Le «mépris total» d'Israël pour les droits des Gazaouis atteint un niveau inégalé, selon l'ONU

Des Palestiniens déplacés transportent leurs affaires personnelles dans une rue de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 6 mars 2024 (Photo, AFP).
Des Palestiniens déplacés transportent leurs affaires personnelles dans une rue de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 6 mars 2024 (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 07 mars 2024

Le «mépris total» d'Israël pour les droits des Gazaouis atteint un niveau inégalé, selon l'ONU

  • Des incidents tels que le massacre, la semaine dernière constituent des «crimes d'atrocité de la plus haute importance», ajoute la rapporteuse spéciale Paula Gaviria Betancur
  • Elle a accusé les autorités israéliennes d'utiliser les ordres d'évacuation simplement pour déplacer de force les habitants de Gaza et les confiner dans des conditions impropres à la vie

NEW YORK: Après cinq mois de guerre contre Gaza, les autorités israéliennes ont perdu toute crédibilité dans leurs affirmations selon lesquelles elles tentent de protéger les civils palestiniens dans le territoire assiégé, a déclaré mercredi une experte de l'ONU.

Au lieu de cela, les israéliens continuent à faire preuve d'un «mépris total» sans précédent pour les droits des personnes déplacées, a déclaré Paula Gaviria Betancur, rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits de l'homme des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays.

Elle a accusé Israël d'utiliser les ordres d'évacuation simplement pour déplacer de force les habitants de Gaza et les confiner dans des conditions impropres à la vie. Elle s'est également déclarée consternée par l'intention déclarée d'Israël d'étendre ces ordres à la ville méridionale de Rafah – dernier refuge pour plus de 1,5 million de Gazaouis déplacés et seul point d'entrée encore fonctionnel pour l'aide humanitaire dans le territoire – si ses demandes ne sont pas satisfaites d'ici le 10 mars.

«Tout ordre d'évacuation imposé à Rafah dans les conditions actuelles, alors que le reste de la bande de Gaza est en ruines, constituerait une violation flagrante du droit international humanitaire et des droits de l'homme, obligeant les gens à fuir dans des conditions de mort certaine, privés de nourriture, d'eau, de soins de santé et d'abri», a signalé Gaviria Betancur.

Peu de crises de déplacement interne dans l'histoire récente ont égalé le mépris total des droits des personnes déplacées à Gaza, a-t-elle ajouté.

«Les personnes déplacées à l'intérieur de la bande de Gaza ont été arbitrairement chassées de leurs maisons à de multiples reprises, au mépris de leurs droits à la vie, à la dignité, à la liberté et à la sécurité», a-t-elle expliqué.

«Il est impossible de concevoir une solution durable à leur déplacement, compte tenu de la destruction systématique par Israël des infrastructures civiles, notamment des maisons, des hôpitaux, des écoles, des marchés et des lieux de culte, et de l'immense tribut psychologique que le conflit a fait payer à la population de Gaza.

«Prévenir les déplacements arbitraires et fournir une protection, une assistance et des solutions durables aux personnes déplacées ne sont ni facultatifs ni des actes de charité. Il s'agit d'obligations qui incombent à Israël en tant que puissance occupante en vertu du droit international», a-t-elle estimé.

L'épine dorsale de la réponse humanitaire

Israël continue de mener des frappes aériennes sur Rafah qui tuent plus de 100 Palestiniens par jour. Les survivants sont contraints d'endurer des difficultés inimaginables, vivant dans des tentes qui s'inondent lorsqu'il pleut ou dans des abris de fortune fabriqués avec des bouts de matériaux. Les responsables humanitaires des Nations unies tirent quotidiennement la sonnette d'alarme sur la nécessité pour les autorités israéliennes de permettre l'acheminement de quantités plus importantes d'aide humanitaire dont le besoin se fait cruellement sentir.

Gaviria Betancur a condamné les «actions continues d'Israël pour entraver et militariser l'aide humanitaire, notamment par des attaques contre des civils cherchant de l'aide».

En janvier, la Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné à Israël de s’abstenir de prendre des mesures contre la population de Gaza qui pourraient constituer un génocide et de mettre en œuvre des «mesures immédiates et efficaces» pour garantir que l’aide humanitaire est fournie aux civils.

