WASHINGTON: L'Amérique va tout droit vers une présidentielle qui ne l'enthousiasme guère, après que Donald Trump et Joe Biden, déjà grandissimes favoris de leurs primaires respectives, ont achevé de faire le vide autour d'eux mardi lors du "Super Tuesday".
Seule encore en lice dans la primaire républicaine face à l'ancien président, l'ancienne ambassadrice à l'ONU Nikki Haley va annoncer mercredi qu'elle met fin à sa campagne, selon plusieurs médias américains.
Donald Trump, qui a occupé la Maison Blanche de 2017 à 2021, a raflé quasiment tous les Etats - 14 sur 15 - en jeu au cours de la grande journée électorale de mardi.
Le républicain, cerné de poursuites judiciaires qui n'entament ni la ferveur de sa base, ni son emprise sur le parti conservateur, devrait déclarer victoire au plus tard le 19 mars, après des primaires notamment en Géorgie et en Floride.
Joe Biden, qui ne fait face à aucune opposition sérieuse, l'a emporté dans tous les Etats qui votaient mardi.
Le démocrate de 81 ans comme son rival républicain de 77 ans devront attendre les conventions de l'été pour être investis par leurs partis - sauf surprise ou accident de santé.
Mais ils ont déjà les yeux rivés sur le 5 novembre.
«Soirée formidable»
Entouré de ses partisans réunis dans sa luxueuse résidence de Floride, Donald Trump a salué mardi "une soirée formidable".
L'ancien magnat de l'immobilier, qui se présente en homme providentiel face au "déclin" généralisé de l'Amérique, a consacré toutes ses attaques sur Joe Biden, en matière notamment d'immigration et d'économie.
Ce dernier a repris son thème principal de campagne, assurant mardi que Donald Trump était "déterminé à détruire notre démocratie".
A en croire les sondages, ce duel entre un septuagénaire et un octogénaire n'enthousiasme guère les électeurs.
Pour l'emporter, dans une Amérique polarisée à l'extrême, Joe Biden comme Donald Trump devront à la fois mobiliser leurs bases et séduire le plus possible d'électeurs indépendants dans une poignée d'Etats indécis.
Que feront, par exemple, les partisans de la républicaine Nikki Haley?
Selon la presse américaine, dans un discours mercredi à 15h00 GMT à Charleston (Caroline du sud), l'ancienne ambassadrice à l'ONU n'appellera pas à voter pour l'ancien président.
Indépendants
L'équipe de campagne de Joe Biden s'efforcera de puiser dans ce réservoir de voix - écrasée par Donald Trump, Nikki Haley a toutefois séduit certains électeurs conservateurs, et même remporté l'Etat montagneux et peu peuplé du Vermont (nord-est).
Joe Biden "ne s'est jamais vraiment préoccupé des autres candidats de son parti ni du parti républicain", explique Todd Belt, politologue à l'université George Washington, qui s'attend à ce que "les attaques (contre Donald Trump) s'intensifient".
Le président fait face à une cote de popularité obstinément anémique, à des inquiétudes persistantes sur son âge, et à la colère de certains électeurs contre sa ligne de ferme soutien à Israël.
Mais Joe Biden reste persuadé d'être le meilleur candidat face à Donald Trump: "Je suis le seul qui l'ait jamais battu. Et je vais le battre à nouveau", affirme-t-il dans un entretien publié lundi par le New Yorker.
Quatre choses à retenir du «Super Tuesday»
Comme attendu, le "Super Tuesday" s'est conclu par une série de victoires éclatantes de Donald Trump aux scrutins républicains, lui assurant une avance presque insurmontable pour l'investiture de son parti en vue de la présidentielle de novembre.
Incertitudes pour Nikki Haley
Seule candidate républicaine encore en lice face à l'ultra favori, l'ancienne gouverneure de la Caroline du Sud Nikki Haley n'a remporté mardi qu'un seul des Etats en jeu: le Vermont.
