NEW YORK : Il a connu la Guerre de sécession, deux conflits mondiaux, le 11-Septembre et le Covid-19: le plus ancien saloon de New York tient debout depuis 170 ans en servant quelques bières et des burgers, un morceau d'histoire de la mégapole américaine.
Le secret du McSorley's Old Ale House niché depuis 1854 dans l'East Village de Manhattan? «Faire couler la bière et laisser la porte ouverte», résume sa patronne Teresa Maher qui a succédé en 1994 à son père Matthew Maher, gérant de cette institution new-yorkaise de 1977 à sa mort en 2020.
«C'est un petit lieu très connu», lance-t-elle à l'AFP en tirant ses deux seules pressions, une blonde et une brune, uniques boissons alcoolisées de ce pub américano-irlandais à la façade noire et verte qui a ouvert sept ans avant le déclenchement de la Guerre de sécession (1861-1865) et n'a été dirigé que par trois familles.
«Après 170 ans, beaucoup de gens viennent voir si on est toujours là», s'amuse Mme Maher dont la devise sur le site internet du pub est: «Nous étions là avant votre naissance».
McSorley's Old Ale House vient de fêter son 170e anniversaire avec des gâteaux et des chansons, célébrant aussi comme nombre de bars, restaurants, cafés new-yorkais le fait d'avoir tenu malgré la pandémie de Covid-19 dont la ville se relève.
En 2020, la municipalité avait imposé des règles sanitaires draconiennes forçant les établissements à vendre à emporter ou à servir sur des terrasses montées à la hâte sur les trottoirs.
Un commerce de bouche sur 25 a disparu, notamment en raison de la hausse vertigineuse des prix des baux commerciaux après la pandémie, selon un rapport de 2022.
- «Soyez gentils ou partez» -
«On est propriétaire des murs ce qui nous met pour l'instant à l'abri», espère Mme Maher qui applique à ses clients un autre commandement historique en Amérique: «Be good or be gone» («Soyez gentils ou partez»).
Aujourd'hui impensable, une autre ancienne devise du saloon vantait jusqu'en 1970 «la bonne bière, les oignons et... pas de femmes», avant que McSorley's Old Ale House ne soit légalement contraint d'accepter les deux sexes.
Le lieu est rustique et le décor a à peine bougé depuis le début du XXe siècle. Le plancher est hors d'âge et couvert de sciure de bois.
La carte des plats et des boissons se limite à des burgers/frites, hot dogs, quelques sandwiches dont le réputé au pâté de foie, deux bières et trois sodas.
Les prix sont très inférieurs à n'importe quel estaminet new-yorkais.
Ce qui explique que des consommateurs réguliers, curieux et touristes continuent de pousser les portes battantes du saloon.
- Dinde en 1917 -
L'un de ses plus anciens clients est un pompier à la retraite de 93 ans, Mike Rousso, dont le casque numéro 6 est accroché au mur du bar.
McSorley's Old Ale House est d'ailleurs fier de ses liens étroits avec les corps des pompiers, policiers et militaires new-yorkais.
Avec ses moments d'Histoire.
En 1917, avant d'être déployés en Europe durant la Première guerre mondiale, des hommes du 69e régiment d'infanterie de New York étaient partis avec de la dinde préparée par leurs familles dans les cuisines du restaurant.
«C'est dément ici pour la commémoration du 11-Septembre», confie l'un des habitués, Phil Lavigne, policier à la retraite.
Et la relève est déjà assurée: Sebastian Maher, 19 ans, «regarde comment fait (sa) mère et veu(t) bien sûr un jour diriger» McSorley's Old Ale House.