«Au lieu de cela, Israël a immédiatement lancé une campagne visant à discréditer et à cesser de financer l'agence des Nations unies qui fournit de l'aide et de l'assistance au développement aux Palestiniens, l'Unrwa, l'épine dorsale de la réponse humanitaire à Gaza, sur la base d'allégations pour lesquelles Israël n'a pas encore fourni publiquement de preuves crédibles», a clarifié Gaviria Betancur.

«Israël a également continué à attaquer les convois d'aide et les installations sanitaires, à imposer des restrictions de mouvement arbitraires aux acteurs humanitaires et n'a pas fait grand-chose pour tenir les citoyens israéliens responsables d'avoir bloqué l'acheminement de l'aide humanitaire. En conséquence, la famine et les maladies sévissent et font des victimes parallèlement aux actions militaires d'Israël», a-t-elle dévoilé.

«Le plus inquiétant, c'est qu'Israël semble avoir élargi son attaque contre l'aide humanitaire pour s'en prendre systématiquement aux demandeurs d'aide eux-mêmes», a-t-elle ajouté, faisant référence au massacre du 29 février, au cours duquel des centaines de personnes ont été tuées ou blessées alors qu'elles faisaient la queue pour obtenir de l'aide alimentaire.

«Je suis horrifié par la dépravation qui consiste à tuer des civils alors qu'ils sont les plus vulnérables et qu'ils recherchent une assistance de base. Il s'agit là de crimes atroces de premier ordre», a-t-elle insisté.

Depuis le début de la guerre à Gaza en octobre, environ 5% de la population de Gaza a été tuée ou blessée, et plus de 75% a été déplacée, selon les observateurs.

«Les vies palestiniennes ne sont pas de simples statistiques», a souligné Gaviria Betancur. «Il s'agit de familles qui luttent pour joindre les deux bouts, d'êtres chers déchirés, d'enfants qui tentent de trouver la joie au milieu d'un traumatisme inimaginable – des gens comme partout ailleurs.

«La communauté internationale doit cesser de croire qu'Israël respectera les principes du droit international humanitaire et des droits de l'homme dans ses opérations militaires.

«Un cessez-le-feu immédiat et permanent, associé à des mesures significatives visant à documenter les atrocités commises et à en rendre compte, ainsi qu'à garantir les droits fondamentaux des Palestiniens de Gaza, est la seule voie à suivre dans l'intérêt de notre humanité commune», a-t-elle jugé.

Les rapporteurs spéciaux font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Ce sont des experts indépendants qui travaillent sur une base volontaire, ne font pas partie du personnel de l'ONU et ne sont pas rémunérés pour leur travail.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Macron à Beyrouth: soutien ferme aux Libanais et leurs nouveaux dirigeants, pour une ère nouvelle

Le président français Emmanuel Macron serre la main de son homologue libanais Joseph Aoun au palais présidentiel de Baabda le 17 janvier 2025. Le 17 janvier, M. Macron a annoncé que Paris accueillerait dans les prochaines semaines une conférence internationale « pour la reconstruction du Liban » après une guerre entre le groupe militant Hezbollah et Israël. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron serre la main de son homologue libanais Joseph Aoun au palais présidentiel de Baabda le 17 janvier 2025. Le 17 janvier, M. Macron a annoncé que Paris accueillerait dans les prochaines semaines une conférence internationale « pour la reconstruction du Liban » après une guerre entre le groupe militant Hezbollah et Israël. (AFP)
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  • Pour affronter ces défis et amorcer l’écriture de la nouvelle page qui s’ouvre pour le pays, le président français estime qu’il faut s’adosser à trois piliers : restaurer la souveraineté, mettre le Liban sur la voie de la prospérité
  • C’est ce credo que Macron a déroulé lors de ses entretiens avec Aoun et qu’il a réitéré durant ses rencontres avec Salam et le chef du parlement libanais Nabih Berry

PARIS: En se rendant à Beyrouth, quelques jours après l’élection du nouveau président libanais Joseph Aoun et la désignation du nouveau premier ministre Nawaf Salam, le président français Emmanuel Macron a voulu confirmer que la France se tient fermement aux côtés du Liban et des Libanais, dans cette nouvelle ère qui s’ouvre.

