Celui-ci avait souligné les carences du contrôle de l'Etat et un "net recul" de la mixité dans les établissements privés.

Le rapport de MM. Weissberg et Vannier poursuit dans cette même veine, même si l'un et l'autre ne tirent pas les mêmes recommandations.

Financement opaque, dépense de 9,04 milliards d'euros sous-estimée, contrôles budgétaires et pédagogiques insuffisants: le rapport a la dent dure sur la gestion de "l'école libre" par les pouvoirs publics.

Les rapporteurs veulent davantage de contrôle et estiment "que les contreparties exigées des établissements privés sont loin d'être à la hauteur des financements, comme en témoigne la dégradation de la mixité sociale et scolaire".

Pour renforcer cette mixité, Christopher Weissberg propose de rendre obligatoire la prise en compte l'indice de positionnement social (IPS) dans le "modèle d'allocation des moyens". Paul Vannier, lui, prône "un mécanisme de malus" pour baisser les dotations lorsque cet IPS est supérieur à celui des établissements publics du même secteur.

Lors d'une conférence de presse mercredi, le secrétaire général de l'enseignement catholique Philippe Delorme avait anticipé ces conclusions en dénonçant des "combats d'arrière garde".

Rejet des «groupes»

"Je regrette que tous nos établissements ne soient pas contrôlés financièrement chaque année", a-t-il ajouté, assurant que ceux-ci publient "un bilan comptable très précis, donc c'est assez simple de vérifier sans y passer des heures".

En miroir de ces turbulences qui agitent le privé, l'enseignement public manifeste dans la rue son désarroi et sa colère contre le "tri des élèves" imposé selon des syndicats par la politique gouvernementale.

En cause: la réforme lancée par Gabriel Attal dite du "choc des savoirs" censée rehausser le niveau des élèves français mais dont l'une des mesures phares, l'instauration de "groupes de niveau" en 6e et 5e dès la prochaine rentrée est vilipendée par une grande partie du monde éducatif.

Bien que les textes officiels ne parlent plus que de groupes "constitués en fonction des besoins des élèves", un appel à la grève a été lancé par le Snes-FSU, majoritaire dans les collèges et lycées, avec leurs collègues du SNEP-FSU (éducation physique et sportive), SUD Education, CGT éduc’action et FNEC-FP FO. Des manifestations sont organisées dans de très nombreuses villes en France.

Interrogée sur les menaces de désobéissance brandies par certains enseignants, la ministre de l'Education Nicole Belloubet a jugé sur BFMTV qu'il "ne s'agit pas de trier des élèves, mais de leur apporter, selon une pédagogie différenciée, des compétences. Je pense qu'il n'y a pas de raison d'entrer en résistance".

Outre le retrait "du choc des savoirs", les syndicats demandent "une revalorisation salariale sans contreparties et des moyens pour l'école publique".

Comme lors des dernières grèves, le mouvement devrait être davantage suivi dans les collèges mais aussi en Seine-Saint-Denis, où les syndicats appuyés par la gauche, réclament un "plan d'urgence" avec la création de milliers de postes de personnels éducatifs.


Après les tensions, Paris et Alger entament un nouveau chapitre

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
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  • Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont décidé de relancer les échanges bilatéraux
  • L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique

Après avoir frôlé la rupture, un nouveau chapitre s'ouvre dans les relations entre la France et l'Algérie.

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise.

Le communiqué publié par le palais de l'Élysée fait suite à plusieurs signes récents de rapprochement, notamment l'entretien accordé par Tebboune aux journalistes des médias publics algériens, où il a exprimé sa volonté de renouer le dialogue avec son homologue français et de mettre fin à ce qu'il a qualifié de «période d'incompréhension» entre leurs deux pays.

L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique, centrée sur trois axes prioritaires: la coopération sécuritaire, la gestion des flux migratoires et les questions mémorielles.

Le communiqué conjoint, publié à l’issue de cet échange, souligne la volonté des deux chefs d’État de dépasser les crises récentes pour amorcer une relation apaisée et mutuellement bénéfique.

Premier résultat concret dans le cadre de cette volonté affichée, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot se rend à Alger le 6 avril pour des entretiens avec son homologue algérien Ahmed Attal.

