PARIS: L'annonce par la France d'un coup de rabot sur son aide au développement a provoqué la colère des ONG françaises actives à l'international, qui dénoncent un risque de réduction de leurs programmes dans des zones sensibles, du Moyen-Orient à l'Afrique.
"C'est la douche froide", a commenté lundi auprès de l'AFP Olivier Bruyeron, président de la Coordination SUD, qui rassemble 180 associations et ONG françaises à l'international, après la baisse de 800 millions d'euros annoncée par le gouvernement dans le cadre d'un plan plus large d'économies de 10 milliards d'euros.
Pour cette organisation française qui compte dans ses rangs des ONG telles qu'Action contre la faim, Handicap international et Médecins du monde, une baisse de l'aide publique aura forcément un effet sur les missions que ces ONG financent, bien que peu de détails aient pour l'instant filtré sur la nature des programmes touchés.
Seules précisions pour l'heure sur ce coup de rabot: sur les 800 millions d'euros concernés par des économies, 600 millions proviendront de programmes menés sous l'égide du ministère des Affaires étrangères et 200 millions du ministère de l'Economie, a indiqué une source au ministère de l'Economie lundi.
"La contribution volontaire aux Nations Unies", qui recouvre des programmes de développement menés entre plusieurs Etats, "pourra faire partie des économies envisagées", a également affirmé cette source.
Les crédits à destination des Nations Unies "ne sont pas là pour financer de beaux bureaux à New York", réagit auprès de l'AFP Louis-Nicolas Jandeaux, chargé de campagne pour l'ONG Oxfam, qui juge la situation "particulièrement grave".
Double discours
"Cela veut dire qu'on coupe des budgets destinés par exemple à l'agence des Nations Unies pour les réfugiés en Palestine pour sauver des vies à Gaza, des financements vers la lutte contre la faim en Afrique de l'Est...", énumère-t-il.
La France a annoncé fin janvier ne pas prévoir de nouveau versement à l'agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) au premier trimestre 2024, après des accusations selon lesquelles des employés pourraient avoir été impliqués dans l'attaque sanglante du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre.
Plus largement, selon une source diplomatique, les principales pistes d'économies pourraient se concentrer sur deux domaines, outre le tarissement de ces contributions volontaires internationales: dans la baisse des programmes menés avec les pays touchés entre-temps par des coups d'Etats en Afrique, surtout dans le Sahel, et dans la diminution des crédits accordés à l'Agence française de développement.
Outre l'effet négatif sur les programmes d'aide, les ONG et associations critiquent un double discours du gouvernement. "Cette coupe de l'aide au développement va à rebours des besoins, de l'état du monde et des engagements politiques pris par le gouvernement", martèle Olivier Bruyeron, de la Coordination SUD.
En 2022, la France a versé 16 milliards de dollars d'aide publique au développement, selon le rapport annuel de l'OCDE publié en avril 2023, et s'est même félicitée d'être devenue le quatrième plus gros bailleur international derrière les Etats-Unis, l'Allemagne et le Japon. Les chiffres annuels pour 2023 sont attendus en avril.
Ce montant record pour la France représente toutefois 0,56% de son revenu national brut, faisant de ce pays le dixième contributeur mondial à l'aide au développement, encore loin de l'objectif des Nations Unies visant à faire reverser par chaque pays développé 0,7% par an de son RNB. La France s'est elle-même engagée dans une loi d'août 2021 à reverser ce pourcentage chaque année à partir de 2025.
En 2022, seuls le Luxembourg, la Suède, la Norvège et l'Allemagne ont atteint cet objectif de 0,7%.