C’est une ère porteuse de grands espoirs, pour un pays qui semblait voué au chaos, à cause de l’ineptie de sa classe politique et de ses luttes internes. C’est ce qu’il a voulu constater par lui-même en allant au contact des nouveaux dirigeants et du peuple libanais.

Mais c’est également une ère de défis complexes et difficiles, tant le Liban est fragilisé au niveau de ses institutions, de son économie et de son tissu social par des pratiques mercantiles et communautaires, les ingérences externes, puis récemment une guerre avec Israël qui a laissé une partie de son territoire en lambeaux.

Pour affronter ces défis et amorcer l’écriture de la nouvelle page qui s’ouvre pour le pays, le président français estime qu’il faut s’adosser à trois piliers : restaurer la souveraineté, mettre le Liban sur la voie de la prospérité et consolider son unité.

C’est ce credo que Macron a déroulé lors de ses entretiens avec Aoun et qu’il a réitéré durant ses rencontres avec Salam et le chef du parlement libanais Nabih Berry.

S’exprimant devant les journalistes à la suite de son tête-à-tête avec Aoun au palais présidentiel de Baabda il a souligné que la souveraineté passe par le respect du cessez-le-feu instauré entre le Liban et Israël le 26 novembre dernier et qu’il a qualifié de «succès diplomatique historique qui a permis de sauver des vies». Avec pour effet la nécessité de consolider le mécanisme de surveillance dont la France fait partie.

Cela implique une application stricte des engagements pris par les autorités israéliennes et libanaises dans le cadre de l'accord et dans les délais prévus.

 Soulignant que « des résultats ont été obtenus » à ce niveau, Macron a estimé qu’ils « doivent se fédérer, se confirmer dans la durée », avec « un retrait total des forces israéliennes, et un monopole total de l'armée libanaise sur les armes ».

C'est pourquoi ajoute Macron « nous soutenons, avec force la montée en puissance des forces armées libanaises et leur déploiement dans le sud du pays » tout en continuant à « consolider l'appui international en matière d'équipement de formation, et de soutien financier ».

Cet effort est soutenu par, la France à titre bilatéral et « je sais aussi que nos amis, l'arabie saoudite le Qatar les pays de la région sont prêts à faire davantage » ajoute-t-il, tout en travaillant « avec vous à la démarcation de la ligne bleue pour dégager une solution pérenne au bénéfice de la sécurité de tous ».

Macron a par ailleurs rappelé que cette souveraineté ne concerne pas que le sud du Liban, et que le contrôle des autres frontières, notamment dans le contexte du bouleversement en cours en Syrie, « constitue aussi un enjeu majeur ». 

L’autre pilier étant la prospérité au bénéfice de tous, il exprimé l’espoir d’une formation rapide du nouveau gouvernement pour mener à bien cette tâche et subvenir à l’urgence humanitaire qui n’est pas révolue.

La nécessité de réformer

La France assure t-il veille à ce que les engagements pris le 24 octobre à Paris soient tenus et qu'ils se traduisent matériellement au profit des populations déplacées par la guerre, Mais « au-delà des réponses d'urgence, la communauté internationale doit anticiper un soutien massif à la reconstruction des infrastructures des habitations détruites par la guerre, tout particulièrement au sud, où le million de déplacés libanais sont rentrés pour trouver leur maison et leur village réduits en cendres ».

À ce propos Macron a précisé qu’une conférence internationale pour la reconstruction se tiendra à Paris dans quelques semaines, lors d’une visite qu’effectuera le président libanais.

La prospérité suppose également des réformes, elles sont « attendues et connues » et s’adressant à Aoun dans des termes empreints d’une chaleur amicale « vous les portez, et vous les défendez », la réforme de la justice, la réforme bancaire, la réforme du marché de l'énergie, la lutte contre la corruption, « toutes ces réformes nécessaires, c'est le gouvernement à venir qui le portera, elles sont indissociables de cette reconstruction ». 

L'ensemble de ces points poursuit Macron doit servir le troisième objectif, « celui d'une nation libanaise, réconciliée et unie dans son pluralisme », car la plus grande des appartenances « est celle à une république qui croit dans l'universel, et d'un pluralisme qui respecte toutes les religions, toutes les communautés leur donnent à chacune sa place ».