Les ministres devront détailler un programme de travail ambitieux et en décliner les modalités opérationnelles et le calendrier de mise en œuvre.

La coopération sécuritaire doit reprendre sans délai, notamment pour lutter contre le terrorisme au Sahel et sécuriser les frontières de la région.

La gestion des migrations irrégulières et la question des réadmissions de ressortissants algériens en situation irrégulière en France sont au cœur des discussions. 

Cette dynamique s’inscrit dans la continuité de l’engagement du président français, exprimé dès le début de son premier mandat et même avant, lors de sa campagne électorale en Algérie, où il avait qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité».

Plus tard et dès son élection en 2017, Macron a affiché sa volonté de regarder «la vérité en face». Sa première visite officielle en Algérie marquait la priorité qu’il entend donner à la relation franco-algérienne, en posant les bases d’un dialogue sincère et apaisé. 

Cet engagement a été réaffirmé par la déclaration d’Alger en août 2022, qui prévoyait la mise en place d’une «commission mixte des historiens» chargée d’examiner les archives et de favoriser une meilleure compréhension mutuelle.

Les enjeux de ce rapprochement, dont l’objectif est la poursuite du travail de refondation des relations bilatérales, dépassent le cadre strictement bilatéral et s’inscrivent dans un contexte géopolitique et sécuritaire complexe.

La coopération entre Paris et Alger est essentielle pour répondre aux défis régionaux, notamment dans le Sahel, où le terrorisme et l’instabilité menacent la sécurité de l’Afrique du Nord et de l’Europe. 

La France et l’Algérie partagent un intérêt commun pour la lutte contre les groupes armés et leur coopération stratégique revêt une importance capitale pour stabiliser la région.

La gestion des flux migratoires reste un point de tension récurrent, car si la France souhaite des mécanismes de réadmission efficaces, l’Algérie demande le respect de la dignité et des droits de ses ressortissants. 

Malgré la volonté de réconciliation affichée, le dossier mémoriel reste un obstacle majeur.

La question des excuses officielles pour les crimes coloniaux demeure sensible. Si Emmanuel Macron a reconnu des «crimes contre l’humanité» en 2017, les demandes d’excuses formelles de l’Algérie n’ont pas encore été pleinement satisfaites. 

Les travaux de la commission mixte des historiens, lancés à l’été 2022, doivent permettre d’approfondir la recherche sur cette période sombre et de poser les bases d’un dialogue apaisé.

Malgré les gestes d’ouverture, les relations entre Paris et Alger restent fragiles, en partie en raison d’une méfiance réciproque, alimentée par des perceptions contradictoires des enjeux bilatéraux.

L’un des points de friction les plus marquants est la question du Sahara occidental. La position française, perçue comme favorable au Maroc, a suscité des crispations du côté algérien, allant jusqu’au rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France. 

Pour Alger, le soutien implicite de Paris au plan d’autonomie marocain est perçu comme un alignement qui remet en cause l’équilibre diplomatique régional.

Bien que la France ait tenté de clarifier sa position, en affirmant vouloir accompagner une dynamique internationale de sortie de crise, ce dossier demeure une source de tension. 

Au-delà des relations diplomatiques, les opinions publiques des deux pays jouent un rôle crucial dans l’évolution du partenariat.

En Algérie, une partie de la population reste méfiante vis-à-vis des intentions françaises, nourrie par un sentiment de souveraineté exacerbée et par la mémoire toujours vive des exactions coloniales. 

En France, la question algérienne suscite également des clivages politiques. Certains considèrent les gestes mémoriels comme une forme de repentance excessive, tandis que d’autres appellent à une reconnaissance plus franche des torts commis pendant la colonisation. 

La relance des relations entre la France et l’Algérie repose sur un équilibre délicat entre la reconnaissance du passé, la gestion des défis actuels et la mise en œuvre d’une coopération tournée vers l’avenir. 

Malgré la volonté politique manifeste, la concrétisation de ce partenariat dépendra de la capacité des deux dirigeants à dépasser les clivages historiques et à impulser une dynamique durable.


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau.