PARIS: La mort vendredi dans une prison de l'Arctique du célèbre opposant russe de 47 ans, Alexeï Navalny, a suscité l'indignation des Occidentaux, l'UE pointant la seule responsabilité du "régime russe" et certains pays évoquant un crime de Vladimir Poutine.
Etats-Unis : pour Biden, «Poutine est responsable»
Le président américain Joe Biden s'est dit "scandalisé" par la mort de l'opposant, une "voix puissante pour la vérité", et a jugé que Vladimir "Poutine était responsable". "Nous ne savons pas exactement ce qui s'est passé", a-t-il toutefois admis.
Pour la vice-présidente américaine Kamala Harris, c'est là "un nouveau signe de la brutalité" du président russe.
L'ONU demande une «enquête crédible»
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a demandé une "enquête complète, crédible et transparente" sur la mort d'Alexeï Navalny.
Le Haut Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a appelé à la "fin des persécutions" en Russie.
UE : le «régime» russe «seul responsable»
L'UE tient "le régime russe" pour "seul responsable de la mort tragique" d'Alexeï Navalny, a averti le président du Conseil européen Charles Michel. L'opposant "s'est battu pour les valeurs de liberté et de démocratie. Pour ses idéaux, il a fait le sacrifice ultime", a-t-il ajouté.
Otan : la Russie «doit répondre à de sérieuses questions»
La Russie "doit répondre à de sérieuses questions" concernant cette mort, a estimé le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg.
Poutine : un «monstre», pour le Premier ministre du Canada
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a qualifié de "monstre" Vladimir Poutine, qui "réprimera quiconque se bat pour la liberté du peuple russe".
Pour la femme de Navalny, Poutine doit être puni
Vladimir Poutine doit être "tenu pour personnellement responsable" et "puni" pour les atrocités commises contre Alexeï Navalny, a réagi d'Allemagne son épouse Ioulia Navalnaïa.
Le Vatican «stupéfié»
La nouvelle "nous a stupéfiés et remplis de douleur", a affirmé le secrétaire d’Etat du Vatican (le numéro deux du Saint-Siège), le cardinal Pietro Parolin.
Allemagne : le chancelier Scholz «très attristé»
L'opposant a "payé son courage de sa vie", a déploré le chancelier allemand Olaf Scholz qui s'est dit "très attristé".
"Il est horrible qu'une voix courageuse, intrépide et engagée pour son pays ait été réduite au silence par des méthodes terribles", a réagi l'ex-chancelière Angela Merkel, "extrêmement bouleversée".
Royaume-Uni : une «immense tragédie» pour le peuple russe
Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a parlé de l'"immense tragédie" que constitue pour le peuple russe la mort d'Alexeï Navalny, rendant hommage au "courage" du "plus farouche défenseur de la démocratie" en Russie.
France : «colère et indignation»
"Dans la Russie d'aujourd'hui, on met les esprits libres au goulag et on les y condamne à la mort", a dénoncé le président français Emmanuel Macron, pour lequel le décès d'Alexeï Navalny dit "la faiblesse du Kremlin et la peur de tout opposant".
Italie : un rappel des «époques les plus sombres de l’histoire»
"La mort d’Alexeï Navalny (...) constitue la pire et la plus injuste fin d’une histoire humaine et politique qui a secoué la conscience de l’opinion publique mondiale", a commenté le président italien Sergio Mattarella, selon lequel l'opposant a payé "un prix injuste et inacceptable qui nous rappelle les époques les plus sombres de l’histoire".
Pour la Pologne, pas de pardon pour le Kremlin
"Alexeï nous n'allons jamais t'oublier. Et nous ne leur pardonnerons jamais", a promis Donald Tusk, le Premier ministre polonais. Le chef de la diplomatie polonaise Radoslaw Sikorski a quant à lui accusé Vladimir Poutine d'être "responsable" de la mort de l'opposant.
L'Estonie fustige un «régime voyou»
Pour la Première ministre estonienne, "le régime voyou" russe est responsable de la mort d'Alexeï Navalny.
Lettonie : Navalny "brutalement assassiné par le Kremlin»
Alexeï Navalny "vient d'être brutalement assassiné par le Kremlin, c'est un fait et c'est quelque chose qu'il faut savoir sur la vraie nature du régime actuel de la Russie", a lancé le président letton Edgars Rinkevics.
Ukraine : Poutine doit «rendre des comptes», dit Zelensky
"Il est évident pour moi que (Alexeï Navalny) a été tué comme des milliers d'autres qui ont été torturés à mort à cause d'une seule personne, Poutine, qui ne se soucie pas de qui va mourir tant qu'il conserve sa position", a lancé le président ukrainien Volodomyr Zelensky à Berlin, ajoutant que Poutine "devra rendre des comptes pour ses crimes".
Les dernières semaines d'Alexeï Navalny dans sa prison de l'Arctique
Le principal opposant russe, Alexeï Navalny, a passé ses derniers jours isolé dans une prison de l'Arctique. Via des messages passés à ses avocats et diffusés par son équipe sur les réseaux sociaux, il racontait son quotidien avec humour et optimisme.
Voici ce que le charismatique militant anticorruption, mort vendredi selon les autorités, disait de sa vie de bagnard au-delà du cercle polaire :
«La nuit, puis le soir, puis à nouveau la nuit»
Le 26 décembre, M. Navalny a posté de sa nouvelle colonie pénitentiaire de Kharp son premier message, après n'avoir donné aucune nouvelle pendant des semaines en raison de son transfert à partir de son ancienne prison de la région de Vladimir, plus proche de Moscou.
"Je suis votre nouveau grand-père gel", ironisait-il, se comparant à l'équivalent du père Noël dans le folklore russe. "J'ai un touloup, une ouchanka et j'aurai bientôt des valenko", ajoutait-il, évoquant les traditionnels manteaux, chapeaux et bottes d'hiver en fourrure.
"Je vis maintenant au-delà du cercle polaire (...) mais je ne dis pas +ho-ho-ho" mais plutôt "oh-oh-oh" quand je regarde par la fenêtre, où c'est d'abord la nuit, puis le soir, puis à nouveau la nuit", racontait l'opposant.
Il se disait fatigué d'un voyage de 20 jours depuis son ancienne prison mais ajoutait : "ne vous inquiétez pas pour moi, tout va bien".
Isolement et froid polaire
Quelques semaines plus tard, après une période de quarantaine, M. Navalny a donné plus de détails sur ses conditions de vie.
"L'idée selon laquelle Poutine était (suffisamment) satisfait de m'avoir placé dans une caserne du Grand Nord pour qu'ils cessent de me mettre à l'isolement était... naïve", déclarait l'opposant.
M. Navalny a passé plus de 300 jours à l'isolement, une punition pour des violations que lui imputent les autorités carcérales mais que le militant voit comme une vengeance.
Cette fois, les gardiens lui ont reproché de s'être mal présenté à eux. Résultat, "sept jours à l'isolement".
Autorisé à sortir pour une promenade quotidienne dans l'obscurité totale à 6H30 du matin, M. Navalny s'est "promis qu'il sortirait par n'importe quel temps".
Sa cellule, quant à elle, mesure "onze pas d'un mur à l'autre". Les températures peuvent descendre jusqu'à -32°C.
"Même par une telle température, on peut marcher plus d'une demi-heure, à condition d'avoir le temps de faire repousser son nez, ses oreilles et ses doigts", ironisait-il encore le 9 janvier.
Réveil à cinq heures
Alexeï Navalny tournait aussi en ridicule les routines dans sa prison.
Le 22 janvier, il a ainsi raconté que les gardiens réveillaient tout le monde à cinq heures pour l'hymne national russe.
"Et, juste après cela, la deuxième chanson la plus importante du pays : Je suis russe" du chanteur Shaman, la nouvelle star des grands concerts "patriotiques" organisés par le Kremlin.
"Imaginez la scène : (région de) Iamalo-Nénétsie, nuit polaire, dans une colonie pénitentiaire, le prisonnier Navalny, qui purge une peine de 19 ans et que la propagande du Kremlin réprimande depuis des années pour avoir participé à des marches russes, s'exerce à chanter "Je suis Russe", se moquait l'opposant.
Manifestations en Europe et aux Etats-Unis pour dénoncer la mort d'Alexeï Navalny
Des centaines de personnes se sont rassemblées vendredi soir à travers l'Europe et aux Etats-Unis pour rendre hommage à l'opposant numéro un au Kremlin, Alexeï Navalny, dont Moscou a annoncé le décès.
M. Navalny, qui avait rallié de nombreux partisans avec ses critiques contre la corruption de la Russie de Vladimir Poutine, est mort vendredi à 47 ans dans la colonie pénitentiaire de l'Arctique où il purgeait une peine de 19 ans de prison.
A Varsovie, une centaine de personnes ont manifesté devant l'ambassade de Russie en Pologne, en majorité des jeunes dont beaucoup semblaient bouleversés.
«Envoyez-moi de l'argent»
A une audience au tribunal le 15 février - à la veille de sa mort -, Alexeï Navalny est apparu via vidéo de bonne humeur, en train de plaisanter aux dépens du juge au sujet d'une série d'amendes qui lui avaient été infligées.
"Votre honneur, je vais vous envoyer mon numéro de compte personnel pour que vous, avec votre énorme salaire de juge fédéral, puissiez m'envoyer de l'argent", a-t-il déclaré en riant.
"Je n'ai plus d'argent et, grâce à vos décisions, j'en aurai encore moins. Alors envoyez-en moi !", lançait-il.
«Je t'aime»
Le dernier message de M. Navalny, diffusé le jour de la Saint-Valentin, était dédié à sa femme, Ioulia.
"Toi et moi, nous avons tout, comme dans la chanson : des villes, des lumières d'aérodromes, des tempêtes de neige bleues et des milliers de kilomètres qui nous séparent", a-t-il déclaré, citant une chanson populaire de l'ère soviétique.
"Mais je sens que tu es près de moi à chaque seconde et je t'aime de plus en plus", disait-il.
Vendredi, Ioulia Navalnaïa a appelé à "punir" Vladimir Poutine et son régime pour la mort de son mari.