Ce n'est que dans cette unité, assure-t-il dans « ce pluralisme réconcilié que le chemin est possible », rendant hommage au peuple libanais, aux milliers de victimes que le pays a déploré depuis le déclenchement de la guerre, « une guerre dans laquelle le Liban a été plongé, malgré lui par l'irresponsabilité de quelques uns ».

Avant sa rencontre avec Aoun au palais de Baabda Macron avait déposé une gerbe au monument du soldat inconnu, puis il s’est livré à un exercice qu’il affectionne particulièrement, en déambulant dans le quartier de Gemayzeh, qui avait été dévasté par l’explosion du port de Beyrouth en 2020

Évoluant au milieu d’une foule de libanais qui l’ont accueilli par des applaudissements chaleureux, il a siroté un café puis il a regardé des livres sur la reconstruction de ce quartier, qu’il avait visité juste au lendemain de l’explosion.

Il a échangé en toute spontanéité avec les personnes qui l’entouraient, il a fait des selfies, bu des jus de fruits, partagé une pizza en écoutant attentivement les personnes qui s'adressent à lui.

« Vous êtes adorable » lui lance une vieille dame, « aidez le Liban » lui demande un homme, une autre personne lui fait part de sa crainte d’une reprise de la guerre.

« Bon courage » et « garder le moral », assène le président français à ses interlocuteurs, avant de souligner que l’ère qui s’ouvre est une ère d’espoir où chacun a sa part à accomplir.

Macron avait commencé sa visite par une rencontre avec le premier ministre libanais en exercice Najib Mikati, et deux entretiens avec le chef d’état major de la FINUL, le général Jean-Jacques Fatinet, puis avec le commandant des opérations spéciales au sein du mécanisme de surveillance du cessez le feu le Général Jasper Jeffers et du représentant de la France au sein de ce mécanisme le général Guillaume Pin Hun.

 


Le procureur de la CPI, Karim Khan, rencontre le nouveau dirigeant syrien 

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  • Le président déchu, Bachar al-Assad, qui a fui à Moscou, refusait de coopérer avec la CPI, ne reconnaissant pas sa compétence sur son territoire
  • M. Chareh et le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, ont rencontré "une délégation de la Cour pénale internationale, dirigée" par Karim Khan, a déclaré Sana, qui a également publié des images de la réunion

DAMAS: Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a été reçu vendredi par le nouveau dirigeant syrien, Ahmad al-Chareh, qui a pris le pouvoir après la chute de Bachar al-Assad accusé de crimes durant la guerre civile, a indiqué l'agence de presse officielle Sana.

M. Chareh et le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, ont rencontré "une délégation de la Cour pénale internationale, dirigée" par Karim Khan, a déclaré Sana, qui a également publié des images de la réunion.

Le président déchu, Bachar al-Assad, qui a fui à Moscou, refusait de coopérer avec la CPI, ne reconnaissant pas sa compétence sur son territoire.

Le groupe islamiste de M. Chareh, Hayat Tahrir al-Sham (HTS), a mené une coalition qui a renversé Assad le 8 décembre, plus de 13 ans après la répression sanglante de manifestations anti-Assad ayant déclenché une guerre qui a fait plus de 500.000 morts.

Les nouvelles autorités ont promis de rendre justice aux victimes des atrocités commises durant les décennies de règne du clan Assad, s'engageant à juger les responsables impliqués dans la torture des détenus.

Elles ont exhorté la communauté internationale à leur remettre les personnes recherchées qui ont fui.

La CPI, basée à La Haye, n'a pas été en mesure d'enquêter sur la Syrie car le pays n'a jamais ratifié le Statut de Rome, son traité fondateur.

En 2014, la Russie et la Chine ont opposé leur veto à un projet de résolution du Conseil de sécurité visant à renvoyer le dossier syrien devant la CPI.

