SELESTAT: Ils partagent "les constats" de l'ensemble des agriculteurs français mobilisés, mais préconisent des "solutions différentes" : les membres de la Confédération paysanne ne réclament pas moins de normes environnementales, mais plutôt de "sortir l'agriculture des lois du marché".
Ils sont environ 250 à participer mardi soir à un rassemblement devant la gare de Sélestat.
Pourtant, ces différentes organisations observent les mêmes difficultés: des agriculteurs qui ne comptent pas leurs heures et peinent à se dégager un revenu "digne". A Sélestat, la plupart des producteurs rencontrés vivent au mieux avec 1 000 euros par mois, même en privilégiant la vente directe et les circuits courts. Les rares qui se paient un Smic (près de 1.400 euros net par mois) jugent qu'ils ne s'en tirent "pas trop mal par rapport aux collègues".
"J'estime que je travaille pour 4 à 5 euros de l'heure. Evidemment, ce n'est pas assez, mais je fais ça par conviction, au prix d'un certain nombre de sacrifices", explique Jean Wagner, maraîcher bio de 50 ans installé à Colmar. "Je ne ferais que du commerce de fruits et légumes, je m'en sortirais mieux."
«Services rendus à la nature»
Il regrette notamment que les "services rendus à la nature" ne soient "jamais valorisés". "J'ai fait une étude de l'impact carbone de mon exploitation, je stocke plus de carbone que je n'en dégage. Je ne laboure pas, pour maintenir des sols vivants, je plante des haies, quand le système incite plutôt à agrandir les surfaces et donc à détruire les haies", explique-t-il.
La question de la taille des exploitations est une des grandes préoccupation de la Confédération paysanne, troisième syndicat agricole français, qui demande de longue date une réforme des subventions de la politique agricole commune (PAC).
"La PAC devrait servir à soutenir l'emploi sur les fermes et à financer la transition écologique, mais au lieu de ça, elle paie les surfaces", déplore Pierre-Luc Laemmel, porte-parole en Alsace de cette confédération, qui dénonce également les accords de libre-échange signés par l'Union européenne.
"Ce sont des politiques qui vident nos campagnes, qui obligent ceux qui restent à être toujours plus compétitifs, à bouffer le voisin. Avec les paysans qui disparaissent, ce sont aussi les fermes qui s'agrandissent, qui se spécialisent, et on perd en diversité de production. En 30 ans, on est passé d'un million de paysans à moins de 380.000 aujourd'hui" en France, souligne ce maraîcher de 37 ans, qui produit aussi de la volaille.
«Un Etat qui protège»
Alors, plutôt qu'une dérégulation des marchés ou une suppression des normes, il défend la vision d'un Etat "qui protège et qui régule". "Ce qu'on souhaite d'urgence, c'est une loi qui indexe les prix des denrées agricoles sur nos prix de revient, c'est-à-dire nos coûts de production plus notre revenu", poursuit-il.
De nombreux agriculteurs appellent cependant à une simplification de certaines règles administratives, qu'ils estiment trop souvent pensées pour les acteurs de l'agro-industrie, et se révèlent trop contraignantes pour les producteurs indépendants.
"Mon laboratoire de transformation, ça doit être le même que Fleury Michon, mais les charges ne s'amortissent pas de la même manière si vous transformez un animal par mois que si vous en transformez un par jour", proteste Violette Botter, 43 ans, qui élève des vaches et des cochons à Sainte-Croix-aux-Mines.
"La grippe aviaire, on a bien vu que ça ne vient pas d'un petit élevage paysan, et pourtant on a subi les mêmes contraintes que les industriels", complète-t-elle, en s'interrogeant sur sa capacité à maintenir son activité dans les années qui viennent.
Au plan national, la Confédération paysanne a appelé mardi soir "à bloquer les centrales d'achat" de la grande distribution et à "cibler les prédateurs du revenu paysan".