L'ex-ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU accumule un retard considérable sur son opposant, qui a jusqu'ici remporté l'immense majorité des délégués en jeu lors des scrutins. Ces derniers se rendront à l'été à la convention nationale du Parti républicain pour désigner le candidat officiel pour l'élection de novembre.
Dans ces conditions, continuera-t-elle la course? La candidate, qui ne s'était jusqu'à présent pas projetée publiquement après le "Super Tuesday", n'a pas directement réagi dans la soirée, laissant planer le doute sur son avenir.
Trump devra encore rassembler
Si Donald Trump l'emporte mardi haut la main quasiment partout, des éléments suggèrent qu'après les primaires, le nécessaire élargissement de sa base électorale ne sera pas aisé.
Dans la poignée d'Etats disputés qui décideront en novembre du résultat de l'élection, Donald Trump aura besoin de récolter les voix des républicains modérés et des indépendants, au-delà de ses très fidèles partisans.
Des sondages de sorties des urnes mardi montrent l'ampleur de la tâche pour l'ex-président.
En Caroline du Nord par exemple, 66% des électeurs de Nikki Haley pensent que le milliardaire n'est pas apte, mentalement ou physiquement, à être président, selon un sondage de CNN. Et 81% d'entre eux affirment qu'ils ne soutiendraient pas automatiquement le gagnant des primaires de leur parti.
Cette part d'électeurs n'est pas négligeable: ils comptent pour environ 30% des voix républicaines. Donald Trump, cerné par les procès, "devrait s'inquiéter de l'unification du Parti républicain", analyse Karl Rove, consultant républicain.
Biden gêné par une mobilisation pour Gaza
Joe Biden, président candidat à sa réélection, n'affronte aucun concurrent sérieux côté démocrate, mais la guerre à Gaza s'est immiscée dans la campagne.
Mardi, une initiative visant à lui demander d'agir pour instaurer un cessez-le-feu immédiat dans le territoire palestinien a de nouveau affecté son score dans un Etat.
Après le Michigan la semaine passée, plus de 40 000 personnes ont glissé mardi dans le Minnesota un bulletin blanc. Des militants ont appelé les électeurs à manifester ainsi leur mécontentement afin d'exhorter le gouvernement Biden à cesser de soutenir Israël.
Le Minnesota, l'un des Etats avec la plus grande part de la population musulmane du pays, a ainsi voté à environ 20% blanc, selon des résultats partiels dans la nuit de mardi à mercredi -- une "victoire" pour ce mouvement, selon la responsable de l'association "Uncommitted Minnessota", Asma Nizami.
Par ailleurs, plus anecdotique: au beau milieu du Pacifique, Jason Palmer, un illustre inconnu, a battu le président Biden dans les Samoa américaines avec... 51 voix contre 40.
Il aura jeudi une tribune de premier choix pour essayer d'en convaincre les Américains: son discours annuel sur l'état de l'Union, face au Congrès et à des millions de téléspectateurs.
«Point de bascule»
"Le plus important sera de montrer qu'il a envie de se battre contre les républicains sur les sujets cruciaux comme l'économie, la sécurité à la frontière, la santé, et les droits individuels. C'est une lourde tâche pour n'importe quel président, et je pense que ce discours pourrait être un point de bascule" dans la campagne, analyse la politologue Wendy Schiller.
La manière dont Joe Biden livrera cette longue allocution - plus de 70 minutes l'an dernier - comptera autant que son contenu: l'Amérique guettera tout signe de fatigue ou de confusion de la part de son président.
L'âge de Donald Trump ne suscite pas les mêmes réticences de l'électorat américain.
Mais l'ancien président fait face à un autre défi: jongler entre une campagne et un calendrier judiciaire surchargé, avec ce que cela implique de déplacements et de pharaoniques dépenses.
Son premier procès au pénal débute le 25 mars, à New York.
Le républicain assure être "bien plus populaire" depuis qu'il a été inculpé au pénal à quatre reprises mais nombre d'enquêtes d'opinion montrent que le soutien à sa candidature s'effriterait considérablement s'il était condamné.