 


Explosion au port de Beyrouth: le juge reprend ses enquêtes après deux ans de suspension

Une source judiciaire a indiqué à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que M. Bitar avait "repris ses investigations dans le dossier et engagé des poursuites contre trois employés du port et sept officiers de haut rang de l'armée, de la sécurité générale et des douanes". (AFP)
Une source judiciaire a indiqué à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que M. Bitar avait "repris ses investigations dans le dossier et engagé des poursuites contre trois employés du port et sept officiers de haut rang de l'armée, de la sécurité générale et des douanes". (AFP)
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  • M. Bitar, juge indépendant, avait dû interrompre son enquête en janvier 2023, se heurtant à l'hostilité d'une grande partie de la classe politique, notamment du Hezbollah, ainsi qu'à une série de poursuites judiciaires
  • La reprise de ses investigations intervient après l'élection du nouveau président libanais Joseph Aoun et la nomination de Nawaf Salam comme Premier ministre, permises par un affaiblissement du Hezbollah après sa guerre dévastatrice contre Israël

BEYROUTH: Le juge libanais Tarek Bitar, chargé d'enquêter sur la  gigantesque explosion meurtrière au port de Beyrouth a repris ses investigations et engagé des poursuites contre dix nouvelles personnes jeudi, a indiqué à l'AFP une source judiciaire.

Le 4 août 2020, l'une des plus grandes explosions non nucléaires de l'histoire a dévasté des pans entiers de la capitale du Liban, tuant plus de 220 personnes et en blessant plus de 6.500.

M. Bitar, juge indépendant, avait dû interrompre son enquête en janvier 2023, se heurtant à l'hostilité d'une grande partie de la classe politique, notamment du Hezbollah, ainsi qu'à une série de poursuites judiciaires.

La reprise de ses investigations intervient après l'élection du nouveau président libanais Joseph Aoun et la nomination de Nawaf Salam comme Premier ministre, permises par un affaiblissement du Hezbollah après sa guerre dévastatrice contre Israël et la chute de Bachar al-Assad en Syrie.

M. Aoun et M. Salam se sont engagés à garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire et à empêcher toute ingérence dans le travail du juge, dans un pays où la culture de l'impunité prévaut.

Une source judiciaire a indiqué à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que M. Bitar avait "repris ses investigations dans le dossier et engagé des poursuites contre trois employés du port et sept officiers de haut rang de l'armée, de la sécurité générale et des douanes".

Il a précisé que les interrogatoires débuteront à partir du 7 février. Des séances d'interrogatoire sont également prévues en mars et avril avec d'autres inculpés, parmi lesquels des anciens ministres et députés.

Selon la même source, M. Bitar prévoit ensuite de clore l'enquête et de la transmettre au procureur général près la Cour de cassation pour qu'il examine l'affaire, en vue de formuler un acte d'accusation.

"Espoir" 

"Les promesses faites par le président et le Premier ministre, puis la reprise de l'enquête (...) aujourd'hui, nous donnent l'impression qu'il y a un espoir que les droits des victimes, pour lesquels nous n'avons cessé de lutter, ne seront pas oubliés", a déclaré à l'AFP Cécile Roukoz, l'une des avocates des familles des victimes, qui a perdu son frère dans l'explosion.

Jeudi, le Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Volker Türk a appelé à la "reprise d'une enquête indépendante", insistant sur la nécessité que les responsables "rendent des comptes" et proposant l'aide de son Bureau à cette fin.

La déflagration a été provoquée par un incendie dans un entrepôt où étaient stockées sans précaution des tonnes de nitrate d'ammonium, malgré des avertissements répétés aux plus hauts responsables.

Un premier juge chargé en 2020 de l'enquête avait dû jeter l'éponge, après avoir inculpé l'ex-Premier ministre, Hassan Diab, et trois anciens ministres.

Tarek Bitar s'était à son tour attaqué à des responsables politiques, mais a été confronté aux mêmes obstacles et à une demande du Hezbollah qu'il soit démis de ses fonctions.

Il avait repris son travail à la surprise générale en janvier 2023, inculpant plusieurs personnalités de haut rang, avant d'être poursuivi pour insubordination par le procureur général, une première dans l'histoire du Liban.

Les proches de victimes et de nombreuses ONG internationales ont demandé à plusieurs reprises la formation d'une commission d'enquête internationale, mais s'étaient heurtés à un refus officiel du Liban.

Dans son premier discours mardi, M. Salam a dit qu'il ferait "tout son possible pour rendre justice aux victimes de l'explosion".